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lalilou
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Message par lalilou »

Il meurt lentement
celui qui ne voyage pas,
celui qui ne lit pas,
celui qui n’écoute pas de musique,
celui qui ne sait pas trouver
...grâce à ses yeux.
Il meurt lentement
celui qui détruit son amour-propre,
celui qui ne se laisse jamais aider.
Il meurt lentement
celui qui devient esclave de l’habitude
refaisant tous les jours les mêmes chemins,
celui qui ne change jamais de repère,
Ne se risque jamais à changer la couleur
de ses vêtements
Ou qui ne parle jamais à un inconnu.
Il meurt lentement
celui qui évite la passion
et son tourbillon d’émotions
celles qui redonnent la lumière dans les yeux
et réparent les coeurs blessés.
Il meurt lentement
celui qui ne change pas de cap
lorsqu’il est malheureux
au travail ou en amour,
celui qui ne prend pas de risques
pour réaliser ses rêves,
celui qui, pas une seule fois dans sa vie,
n’a fui les conseils sensés
Vis maintenant !
Risque-toi aujourd’hui !
Agis tout de suite !
Ne te laisse pas mourir lentement !
Ne te prive pas d’être heureux !

Pablo NERUDA
[Ma galerie] [Mon salon]

« Tout m’afflige et me nuit et conspire à me nuire. » - Phèdre (I, 3, v. 161)
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Prisoner
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Message par Prisoner »

En mémoire de ma première amoureuse.

L'Amoureuse de Paul Eluard.

Elle est debout sur mes paupières
Et ses cheveux sont dans les miens,
Elle a la forme de mes mains,
Elle a la couleur de mes yeux,
Elle s'engloutit dans mon ombre
Comme une pierre sur le ciel.

Elle a toujours les yeux ouverts
Et ne me laisse pas dormir.
Ses rêves en pleine lumière
Font s'évaporer les soleils
Me font rire, pleurer et rire,
Parler sans avoir rien à dire.
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Moonchild
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Message par Moonchild »

Je suis un grand amateur de Charles Bukowski pour ma part. Un poème qui me parle toujours énormément est "Bluebird". Je le laisse en anglais car traduire la poésie est chose ardue, mais c'est assez facile à comprendre.

Bluebird - Charles Bukowski

there's a bluebird in my heart that
wants to get out
but I'm too tough for him,
I say, stay in there, I'm not going
to let anybody see
you.
there's a bluebird in my heart that
wants to get out
but I pour whiskey on him and inhale
cigarette smoke
and the whores and the bartenders
and the grocery clerks
never know that
he's
in there.

there's a bluebird in my heart that
wants to get out
but I'm too tough for him,
I say,
stay down, do you want to mess
me up?
you want to screw up the
works?
you want to blow my book sales in
Europe?
there's a bluebird in my heart that
wants to get out
but I'm too clever, I only let him out
at night sometimes
when everybody's asleep.
I say, I know that you're there,
so don't be
sad.
then I put him back,
but he's singing a little
in there, I haven't quite let him
die
and we sleep together like
that
with our
secret pact
and it's nice enough to
make a man
weep, but I don't
weep, do
you?
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sadavid
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Message par sadavid »

Commune présence, René Char

Tu es pressé d’écrire,
Comme si tu étais en retard sur la vie.
S’il en est ainsi fais cortège à tes sources.
Hâte-toi.
Hâte-toi de transmettre
Ta part de merveilleux de rébellion de bienfaisance.
Effectivement tu es en retard sur la vie,
la vie inexprimable,
La seule en fin de compte à laquelle tu acceptes de t’unir,
Celle qui t’est refusée chaque jour par les êtres et les choses,

Dont tu obtiens péniblement de-ci de-là quelque fragments décharnés
Au bout de combats sans merci.
Hors d’elle, tout n’est qu’agonie soumise, fin grossière.
Si tu rencontres la mort durant ton labeur,
Reçois-la comme la nuque en sueur trouve bon le mouchoir aride,
En t’inclinant.
Si tu veux rire,
Offre ta soumission,
jamais tes armes.
Tu as été crée pour des moments peu communs.
Modifie-toi, disparais sans regret
Au gré de la rigueur suave.
Quartier suivant quartier la liquidation du monde se poursuit
Sans interruption,
Sans égarement.

Essaime la poussière,
Nul ne décèlera votre union.
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Nush
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Message par Nush »

C'est un poème d'Eluard que je mets partout partout (même ici)... Je l'ai même fait étudier en classe à mes secondes l'an dernier.

Notre vie

Notre vie tu l'as faite elle est ensevelie
Aurore d'une ville un beau matin de mai
Sur laquelle la terre a refermé son poing
Aurore en moi dix-sept années toujours plus claires
Et la mort entre en moi comme dans un moulin

Notre vie disais-tu si contente de vivre
Et de donner la vie à ce que nous aimions
Mais la mort a rompu l'équilibre du temps
La mort qui vient la mort qui va la mort vécue
La mort visible boit et mange à mes dépens


Morte visible Nusch invisible et plus dure
Que la faim et la soif à mon corps épuisé
Masque de neige sur la terre et sous la terre
Source des larmes dans la nuit masque d'aveugle
Mon passé se dissout je fais place au silence.
Nush : ma galerie màj le 12.11.14
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Emotive
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Message par Emotive »

Pâle étoile du soir


Pâle étoile du soir, messagère lointaine,
Dont le front sort brillant des voiles du couchant,
De ton palais d'azur, au sein du firmament,
Que regardes-tu dans la plaine?

La tempête s'éloigne et les vents sont calmés.
La forêt, qui frémit, pleure sur la bruyère;
Le phalène doré, dans sa course légère,
Traverse les prés embaumés.

Que cherches-tu sur la terre endormie?
Mais déjà, vers les monts, je te vois t'abaisser;
Tu fuis, en souriant, mélancolique amie,
Et ton tremblant regard est près de s'effacer.

Étoile qui descends vers la verte colline,
Triste larme d'argent du manteau de la Nuit,
Toi que regarde au loin le pâtre qui chemine,
Tandis que pas à pas son long troupeau le suit,

Étoile, où t'en vas-tu, dans cette nuit immense?
Cherches-tu, sur la rive, un lit dans les roseaux?
Ou t'en vas-tu, si belle, à l'heure du silence,
Tomber comme une perle au sein profond des eaux?

Ah! si tu dois mourir, bel astre, et si ta tête
Va dans la vaste mer plonger ses blonds cheveux,
Avant de nous quitter, un seul instant arrête;
Étoile de l'amour, ne descends pas des cieux!

De Musset, Le Saule
...Emotive...

"Il n'y a point de bête au monde tant à craindre à L'Homme que l'Homme"
Michel De Montaigne

Mon Saule Pleureur
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Emotive
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Message par Emotive »

Le dormeur du val

C'est un trou de verdure où chante une rivière,
Accrochant follement aux herbes des haillons
D'argent ; où le soleil, de la montagne fière,
Luit : c'est un petit val qui mousse de rayons.

Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort ; il est étendu dans l'herbe, sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.

Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
Nature, berce-le chaudement : il a froid.

Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine,
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.

Arthur Rimbaud
...Emotive...

"Il n'y a point de bête au monde tant à craindre à L'Homme que l'Homme"
Michel De Montaigne

Mon Saule Pleureur
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Aglaë
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Message par Aglaë »

"Je plonge dan le silence,
Sans risque de me noyer,
Je m'enfonce,
Je disparais.
Et quand je reviendrai,
A la surface des mots et des bruits,
Je serai capable,
A nouveau,
De vivre."

"Peut-être,
Est n mot rassurant,
Ouvert,
D'un côté et de l'autre,
Au tremblement des choses,
Au noir et au blanc,
Au balancement du ou."

"Surtout,
Aimer,
Au risque de non-retour,
Aimer,
A fonds perdus
A cœur donnant,
Aimer,
Midinette ou roméo,
Traviata ou hidalgo,
Aimer,
A mains ouvertes,
Et à regards troublés,
Aimer,
Sans fin,
Même après la défaite,
Aimer,
Encore à contretemps,
Aimer,
Aveugle et vagabond,
Aimer,
Sans droit et sans question,
Et puis recommencer,
Sans peur et sans raison,
Aimer."

"Parfois s'arrêter,

Regarder le monde,
En bas,
Comme il est,
Bancal injuste violent.

Y retourner,
Ou pas ?
Le bousculer cogner se battre,
Ou fuir ?

C'est un choix"

"Mal,
Je tends les bras,
J'ouvre les mains,
Et je vois les traces,
Du mal,
Et ça fait,
Mal.

Noire sale,
En dedans de moi,
Je mets les poings,
Sur mes yeux,
Fermés,
Et je vois la lumière,
Noire,
Du mal.

Rien pour effacé c'est gravé imprimé,
En moi,
Et ça fait,
Mal,
Le mal."

"Haine,
Rage,

Les mots griffés,
Traces sanglantes de ma voix déchirée.

Haine,
Rage,

Accrochée à mon ventre,
Étranglée dans ma gorge.

Haine,
Rage,

A hurler contre le murs,
A percer les tympans,
J'arrive pas à l'empêcher,
A la domestiquer,
Tout casser.

Haine,
Rage,

Froidement."

"D'un seul mot,
Ils étrangles mes rêves,
Étouffent mon espérance.

Réalité.

Regarde disent-ils
La réalité en face.

Je veux la regarder,
De travers,
La maquiller,
La réinventer.

Réalité."

De Bernard FRIOT, "Pour vivre, presque poèmes".

Et tant d'autres.. Très beau recueil de poèmes.
Ma Grotte Secrète Ma galerie

« Je suis devenu fou avec de longues et horribles périodes de raison. » Edgar Allan Poe
« Aucun homme ne choisit le mal pour le mal, il le confond seulement avec le bonheur, le bien qu'il recherche. » Mary Shelley
« Tu tombes, tu te relèves, jusqu'au jour où tu crèves, tout ça pour tomber dans l'oubli. C'est fini, Cowboy, fini, mais rassure-toi, on peut pas tomber plus bas. »
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Sélix
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Message par Sélix »

Un merveilleux sujet!

Sully Prudhomme (1839-1907) 
Les yeux

Bleus ou noirs, tous aimés, tous beaux,
Des yeux sans nombre ont vu l'aurore.
Ils dorment au fond des tombeaux
Et le soleil se lève encore...

Les nuits plus douces que les jours
Ont enchanté des yeux sans nombre.
Les étoiles brillent toujours
Et les yeux se sont remplis d'ombre.

Oh ! Qu'ils aient perdu le regard
Non, non, cela n'est pas possible,
Ils se sont tournés quelque part
Vers ce qu'on nomme l'invisible.

Et comme les astres penchants
Nous quittent, mais au ciel demeurent
Les prunelles ont leur couchant
Mais il n'est pas vrai qu'elles meurent.

Bleus ou noirs, tous aimés, tous beaux,
Ouverts à quelqu'immense aurore
De l'autre côté des tombeaux
Les yeux qu'on ferme voient encore.

(Ce poème me fait pleurer. Mon Dieu j'espère que c'est vrai, mes chers yeux tant aimés, que la terre m'a repris. )



Un autre très célèbre de Guillaume Appollinaire (1880-1918), gravement blessé en 1916 durant la guerre.

Merveilles de la guerre.

Que c'est beau ces fusées qui illuminent la nuit   
Elles montent sur leur propre cime et se penchent pour regarder   
Ce sont des dames qui dansent avec leurs regards pour yeux bras et cœurs   

J'ai reconnu ton sourire et ta vivacité   

C'est aussi l'apothéose quotidienne de toutes mes Bérénices dont les chevelures sont devenues des comètes   
Ces danseuses surdorées appartiennent à tous les temps et à toutes les races   
Elles accouchent brusquement d'enfants qui n'ont que le temps de mourir   

Comme c'est beau toutes ces fusées   
Mais ce serait bien plus beau s'il y en avait plus encore   
S'il y en avait des millions qui auraient un sens complet et relatif comme les lettres d'un livre   
Pourtant c'est aussi beau que si la vie même sortait des mourants   
Mais ce serait plus beau encore s'il y en avait plus encore   
Cependant je les regarde comme une beauté qui s'offre et s'évanouit aussitôt   
Il me semble assister à un grand festin éclairé a giorno   
C'est un banquet que s'offre la terre   
Elle a faim et ouvre de longues bouches pâles   
La terre a faim et voici son festin de Balthasar cannibale   
Qui aurait dit qu'on pût être à ce point anthropophage   
Et qu'il fallût tant de feu pour rôtir le corps humain   

C'est pourquoi l'air a un petit goût empyreumatique qui n'est ma foi pas désagréable   
Mais le festin serait plus beau encore si le ciel y mangeait avec la terre   
Il n'avale que les âmes   
Ce qui est une façon de ne pas se nourrir   
Et se contente de jongler avec des feux versicolores   

Mais j'ai coulé dans la douceur de cette guerre avec toute ma compagnie au long des longs boyaux   
Quelques cris de flamme annoncent sans cesse ma présence   
J'ai creusé le lit où je coule en me ramifiant en mille petits fleuves qui vont partout   
Je suis dans la tranchée de première ligne et cependant je suis partout ou plutôt je commence à être partout   
C'est moi qui commence cette chose des siècles à venir   
Ce sera plus long à réaliser que non la fable d'Icare volant   

Je lègue à l'avenir l'histoire de Guillaume Apollinaire   
Qui fut à la guerre et sut être partout   
Dans les villes heureuses de l'arrière   
Dans tout le reste de l'univers   
Dans ceux qui meurent en piétinant dans le barbelé   
Dans les femmes dans les canons dans les chevaux   
Au zénith au nadir aux 4 points cardinaux   
Et dans l'unique ardeur de cette veillée d'armes   

Et ce serait sans doute bien plus beau   
Si je pouvais supposer que toutes ces choses dans lesquelles je suis partout   
Pouvaient m'occuper aussi   
Mais dans ce sens il n'y a rien de fait   
Car si je suis partout à cette heure il n'y a cependant que moi qui suis en moi

Guillaume Apollinaire 
Mon tout petit salon où il y a toujours un peu de thé et de biscuit, foi de souris ^^
L'histoire d'une petite souris dans la petite galerie.
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Luka
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Message par Luka »

C'est un trou de verdure où chante une rivière
Accrochant follement aux herbes des haillons
D'argent ; où le soleil, de la montagne fière,
Luit : c'est un petit val qui mousse de rayons.

Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort ; il est étendu dans l'herbe sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.

Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
Nature, berce-le chaudement : il a froid.

Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.

(Arthur Rimbaud, Le Dormeur du val, octobre 1870)
"Ils ne savaient pas que c'était impossible alors ils l'ont fait. "

Mark Twain
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Pacey117
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Message par Pacey117 »

Il pleure dans mon coeur
de Paul Verlaine

Il pleure dans mon coeur
Comme il pleut sur la ville ;
Quelle est cette langueur
Qui pénètre mon coeur ?

Ô bruit doux de la pluie
Par terre et sur les toits !
Pour un coeur qui s'ennuie,
Ô le chant de la pluie !

Il pleure sans raison
Dans ce coeur qui s'écoeure.
Quoi ! nulle trahison ?...
Ce deuil est sans raison.

C'est bien la pire peine
De ne savoir pourquoi
Sans amour et sans haine
Mon coeur a tant de peine !
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Débonnaire
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Message par Débonnaire »

Elsa au miroir

C’était au beau milieu de notre tragédie
Et pendant un long jour assise à son miroir
Elle peignait ses cheveux d’or Je croyais voir
Ses patientes mains calmer un incendie
C’était au beau milieu de notre tragédie

Et pendant un long jour assise à son miroir
Elle peignait ses cheveux d’or et j’aurais dit
C’était au beau milieu de notre tragédie
Qu’elle jouait un air de harpe sans y croire
Pendant tout ce long jour assise à son miroir

Elle peignait ses cheveux d’or et j’aurais dit
Qu’elle martyrisait à plaisir sa mémoire
Pendant tout ce long jour assise à son miroir
À ranimer les fleurs sans fin de l’incendie
Sans dire ce qu’une autre à sa place aurait dit

Elle martyrisait à plaisir sa mémoire
C’était au beau milieu de notre tragédie
Le monde ressemblait à ce miroir maudit
Le peigne partageait les feux de cette moire
Et ces feux éclairaient des coins de ma mémoire

C’était un beau milieu de notre tragédie
Comme dans la semaine est assis le jeudi

Et pendant un long jour assise à sa mémoire
Elle voyait au loin mourir dans son miroir

Un à un les acteurs de notre tragédie
Et qui sont les meilleurs de ce monde maudit

Et vous savez leurs noms sans que je les aie dits
Et ce que signifient les flammes des longs soirs

Et ses cheveux dorés quand elle vient s’asseoir
Et peigner sans rien dire un reflet d’incendie

Louis Aragon, La Diane française, 1945

J'aime le jeu des répétitions et variations, l'image de la femme se peignant devant sa coiffeuse, la confusion des images.
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hop3
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Message par hop3 »

invictus

Dans les ténèbres qui m’enserrent,
Noires comme un puits où l’on se noie,
Je rends grâce aux dieux quels qu’ils soient,
Pour mon âme invincible et fière,

Dans de cruelles circonstances,
Je n’ai ni gémi ni pleuré,
Meurtri par cette existence,
Je suis debout bien que blessé,

En ce lieu de colère et de pleurs,
Se profile l’ombre de la mort,
Et je ne sais ce que me réserve le sort,
Mais je suis et je resterai sans peur,

Aussi étroit soit le chemin,
Nombreux les châtiments infâmes,
Je suis le maître de mon destin,
Je suis le capitaine de mon âme.
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Alexia311
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Message par Alexia311 »

Baudelaire "Les Fleurs de Mal"

Recueillement

Sois sage, ô ma Douleur, et tiens toi tranquille
Tu réclamais le Soir; il descend; le voici:
Une atmosphère obscure enveloppe la ville,
Aux uns portant la paix, aux autres le soucis.

Pendant que les mortels la multitude vile,
Sous le fouet du Plaisir, ce bourreau sans merci,
Va cueillir des remords dans la fêtes servile,
Ma Douleur, donne moi la main; viens par ici,

Loin d'eux. Vois se pencher les défuntes Années,
Sur les balcons du ciel, en robes surannées,
Surgir du fond des eaux le Regret souriant;

Le soleil moribond s'endormir sous une arche
Et, comme un long linceul traînant à l'Orient,
Entends, ma chère, entend la douce Nuit qui qui Marche.
J'ai pu découvrir les rayons du soleil,
J'ai joué avec les ténèbres,
Je me suis assise dans les limbes,
Ce que j'ai préféré...Ton réveil.

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Joy of life
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Message par Joy of life »

Marianne Cohn est née à Mannheim en 1922, dans une famille d’universitaires de gauche d’origine juive mais plutôt détachée de la tradition juive et fortement assimilée. Cette famille est bouleversée par l’irruption du nazisme. Entre 1934 et 1944, elle connaît plusieurs exils : la famille part pour l’Espagne, Marianne et sa sœur sont envoyées à Paris.
Dès 1941, la jeune Marianne entre en résistance puis participe à la construction du MJS (mouvement de la jeunesse sioniste). De septembre 1942 à janvier 1944, sous le pseudonyme de Colin, elle a pour tâche de faire passer des enfants juifs vers la Suisse. Arrêtée en 1943, elle est relâchée au bout de trois mois. C’est de cette période que l’on date – sans en être absolument sûr – la composition du poème « Je trahirai demain ».
Le 31 mai 1944, elle est à nouveau arrêtée à Annemasse (probablement dénoncée) alors qu’elle a en charge une trentaine d’enfants et que seulement 200 mètres les séparent de la frontière suisse. Malgré la torture, elle ne livre aucune information à la Gestapo et refuse la proposition d’évasion de son réseau par crainte des représailles sur les enfants.
Emmenée dans la nuit du 7 au 8 juillet 1944 par la Gestapo, elle est assassinée à coups de bottes et de pelles.


« Je trahirai demain »

Je trahirai demain pas aujourd’hui.
Aujourd’hui, arrachez-moi les ongles,
Je ne trahirai pas.

Vous ne savez pas le bout de mon courage.
Moi je sais.
Vous êtes cinq mains dures avec des bagues.
Vous avez aux pieds des chaussures
Avec des clous.

Je trahirai demain, pas aujourd’hui,
Demain.
Il me faut la nuit pour me résoudre,
Il ne faut pas moins d’une nuit
Pour renier, pour abjurer, pour trahir.

Pour renier mes amis,
Pour abjurer le pain et le vin,
Pour trahir la vie,
Pour mourir.

Je trahirai demain, pas aujourd’hui.
La lime est sous le carreau,
La lime n’est pas pour le barreau,
La lime n’est pas pour le bourreau,
La lime est pour mon poignet.

Aujourd’hui je n’ai rien à dire,
Je trahirai demain.

Marianne Cohn, 1943
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The pigs are alive (Ulrike Meinhoff)
La liberté, c'est toujours la liberté de celui qui pense autrement. (Rosa Luxemburg)
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Aphora
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Message par Aphora »

En voilà un choix d'exception. Sois béni pour ce choix de poème et le soin que tu as pris à expliquer les circonstances de son écriture. :ravi:
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Joy of life
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Message par Joy of life »

Merci, j'eime les poemes des gens qui sont contre toutes formes d'expoitation/totalitarisme.
Encore un, d'une personne d'exception, celle que j'admire le plus au monde

Joyeux anniversaire Rosa Luxemburg, où que tu sois, tu incarneras toujours la revolutionnaire internationaliste, les socialo-communards qui se relevent de Jaures et de ces humanistes sont tres loin d'etre à votre niveau..

Je ne peux que me souvenir de ces poemes si beaux que les hommes devraient en prendre conscience
Une rose ouverte à vos pieds, par Rosa Luxemburg.


Aujourd’hui, nous avons encore eu une journée d’une beauté inconcevable. D’habitude, je regagne ma tanière à 10 heures du matin pour travailler, aujourd’hui je n’ai pas pu. J’étais étendue dans mon fauteuil en osier, la tête renversée en arrière, et, sans bouger, j’ai regardé le ciel des heures durant. D’immenses nuages aux formes fantastiques recouvraient le bleu tendre du ciel qui çà et là apparaissait entre leurs pourtours déchiquetés. La lumière du soleil ourlait ces nuages d’un blanc d’écume éclatant, et au cœur, ils étaient gris, d’un gris très expressif, passant par toutes les nuances, du voile argenté le plus doux au ton orageux le plus sombre. Avez-vous déjà déjà remarqué la beauté et la richesse du gris? Il y a quelque chose de si distingué et pudique, il offre tant de possibles. Quelle merveille, tous ces tons gris sur le fond bleu tendre du ciel! Comme une robe grise va bien aux yeux bleu profond.

Pendant ce temps, devant moi, le grand peuplier de mon jardin bruissait, ses feuilles tremblaient comme dans un frisson voluptueux et étincelaient au soleil. Pendant ces quelques heures où j’étais tout entière plongée dans des rêves gris et bleus, j’avais le sentiment de vivre des millénaires. Kipling raconte, dans une de ses histoires indiennes, que chaque jour vers midi, un troupeau de buffles est emmené loin du village. Ces bêtes gigantesques, qui en quelques minutes pourraient écraser sous leurs sabots un village tout entier, suivent docilement la baguette de deux petits paysans à la peau sombre, vêtus d’un simple tricot, qui les conduisent d’un pas décidé au lointain marécage. Là, les bêtes, dans un énorme bruit, se laissent glisser dans la boue, s’y vautrent avec délice et s’y enfoncent jusqu’aux naseaux, pendant que les enfants se protègent des rayons impitoyables du soleil à l’ombre d’un maigre acacia, mangent lentement une galette de riz qu’ils ont emportée avec eux, observent les lézards endormis au soleil et, en silence, regardent vibrer l’espace… « Un après-midi comme celui-là leur semblait plus long qu’à bien des hommes une vie entière », lit-on chez Kipling, si je me souviens bien. Comme cela est bien dit, n’est-ce pas? Moi aussi, je me sens comme ces enfants indiens, quand je vis une matinée comme aujourd’hui.

Une seule chose me fait souffrir: devoir profiter seule de tant de beauté. Je voudrais crier par-dessus le mur: je vous en prie, faites attention à ce jour somptueux! N’oubliez pas, même si vous êtes occupés, même si vous traversez la cour à la hâte, absorbés par vos tâches urgentes, n’oubliez pas de lever la tête un instant et de jeter un œil à ces immenses nuages argentés et au paisible océan bleu dans lequel ils nagent. Faites attention à cet air plein de la respiration passionnée des dernières fleurs de tilleul, à l’éclat et la splendeur de cette journée, parce que ce jour ne reviendra jamais, jamais! Il vous est donné comme une rose ouverte à vos pieds, qui attend que vous la preniez, et la pressiez contre vos lèvres.
Rosa, lachement assassinée à sa sortie de prison en 1919 parce qu'elle defendait les interets du proletariat
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In-Dark-Heaven

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Message par In-Dark-Heaven »

Complainte d’une fée…

Un frisson imperceptible parcourt la Terre…
Le blanc manteau du bel hiver s’évanouit
Libérant des glaces les Ondines réjouies
De retourner abreuver la sève printanière.

De cette sève renaissent frêles Sylphes,
Gardiennes du sanctuaire des plantes.
Sous la rosée matinale, cadeau des Nymphes,
Pointent dès lors feuilles et fleurs éclatantes.

Çà et là s’activent Lutins et Fées
A parer la forêt de ses plus beaux atours…
Mais le vois-tu ? L’entends-tu ce splendide ballet ?
Non…Tes sens et ton cœur pervertis sont sourds !

Là où tu poses ton pied misérable humain,
La Terre s’étouffe, se fane et devient stérile.
Les prairies s’écrasent sous le béton des villes,
Et tes poubelles jonchent rivières et chemins.

Les Sylphes agonisent sous tes pesticides,
Les Ondines se noient dans tes lessives.
Bientôt ce sera ton teint qui deviendra livide !

Réveille toi, ouvre ton cœur pauvre mortel !
Laisseras-tu ta propre vie partir à la dérive ?
Sois pour Gaïa un ami et protecteur fidèle…

(Tiré du Petit Monde d'Hélégia ) :love1:
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incarmal
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Poêmes que vous aimez

Message par incarmal »

"Le génie de la foule"

Il y a assez de traîtrise, de haine, de violence,
D’absurdité dans l’être humain moyen
Pour approvisionner à tout moment n’importe quelle armée
Et les plus doués pour le meurtre sont ceux qui prêchent contre
Et les plus doués pour la haine sont ceux qui prêchent l’amour
Et les plus doués pour la guerre – finalement – sont ceux qui prêchent la paix

Méfiez-vous de l’homme moyen
De la femme moyenne
Méfiez-vous de leur amour

Leur amour est moyen, recherche la médiocrité
Mais il y a du génie dans leur haine
Il y a assez de génie dans leur haine pour vous tuer, pour tuer n’importe qui

Ne voulant pas de la solitude
Ne comprenant pas la solitude
Ils essaient de détruire
Tout ce qui diffère d’eux

Étant incapables de créer de l’art
Ils ne comprennent pas l’art

Ils ne voient dans leur échec
En tant que créateurs
Qu’un échec du monde

Étant incapables d’aimer pleinement
Ils croient votre amour incomplet
Du coup, ils vous détestent

Et leur haine est parfaite
Comme un diamant qui brille
Comme un couteau
Comme une montagne
Comme un tigre
Comme la ciguë
Leur plus grand art.

Charles Bukowski.
C'est pas parce que les gens sont plus nombreux à avoir torts qu'ils ont forcément raison.
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Détachement

Poêmes que vous aimez

Message par Détachement »

Bonjour,


C'est à la base une chanson mais pour moi c'est un beau poème dont j'aime beaucoup les paroles et les métaphores :





Little light shining,
Little light will guide them to me.
My face is all lit up,
My face is all lit up.
If they find me racing white horses,
They'll not take me for a buoy.

Let me be weak,
Let me sleep
And dream of sheep.


Oh, I'll wake up
To any sound of engines,
Ev'ry gull a seeking craft.
I can't keep my eyes open-
Wish I had my radio.

I tune in to some friendly voices
Talking 'bout stupid things.
I can't be left to my imagination.

Let me be weak,
Let me sleep
And dream of sheep.

Ooh, their breath is warm
And they smell like sleep,
And they say they take me home.
Like poppies heavy with seed
They take me deeper and deeper.




Kate Bush (que j'apprécie beaucoup)
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