Poêmes que vous aimez

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incarmal
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Poêmes que vous aimez

Message par incarmal »

J'allais aussi poster un extrait des fleurs du mal que j'apprécie particulièrement.
Je vois que beaucoup de monde s'y est déjà attelé.

Celui qui me parle et que j'allais poster n'est pas encore dans ce topic donc je me permet de l'ajouter.

"Une Charogne"

Rappelez-vous l'objet que nous vîmes, mon âme,
Ce beau matin d'été si doux:
Au détour d'un sentier une charogne infâme
Sur un lit semé de cailloux,

Les jambes en l'air, comme une femme lubrique,
Brûlante et suant les poisons,
Ouvrait d'une façon nonchalante et cynique
Son ventre plein d'exhalaisons.

Le soleil rayonnait sur cette pourriture,
Comme afin de la cuire à point,
Et de rendre au centuple à la grande Nature
Tout ce qu'ensemble elle avait joint;

Et le ciel regardait la carcasse superbe
Comme une fleur s'épanouir.
La puanteur était si forte, que sur l'herbe
Vous crûtes vous évanouir.

Les mouches bourdonnaient sur ce ventre putride,
D'où sortaient de noirs bataillons
De larves, qui coulaient comme un épais liquide
Le long de ces vivants haillons.

Tout cela descendait, montait comme une vague
Ou s'élançait en pétillant
On eût dit que le corps, enflé d'un souffle vague,
Vivait en se multipliant.

Et ce monde rendait une étrange musique,
Comme l'eau courante et le vent,
Ou le grain qu'un vanneur d'un mouvement rythmique
Agite et tourne dans son van.

Les formes s'effaçaient et n'étaient plus qu'un rêve,
Une ébauche lente à venir
Sur la toile oubliée, et que l'artiste achève
Seulement par le souvenir.

Derrière les rochers une chienne inquiète
Nous regardait d'un oeil fâché,
Epiant le moment de reprendre au squelette
Le morceau qu'elle avait lâché.

- Et pourtant vous serez semblable à cette ordure,
A cette horrible infection,
Etoile de mes yeux, soleil de ma nature,
Vous, mon ange et ma passion!

Oui! telle vous serez, ô la reine des grâces,
Apres les derniers sacrements,
Quand vous irez, sous l'herbe et les floraisons grasses,
Moisir parmi les ossements.

Alors, ô ma beauté! dites à la vermine
Qui vous mangera de baisers,
Que j'ai gardé la forme et l'essence divine
De mes amours décomposés!
C'est pas parce que les gens sont plus nombreux à avoir torts qu'ils ont forcément raison.
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Luhcylhe
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Message par Luhcylhe »

" Toi qui, comme un coup de couteau,
Dans mon cœur plaintif es entrée,
Toi qui, comme un hideux troupeau
De démons, vins, folle et parée,


De mon esprit humilié
Faire ton lit et ton domaine,
— Infâme à qui je suis lié
Comme le forçat à la chaîne,



Comme au jeu le joueur têtu,
Comme à la bouteille l'ivrogne,
Comme aux vermines la charogne,
— Maudite, maudite sois-tu !


J'ai prié le glaive rapide
De conquérir ma liberté,
Et j'ai dit au poison perfide
De secourir ma lâcheté.


Hélas ! le poison et le glaive
M'ont pris en dédain et m'ont dit :
« Tu n'es pas digne qu'on t'enlève
A ton esclavage maudit,


Imbécile ! — de son empire
Si nos efforts te délivraient,
Tes baisers ressusciteraient
Le cadavre de ton vampire ! » "

De Baudelaire ... :coeur5:
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fleurdhiver
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Message par fleurdhiver »

Chanson d'Automne de Verlaine.

Les sanglots longs
Des violons
De l'automne
Blessent mon cœur
D'une langueur
Monotone.

Tout suffocant
Et blême quand
Sonne l'heure,
Je me souviens
Des jours anciens
Et je pleure.

Et je m'en vais
Au vent mauvais
Qui m'emporte
Deçà, delà,
Pareil à la
Feuille morte.
Ma galerie MAJ 31/1/2012
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ologoms222
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Message par ologoms222 »

méalnge adultère de tout
De la fortune et pas le sou,
De l'énergie et pas de force,
La liberté, mais une entorse.
Du coeur, du coeur 1 del'âme, non. –
Des amis, pas un compagnon,
De l'idée et pas une idée,
De l'amour et pas une aimée;
La paresse et pas le repos.
Vertus chez lui furent défaut.
Ame blasée inassouvie.
Mort, mais pas guéri de la vie,
Gâcheur de vie hors de propos,
Le corpa à sec et la Ute ivre,
Espérant, nient l'avenir,
Il mourut en s'attendant vivre
Et vécut s'attendant mourir.
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PaulineB
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Message par PaulineB »

Le Voyageur

Ouvrez-moi cette porte où je frappe en pleurant

La vie est variable aussi bien que l'Euripe

Tu regardais un banc de nuages descendre
Avec le paquebot orphelin vers les fièvres futures
Et de tous ces regrets de tous ces repentirs
Te souviens-tu

Vagues poissons arqués fleurs surmarines
Une nuit c'était la mer
Et les fleuves s'y répandaient

Je m'en souviens je m'en souviens encore

Un soir je descendis dans une auberge triste
Auprès de Luxembourg
Dans le fond de la salle il s'envolait un Christ
Quelqu'un avait un furet
Un autre un hérisson
L'on jouait aux cartes
Et toi tu m'avais oublié

Te souviens-tu du long orphelinat des gares
Nous traversâmes des villes qui tout le jour tournaient
Et vomissaient la nuit le soleil des journées
O matelots ô femmes sombres et vous mes compagnons
Souvenez-vous-en

Deux matelots qui ne s'étaient jamais quittés
Deux matelots qui ne s'étaient jamais parlé
Le plus jeune en mourant tomba sur le côté

O vous chers compagnons
Sonneries électriques des gares chant des moissonneuses
Traîneau d'un boucher régiment des rues sans nombre
Cavalerie des ponts nuits livides de l'alcool
Les villes que j'ai vues vivaient comme des folles

Te souviens-tu des banlieues et du troupeau plaintif des paysages

Les cyprès projetaient sous la lune leurs ombres
J'écoutais cette nuit au déclin de l'été
Un oiseau langoureux et toujours irrité
Et le bruit éternel d'un fleuve large et sombre

Mais tandis que mourants roulaient vers l'estuaire
Tous les regards tous les regards de tous les yeux
Les bords étaient déserts herbus silencieux
Et la montagne a l'autre rive était très claire

Alors sans bruit sans qu'on pût voir rien de vivant
Contre le mont passèrent des ombres vivaces
De profil ou soudain tournant leurs vagues faces
Et tenant l'ombre de leurs lances en avant

Les ombres contre le mont perpendiculaire
Grandissaient ou parfois s'abaissaient brusquement
Et ces ombres barbues pleuraient humainement
En glissant pas à pas sur la montagne claire

Qui donc reconnais-tu sur ces vieilles photographies
Te souviens-tu du jour où une abeille tomba dans le feu
C'était tu t'en souviens à la fin de l'été
Deux matelots qui ne s'étaient jamais quittés
L'aîné portait au cou une chaîne de fer
Le plus jeune mettait ses cheveux blonds en tresse

Ouvrez-moi cette porte où je frappe en pleurant

La vie est variable aussi bien que l'Euripe


Guillaume Apollinaire
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lalilou
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Message par lalilou »

Il meurt lentement
celui qui ne voyage pas,
celui qui ne lit pas,
celui qui n’écoute pas de musique,
celui qui ne sait pas trouver
...grâce à ses yeux.
Il meurt lentement
celui qui détruit son amour-propre,
celui qui ne se laisse jamais aider.
Il meurt lentement
celui qui devient esclave de l’habitude
refaisant tous les jours les mêmes chemins,
celui qui ne change jamais de repère,
Ne se risque jamais à changer la couleur
de ses vêtements
Ou qui ne parle jamais à un inconnu.
Il meurt lentement
celui qui évite la passion
et son tourbillon d’émotions
celles qui redonnent la lumière dans les yeux
et réparent les coeurs blessés.
Il meurt lentement
celui qui ne change pas de cap
lorsqu’il est malheureux
au travail ou en amour,
celui qui ne prend pas de risques
pour réaliser ses rêves,
celui qui, pas une seule fois dans sa vie,
n’a fui les conseils sensés
Vis maintenant !
Risque-toi aujourd’hui !
Agis tout de suite !
Ne te laisse pas mourir lentement !
Ne te prive pas d’être heureux !

Pablo NERUDA
[Ma galerie] [Mon salon]

« Tout m’afflige et me nuit et conspire à me nuire. » - Phèdre (I, 3, v. 161)
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Prisoner
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Poêmes que vous aimez

Message par Prisoner »

En mémoire de ma première amoureuse.

L'Amoureuse de Paul Eluard.

Elle est debout sur mes paupières
Et ses cheveux sont dans les miens,
Elle a la forme de mes mains,
Elle a la couleur de mes yeux,
Elle s'engloutit dans mon ombre
Comme une pierre sur le ciel.

Elle a toujours les yeux ouverts
Et ne me laisse pas dormir.
Ses rêves en pleine lumière
Font s'évaporer les soleils
Me font rire, pleurer et rire,
Parler sans avoir rien à dire.
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Moonchild
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Enregistré le : jeudi 30 août 2012 1:01

Poêmes que vous aimez

Message par Moonchild »

Je suis un grand amateur de Charles Bukowski pour ma part. Un poème qui me parle toujours énormément est "Bluebird". Je le laisse en anglais car traduire la poésie est chose ardue, mais c'est assez facile à comprendre.

Bluebird - Charles Bukowski

there's a bluebird in my heart that
wants to get out
but I'm too tough for him,
I say, stay in there, I'm not going
to let anybody see
you.
there's a bluebird in my heart that
wants to get out
but I pour whiskey on him and inhale
cigarette smoke
and the whores and the bartenders
and the grocery clerks
never know that
he's
in there.

there's a bluebird in my heart that
wants to get out
but I'm too tough for him,
I say,
stay down, do you want to mess
me up?
you want to screw up the
works?
you want to blow my book sales in
Europe?
there's a bluebird in my heart that
wants to get out
but I'm too clever, I only let him out
at night sometimes
when everybody's asleep.
I say, I know that you're there,
so don't be
sad.
then I put him back,
but he's singing a little
in there, I haven't quite let him
die
and we sleep together like
that
with our
secret pact
and it's nice enough to
make a man
weep, but I don't
weep, do
you?
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sadavid
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Enregistré le : jeudi 06 décembre 2012 9:22

Poêmes que vous aimez

Message par sadavid »

Commune présence, René Char

Tu es pressé d’écrire,
Comme si tu étais en retard sur la vie.
S’il en est ainsi fais cortège à tes sources.
Hâte-toi.
Hâte-toi de transmettre
Ta part de merveilleux de rébellion de bienfaisance.
Effectivement tu es en retard sur la vie,
la vie inexprimable,
La seule en fin de compte à laquelle tu acceptes de t’unir,
Celle qui t’est refusée chaque jour par les êtres et les choses,

Dont tu obtiens péniblement de-ci de-là quelque fragments décharnés
Au bout de combats sans merci.
Hors d’elle, tout n’est qu’agonie soumise, fin grossière.
Si tu rencontres la mort durant ton labeur,
Reçois-la comme la nuque en sueur trouve bon le mouchoir aride,
En t’inclinant.
Si tu veux rire,
Offre ta soumission,
jamais tes armes.
Tu as été crée pour des moments peu communs.
Modifie-toi, disparais sans regret
Au gré de la rigueur suave.
Quartier suivant quartier la liquidation du monde se poursuit
Sans interruption,
Sans égarement.

Essaime la poussière,
Nul ne décèlera votre union.
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Nush
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Enregistré le : dimanche 22 septembre 2013 19:05
Localisation : With the Doctor

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Message par Nush »

C'est un poème d'Eluard que je mets partout partout (même ici)... Je l'ai même fait étudier en classe à mes secondes l'an dernier.

Notre vie

Notre vie tu l'as faite elle est ensevelie
Aurore d'une ville un beau matin de mai
Sur laquelle la terre a refermé son poing
Aurore en moi dix-sept années toujours plus claires
Et la mort entre en moi comme dans un moulin

Notre vie disais-tu si contente de vivre
Et de donner la vie à ce que nous aimions
Mais la mort a rompu l'équilibre du temps
La mort qui vient la mort qui va la mort vécue
La mort visible boit et mange à mes dépens


Morte visible Nusch invisible et plus dure
Que la faim et la soif à mon corps épuisé
Masque de neige sur la terre et sous la terre
Source des larmes dans la nuit masque d'aveugle
Mon passé se dissout je fais place au silence.
Nush : ma galerie màj le 12.11.14
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Emotive
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Message par Emotive »

Pâle étoile du soir


Pâle étoile du soir, messagère lointaine,
Dont le front sort brillant des voiles du couchant,
De ton palais d'azur, au sein du firmament,
Que regardes-tu dans la plaine?

La tempête s'éloigne et les vents sont calmés.
La forêt, qui frémit, pleure sur la bruyère;
Le phalène doré, dans sa course légère,
Traverse les prés embaumés.

Que cherches-tu sur la terre endormie?
Mais déjà, vers les monts, je te vois t'abaisser;
Tu fuis, en souriant, mélancolique amie,
Et ton tremblant regard est près de s'effacer.

Étoile qui descends vers la verte colline,
Triste larme d'argent du manteau de la Nuit,
Toi que regarde au loin le pâtre qui chemine,
Tandis que pas à pas son long troupeau le suit,

Étoile, où t'en vas-tu, dans cette nuit immense?
Cherches-tu, sur la rive, un lit dans les roseaux?
Ou t'en vas-tu, si belle, à l'heure du silence,
Tomber comme une perle au sein profond des eaux?

Ah! si tu dois mourir, bel astre, et si ta tête
Va dans la vaste mer plonger ses blonds cheveux,
Avant de nous quitter, un seul instant arrête;
Étoile de l'amour, ne descends pas des cieux!

De Musset, Le Saule
...Emotive...

"Il n'y a point de bête au monde tant à craindre à L'Homme que l'Homme"
Michel De Montaigne

Mon Saule Pleureur
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Emotive
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Message par Emotive »

Le dormeur du val

C'est un trou de verdure où chante une rivière,
Accrochant follement aux herbes des haillons
D'argent ; où le soleil, de la montagne fière,
Luit : c'est un petit val qui mousse de rayons.

Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort ; il est étendu dans l'herbe, sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.

Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
Nature, berce-le chaudement : il a froid.

Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine,
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.

Arthur Rimbaud
...Emotive...

"Il n'y a point de bête au monde tant à craindre à L'Homme que l'Homme"
Michel De Montaigne

Mon Saule Pleureur
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Aglaë
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Localisation : Haute-Savoie 74

Poêmes que vous aimez

Message par Aglaë »

"Je plonge dan le silence,
Sans risque de me noyer,
Je m'enfonce,
Je disparais.
Et quand je reviendrai,
A la surface des mots et des bruits,
Je serai capable,
A nouveau,
De vivre."

"Peut-être,
Est n mot rassurant,
Ouvert,
D'un côté et de l'autre,
Au tremblement des choses,
Au noir et au blanc,
Au balancement du ou."

"Surtout,
Aimer,
Au risque de non-retour,
Aimer,
A fonds perdus
A cœur donnant,
Aimer,
Midinette ou roméo,
Traviata ou hidalgo,
Aimer,
A mains ouvertes,
Et à regards troublés,
Aimer,
Sans fin,
Même après la défaite,
Aimer,
Encore à contretemps,
Aimer,
Aveugle et vagabond,
Aimer,
Sans droit et sans question,
Et puis recommencer,
Sans peur et sans raison,
Aimer."

"Parfois s'arrêter,

Regarder le monde,
En bas,
Comme il est,
Bancal injuste violent.

Y retourner,
Ou pas ?
Le bousculer cogner se battre,
Ou fuir ?

C'est un choix"

"Mal,
Je tends les bras,
J'ouvre les mains,
Et je vois les traces,
Du mal,
Et ça fait,
Mal.

Noire sale,
En dedans de moi,
Je mets les poings,
Sur mes yeux,
Fermés,
Et je vois la lumière,
Noire,
Du mal.

Rien pour effacé c'est gravé imprimé,
En moi,
Et ça fait,
Mal,
Le mal."

"Haine,
Rage,

Les mots griffés,
Traces sanglantes de ma voix déchirée.

Haine,
Rage,

Accrochée à mon ventre,
Étranglée dans ma gorge.

Haine,
Rage,

A hurler contre le murs,
A percer les tympans,
J'arrive pas à l'empêcher,
A la domestiquer,
Tout casser.

Haine,
Rage,

Froidement."

"D'un seul mot,
Ils étrangles mes rêves,
Étouffent mon espérance.

Réalité.

Regarde disent-ils
La réalité en face.

Je veux la regarder,
De travers,
La maquiller,
La réinventer.

Réalité."

De Bernard FRIOT, "Pour vivre, presque poèmes".

Et tant d'autres.. Très beau recueil de poèmes.
Ma Grotte Secrète Ma galerie

« Je suis devenu fou avec de longues et horribles périodes de raison. » Edgar Allan Poe
« Aucun homme ne choisit le mal pour le mal, il le confond seulement avec le bonheur, le bien qu'il recherche. » Mary Shelley
« Tu tombes, tu te relèves, jusqu'au jour où tu crèves, tout ça pour tomber dans l'oubli. C'est fini, Cowboy, fini, mais rassure-toi, on peut pas tomber plus bas. »
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Sélix
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Localisation : dans une petite bulle

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Message par Sélix »

Un merveilleux sujet!

Sully Prudhomme (1839-1907) 
Les yeux

Bleus ou noirs, tous aimés, tous beaux,
Des yeux sans nombre ont vu l'aurore.
Ils dorment au fond des tombeaux
Et le soleil se lève encore...

Les nuits plus douces que les jours
Ont enchanté des yeux sans nombre.
Les étoiles brillent toujours
Et les yeux se sont remplis d'ombre.

Oh ! Qu'ils aient perdu le regard
Non, non, cela n'est pas possible,
Ils se sont tournés quelque part
Vers ce qu'on nomme l'invisible.

Et comme les astres penchants
Nous quittent, mais au ciel demeurent
Les prunelles ont leur couchant
Mais il n'est pas vrai qu'elles meurent.

Bleus ou noirs, tous aimés, tous beaux,
Ouverts à quelqu'immense aurore
De l'autre côté des tombeaux
Les yeux qu'on ferme voient encore.

(Ce poème me fait pleurer. Mon Dieu j'espère que c'est vrai, mes chers yeux tant aimés, que la terre m'a repris. )



Un autre très célèbre de Guillaume Appollinaire (1880-1918), gravement blessé en 1916 durant la guerre.

Merveilles de la guerre.

Que c'est beau ces fusées qui illuminent la nuit   
Elles montent sur leur propre cime et se penchent pour regarder   
Ce sont des dames qui dansent avec leurs regards pour yeux bras et cœurs   

J'ai reconnu ton sourire et ta vivacité   

C'est aussi l'apothéose quotidienne de toutes mes Bérénices dont les chevelures sont devenues des comètes   
Ces danseuses surdorées appartiennent à tous les temps et à toutes les races   
Elles accouchent brusquement d'enfants qui n'ont que le temps de mourir   

Comme c'est beau toutes ces fusées   
Mais ce serait bien plus beau s'il y en avait plus encore   
S'il y en avait des millions qui auraient un sens complet et relatif comme les lettres d'un livre   
Pourtant c'est aussi beau que si la vie même sortait des mourants   
Mais ce serait plus beau encore s'il y en avait plus encore   
Cependant je les regarde comme une beauté qui s'offre et s'évanouit aussitôt   
Il me semble assister à un grand festin éclairé a giorno   
C'est un banquet que s'offre la terre   
Elle a faim et ouvre de longues bouches pâles   
La terre a faim et voici son festin de Balthasar cannibale   
Qui aurait dit qu'on pût être à ce point anthropophage   
Et qu'il fallût tant de feu pour rôtir le corps humain   

C'est pourquoi l'air a un petit goût empyreumatique qui n'est ma foi pas désagréable   
Mais le festin serait plus beau encore si le ciel y mangeait avec la terre   
Il n'avale que les âmes   
Ce qui est une façon de ne pas se nourrir   
Et se contente de jongler avec des feux versicolores   

Mais j'ai coulé dans la douceur de cette guerre avec toute ma compagnie au long des longs boyaux   
Quelques cris de flamme annoncent sans cesse ma présence   
J'ai creusé le lit où je coule en me ramifiant en mille petits fleuves qui vont partout   
Je suis dans la tranchée de première ligne et cependant je suis partout ou plutôt je commence à être partout   
C'est moi qui commence cette chose des siècles à venir   
Ce sera plus long à réaliser que non la fable d'Icare volant   

Je lègue à l'avenir l'histoire de Guillaume Apollinaire   
Qui fut à la guerre et sut être partout   
Dans les villes heureuses de l'arrière   
Dans tout le reste de l'univers   
Dans ceux qui meurent en piétinant dans le barbelé   
Dans les femmes dans les canons dans les chevaux   
Au zénith au nadir aux 4 points cardinaux   
Et dans l'unique ardeur de cette veillée d'armes   

Et ce serait sans doute bien plus beau   
Si je pouvais supposer que toutes ces choses dans lesquelles je suis partout   
Pouvaient m'occuper aussi   
Mais dans ce sens il n'y a rien de fait   
Car si je suis partout à cette heure il n'y a cependant que moi qui suis en moi

Guillaume Apollinaire 
Mon tout petit salon où il y a toujours un peu de thé et de biscuit, foi de souris ^^
L'histoire d'une petite souris dans la petite galerie.
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Luka
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Poêmes que vous aimez

Message par Luka »

C'est un trou de verdure où chante une rivière
Accrochant follement aux herbes des haillons
D'argent ; où le soleil, de la montagne fière,
Luit : c'est un petit val qui mousse de rayons.

Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort ; il est étendu dans l'herbe sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.

Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
Nature, berce-le chaudement : il a froid.

Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.

(Arthur Rimbaud, Le Dormeur du val, octobre 1870)
"Ils ne savaient pas que c'était impossible alors ils l'ont fait. "

Mark Twain
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Pacey117
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Poêmes que vous aimez

Message par Pacey117 »

Il pleure dans mon coeur
de Paul Verlaine

Il pleure dans mon coeur
Comme il pleut sur la ville ;
Quelle est cette langueur
Qui pénètre mon coeur ?

Ô bruit doux de la pluie
Par terre et sur les toits !
Pour un coeur qui s'ennuie,
Ô le chant de la pluie !

Il pleure sans raison
Dans ce coeur qui s'écoeure.
Quoi ! nulle trahison ?...
Ce deuil est sans raison.

C'est bien la pire peine
De ne savoir pourquoi
Sans amour et sans haine
Mon coeur a tant de peine !
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Débonnaire
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Poêmes que vous aimez

Message par Débonnaire »

Elsa au miroir

C’était au beau milieu de notre tragédie
Et pendant un long jour assise à son miroir
Elle peignait ses cheveux d’or Je croyais voir
Ses patientes mains calmer un incendie
C’était au beau milieu de notre tragédie

Et pendant un long jour assise à son miroir
Elle peignait ses cheveux d’or et j’aurais dit
C’était au beau milieu de notre tragédie
Qu’elle jouait un air de harpe sans y croire
Pendant tout ce long jour assise à son miroir

Elle peignait ses cheveux d’or et j’aurais dit
Qu’elle martyrisait à plaisir sa mémoire
Pendant tout ce long jour assise à son miroir
À ranimer les fleurs sans fin de l’incendie
Sans dire ce qu’une autre à sa place aurait dit

Elle martyrisait à plaisir sa mémoire
C’était au beau milieu de notre tragédie
Le monde ressemblait à ce miroir maudit
Le peigne partageait les feux de cette moire
Et ces feux éclairaient des coins de ma mémoire

C’était un beau milieu de notre tragédie
Comme dans la semaine est assis le jeudi

Et pendant un long jour assise à sa mémoire
Elle voyait au loin mourir dans son miroir

Un à un les acteurs de notre tragédie
Et qui sont les meilleurs de ce monde maudit

Et vous savez leurs noms sans que je les aie dits
Et ce que signifient les flammes des longs soirs

Et ses cheveux dorés quand elle vient s’asseoir
Et peigner sans rien dire un reflet d’incendie

Louis Aragon, La Diane française, 1945

J'aime le jeu des répétitions et variations, l'image de la femme se peignant devant sa coiffeuse, la confusion des images.
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hop3
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Localisation : Sur la Lune..

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Message par hop3 »

invictus

Dans les ténèbres qui m’enserrent,
Noires comme un puits où l’on se noie,
Je rends grâce aux dieux quels qu’ils soient,
Pour mon âme invincible et fière,

Dans de cruelles circonstances,
Je n’ai ni gémi ni pleuré,
Meurtri par cette existence,
Je suis debout bien que blessé,

En ce lieu de colère et de pleurs,
Se profile l’ombre de la mort,
Et je ne sais ce que me réserve le sort,
Mais je suis et je resterai sans peur,

Aussi étroit soit le chemin,
Nombreux les châtiments infâmes,
Je suis le maître de mon destin,
Je suis le capitaine de mon âme.
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Alexia311
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Message par Alexia311 »

Baudelaire "Les Fleurs de Mal"

Recueillement

Sois sage, ô ma Douleur, et tiens toi tranquille
Tu réclamais le Soir; il descend; le voici:
Une atmosphère obscure enveloppe la ville,
Aux uns portant la paix, aux autres le soucis.

Pendant que les mortels la multitude vile,
Sous le fouet du Plaisir, ce bourreau sans merci,
Va cueillir des remords dans la fêtes servile,
Ma Douleur, donne moi la main; viens par ici,

Loin d'eux. Vois se pencher les défuntes Années,
Sur les balcons du ciel, en robes surannées,
Surgir du fond des eaux le Regret souriant;

Le soleil moribond s'endormir sous une arche
Et, comme un long linceul traînant à l'Orient,
Entends, ma chère, entend la douce Nuit qui qui Marche.
J'ai pu découvrir les rayons du soleil,
J'ai joué avec les ténèbres,
Je me suis assise dans les limbes,
Ce que j'ai préféré...Ton réveil.

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Joy of life
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Message par Joy of life »

Marianne Cohn est née à Mannheim en 1922, dans une famille d’universitaires de gauche d’origine juive mais plutôt détachée de la tradition juive et fortement assimilée. Cette famille est bouleversée par l’irruption du nazisme. Entre 1934 et 1944, elle connaît plusieurs exils : la famille part pour l’Espagne, Marianne et sa sœur sont envoyées à Paris.
Dès 1941, la jeune Marianne entre en résistance puis participe à la construction du MJS (mouvement de la jeunesse sioniste). De septembre 1942 à janvier 1944, sous le pseudonyme de Colin, elle a pour tâche de faire passer des enfants juifs vers la Suisse. Arrêtée en 1943, elle est relâchée au bout de trois mois. C’est de cette période que l’on date – sans en être absolument sûr – la composition du poème « Je trahirai demain ».
Le 31 mai 1944, elle est à nouveau arrêtée à Annemasse (probablement dénoncée) alors qu’elle a en charge une trentaine d’enfants et que seulement 200 mètres les séparent de la frontière suisse. Malgré la torture, elle ne livre aucune information à la Gestapo et refuse la proposition d’évasion de son réseau par crainte des représailles sur les enfants.
Emmenée dans la nuit du 7 au 8 juillet 1944 par la Gestapo, elle est assassinée à coups de bottes et de pelles.


« Je trahirai demain »

Je trahirai demain pas aujourd’hui.
Aujourd’hui, arrachez-moi les ongles,
Je ne trahirai pas.

Vous ne savez pas le bout de mon courage.
Moi je sais.
Vous êtes cinq mains dures avec des bagues.
Vous avez aux pieds des chaussures
Avec des clous.

Je trahirai demain, pas aujourd’hui,
Demain.
Il me faut la nuit pour me résoudre,
Il ne faut pas moins d’une nuit
Pour renier, pour abjurer, pour trahir.

Pour renier mes amis,
Pour abjurer le pain et le vin,
Pour trahir la vie,
Pour mourir.

Je trahirai demain, pas aujourd’hui.
La lime est sous le carreau,
La lime n’est pas pour le barreau,
La lime n’est pas pour le bourreau,
La lime est pour mon poignet.

Aujourd’hui je n’ai rien à dire,
Je trahirai demain.

Marianne Cohn, 1943
Mon Saloon
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La liberté, c'est toujours la liberté de celui qui pense autrement. (Rosa Luxemburg)
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