Poêmes que vous aimez

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Vincent un autre
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Poêmes que vous aimez

Message par Vincent un autre »

J'offre au regard de n'importe qui,
Appellé, plus gentiment, le monde,
Quelques débris de vers (mon maquis).
D'abord flacon d'un liquide immonde
Nommé, plus sèchement, désespoir,
Vidé par le pratique cynisme,
Je me surprends à apercevoir,
Dans mes larmes subitement prismes,
Un pétale aux couleurs reconnues :
L'énième aurore toujours têtue.

Je l'ai écrit.
Il est sur le site "Je suis poésie".
Mon pseudo : Romantimide.
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Vincent un autre
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Poêmes que vous aimez

Message par Vincent un autre »

incarmal a écrit :
"Le génie de la foule"

Il y a assez de traîtrise, de haine, de violence,
D’absurdité dans l’être humain moyen
Pour approvisionner à tout moment n’importe quelle armée
Et les plus doués pour le meurtre sont ceux qui prêchent contre
Et les plus doués pour la haine sont ceux qui prêchent l’amour
Et les plus doués pour la guerre – finalement – sont ceux qui prêchent la paix

Méfiez-vous de l’homme moyen
De la femme moyenne
Méfiez-vous de leur amour

Leur amour est moyen, recherche la médiocrité
Mais il y a du génie dans leur haine
Il y a assez de génie dans leur haine pour vous tuer, pour tuer n’importe qui

Ne voulant pas de la solitude
Ne comprenant pas la solitude
Ils essaient de détruire
Tout ce qui diffère d’eux

Étant incapables de créer de l’art
Ils ne comprennent pas l’art

Ils ne voient dans leur échec
En tant que créateurs
Qu’un échec du monde

Étant incapables d’aimer pleinement
Ils croient votre amour incomplet
Du coup, ils vous détestent

Et leur haine est parfaite
Comme un diamant qui brille
Comme un couteau
Comme une montagne
Comme un tigre
Comme la ciguë
Leur plus grand art.

Charles Bukowski.
Merci. Merci de m'offrir la énième lecture de cet auteur avec qui je me sens si bien...
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Idunn
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Poêmes que vous aimez

Message par Idunn »

J'aime beaucoup Bukowski aussi, même si je n'ai pas eu l'occasion de lire beaucoup de ses oeuvres.

Venus Anadyomène, d'Arthur Rimbaud

Comme d'un cercueil vert en fer blanc, une tête
De femme à cheveux bruns fortement pommadés
D'une vieille baignoire émerge, lente et bête,
Avec des déficits assez mal ravaudés ;

Puis le col gras et gris, les larges omoplates
Qui saillent ; le dos court qui rentre et qui ressort ;
Puis les rondeurs des reins semblent prendre l'essor ;
La graisse sous la peau paraît en feuilles plates ;

L'échine est un peu rouge, et le tout sent un goût
Horrible étrangement ; on remarque surtout
Des singularités qu'il faut voir à la loupe...

Les reins portent deux mots gravés : Clara Venus ;
– Et tout ce corps remue et tend sa large croupe
Belle hideusement d'un ulcère à l'anus.


:love1:
"Salut frère, prends soin de toi." Fernand Tuil -

Ma Galerie : L'Histoire Sans Fin
Mon Salon : Le Boudoir
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hopehearts-11
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Poêmes que vous aimez

Message par hopehearts-11 »

Demain dés l'aube , de Victor Hugo
Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne,
Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m'attends.
J'irai par la forêt, j'irai par la montagne.
Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.

Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,
Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,
Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,
Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.

Je ne regarderai ni l'or du soir qui tombe,
Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur,
Et quand j'arriverai, je mettrai sur ta tombe
Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur
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Ostinato
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Message par Ostinato »

hopehearts-11 a écrit :
Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne,
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Bilirubine
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Re: Poêmes que vous aimez

Message par Bilirubine »

J’ai tant rêvé de toi
Robert DESNOS
Recueil : "À la mystérieuse"

J’ai tant rêvé de toi que tu perds ta réalité.
Est-il encore temps d’atteindre ce corps vivant
et de baiser sur cette bouche la naissance
de la voix qui m’est chère ?
J’ai tant rêvé de toi que mes bras habitués en étreignant ton ombre
à se croiser sur ma poitrine ne se plieraient pas
au contour de ton corps, peut-être.
Et que, devant l’apparence réelle de ce qui me hante
et me gouverne depuis des jours et des années
je deviendrais une ombre sans doute,
Ô balances sentimentales.
J’ai tant rêvé de toi qu’il n’est plus temps sans doute que je m’éveille.
Je dors debout, le corps exposé à toutes les apparences de la vie
et de l’amour et toi, la seule qui compte aujourd’hui pour moi,
je pourrais moins toucher ton front et tes lèvres que les premières lèvres
et le premier front venu.
J’ai tant rêvé de toi, tant marché, parlé, couché avec ton fantôme
qu’il ne me reste plus peut-être, et pourtant,
qu’à être fantôme parmi les fantômes et plus ombre cent fois
que l’ombre qui se promène et se promènera allègrement
sur le cadran solaire de ta vie.

Image
Je ne sais plus où j'en suis
De mes jours et de mes nuits
Aplati dans la poussière
Je balbutie: Terre, ma terre…


Claude Nougaro
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Ostinato
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Poêmes que vous aimez

Message par Ostinato »

L’Asile
Robert DESNOS
Recueil : "Contrée"

Celui-là que trahit les rages de son ventre
Et que tel pâle éclair de ses nuits a, souvent,
Humilié, s’humilie. Il se soumet, il entre
À l’asile de fous comme on entre au couvent.

Puissé-je rester libre et garder ma raison
Comme un sextant précis à travers les tempêtes,
Lieux d’asile mon cœur, ma tête et ma maison
Et le droit de fixer en face hommes et bêtes.

Vertu tu n’es qu’un mot, mais le seul mot de passe
Qui m’ouvre l’horizon, déchire le décor
Et soumet à mes vœux l’espéré Val-de-Grâce

Où le sage s’éveille, où le héros s’endort.
Que le rêve de l’un et la réalité
De l’autre soient présents bientôt dans la cité.

*****************************************************

Les messagers de la poésie frénétique
René CHAR
Recueil : "Artine"

Les soleils fainéants se nourrissent
de méningite
Ils descendent les fleuves du moyen
âge
Dorment dans les crevasses des
rochers
sur un lit de copeaux et de loupe
Ils ne s’écartent pas de la zone des
tenailles pourries
comme les aérostats de l’enfer.
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Bilirubine
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Message par Bilirubine »

Très beau le poème de Robert :oui:
J'aime beaucoup René Char aussi, ils sont assez proches dans leur forme poétique d'ailleurs non ??
Mon trio de tête ce serait : Robert Desnos, Jacques Prévert et Henri Michaux :ravi:
D'ailleurs je recommande de lire Henri Michaux (le grand) pour les déprimés chroniques, car lui en était un, et il a sublimé son malaise, avec humour, dans ses multiples poèmes-aventures ( par ex. il était plutôt chétif et a entreprit un voyage en Amérique du Sud ... il a relaté son aventure dans un bouquin Ecuador :autop: )
Je ne sais plus où j'en suis
De mes jours et de mes nuits
Aplati dans la poussière
Je balbutie: Terre, ma terre…


Claude Nougaro
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Ostinato
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Message par Ostinato »

Robert Desnos, Jacques Prévert et Henri Michaux
Ah oui Michaux, avec ses très beaux dessins sous mescaline comme un prolongement de son écriture.

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Bilirubine
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Poêmes que vous aimez

Message par Bilirubine »

Ouais, superbes et complémentaires ses dessins....

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Au Pays de la Magie, I

J'ai vu l'eau qui se retient de couler.
Si l'eau est bien habituée, si c'est votre eau, elle ne se répand pas, quand même la carafe se casserait en quatre morceaux.

Simplement, elle attend qu'on lui en mette une autre.
Elle ne cherche pas à se répandre au-dehors.

Est-ce la forme du
Mage qui agit ?

Oui et non, apparemment non, le
Mage pouvant n'être pas au courant de la rupture de la carafe et du mal que se donne l'eau pour se maintenir sur place.

Mais il ne doit pas faire attendre l'eau pendant trop de temps, car cette attitude lui est inconfortable et pénible à garder et, sans exactement se perdre, elle pourrait
s'étaler pas mal.

Naturellement, il faut que ce soit votre eau et pas une eau d'il y a cinq minutes, une eau qu'on vient précisément de renouveler.
Celle-là s'écoulerait tout de suite.
Qu'est-ce qui la retiendrait ?

L'enfant, l'enfant du chef, l'enfant du malade, l'enfant du laboureur, l'enfant du sot, l'enfant du
Mage, l'enfant naît avec vingt-deux plis.
Il s'agit de les déplier.
La vie de l'homme alors est complète.
Sous cette forme il meurt.
Il ne lui reste aucun pli à défaire.

Rarement un homme meurt sans avoir encore quelques plis à défaire.
Mais c'est arrivé.
Parallèlement à cette opération l'homme forme un noyau.
Les races inférieures, comme la race blanche, voient plus le noyau que le dépli.
Le
Mage voit plutôt le dépli.

Le dépli seul est important.
Le reste n'est qu'épiphénomène.
Je ne sais plus où j'en suis
De mes jours et de mes nuits
Aplati dans la poussière
Je balbutie: Terre, ma terre…


Claude Nougaro
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Đëiłā
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Poêmes que vous aimez

Message par Đëiłā »

Poèmes de Maurice Carême :love1:


L'enfant

A quoi jouait-il cet enfant ?
Personne n'en sut jamais rien
On le laissait seul dans un coin
Avec un peu de sable blanc

On remarquait bien, certains jours,
Qu'il arquait les bras tels des ailes
Et qu'il regardait loin, très loin,
Comme du sommet d'une tour.

Mais où s'en allait-il ainsi
Alors qu'on le croyait assis ?
Lui-même le sut-il jamais ?

Dès qu'il refermait les paupières,
Il regagnait le grand palais
D'où il voyait toute la mer.


L'artiste

Il voulut peindre une rivière ;
Elle coula hors du tableau.

Il peignit une pie grièche ;
Elle s’envola aussitôt.

Il dessina une dorade ;
D’un bond, elle brisa le cadre.

Il peignit ensuite une étoile ;
Elle mit le feu à la toile.

Alors, il peignit une porte
Au milieu même du tableau.

Elle s’ouvrit sur d’autres portes,
Et il entra dans le château.


Quand les chevaux rentrent très tard

Il arrive que, rentrant tard
Par les longues routes du soir,
Les chevaux tout à coup s'arrêtent,
Et, comme las, baissent la tête.
Dans le charette, le fermier
N'esquisse pas le moindre geste
Pour les contraindre à se presser.
La lune, sur les blés jaunis,
Vient lentement de se lever,
Et l'on entend comme le bruit
D'une eau qui coule dans l'été.
Quand les chevaux rentrent très tard,
Le fermier ne sait pas pourquoi,
Le long des routes infinies,
Il les laisse avidement boire
Aux fontaines bleues de la nuit.

L'or

Il lui offrit un collier d'or.
Elle voulut encor
Des gants, des bas, des souliers d'or,
Des robes et des manteaux d'or.
A la fin, elle eut tout en or :
Sa vaisselle, son lit, ses clés,
Ses tapis et jusqu'à la corde
A pendre son linge aux fils d'or.
Mais dans son corps,
Ne battit plus qu'un coeur en or
Insensible à tout, même à l'or.


Il offrait du coeur

Donc, il offrait du coeur
Avec un tel sourire
Qu'on s'empressait d'ailleurs
En tous lieux de le dire.

On en voulait partout,
Mais on finit pourtant
Par se demander où
Il en trouvait autant.

Et il riait dans l'ombre.
C'était son propre coeur
Vaste comme le monde
Qu'il offrait à la ronde,

Offrait pour un sourire
Qui répondait au sien,
Offrait rien que pour dire
Aux gens : "Portez vous bien"


L'écureuil et la feuille

Un écureuil sur la bruyère
Se lave avec de la lumière,

Une feuille morte descend
Doucement portée par le vent,

Et le vent balance la feuille
Juste au dessus de l'écureuil,

Le vent attend, pour la poser
Légèrement sur la bruyère,

Que l'écureuil soit remonté
Sur le chêne de la clairière,

Où il aime se balancer
Comme une feuille de lumière.


Le chat et le soleil

Le chat ouvrit les yeux,
Le soleil y entra.
Le chat ferma les yeux,
Le soleil y resta.

Voilà pourquoi, le soir,
Quand le chat se réveille,
J'aperçois dans le noir,
Deux morceaux de soleil.


La lune

Ah! Quel dommage!
La lune fond.
Il n'est plus rond
Son gai visage.

Quelle souris
En maraudage,
La prend la nuit,
Pour un fromage?

Elle maigrit
Que c'est pitié:
Plus qu'un quartier
Qui s'amincit...

Mais sans souci
Presque au cercueil
La lune rit
Avec un oeil.
La cool'heure est à l'artiste, ce que l'Art est à celui qui 2-vient...
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Bilirubine
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Poêmes que vous aimez

Message par Bilirubine »

Boris Vian

Je voudrais pas crever

Je voudrais pas crever
Avant d'avoir connu
Les chiens noirs du Mexique
Qui dorment sans rêver
Les singes à c.. nu
Dévoreurs de tropiques
Les araignées d'argent
Au nid truffé de bulles
Je voudrais pas crever
Sans savoir si la lune
Sous son faux air de thune
A un coté pointu
Si le soleil est froid
Si les quatre saisons
Ne sont vraiment que quatre
Sans avoir essayé
De porter une robe
Sur les grands boulevards
Sans avoir regardé
Dans un regard d'égout
Sans avoir mis mon zobe
Dans des coinstots bizarres
Je voudrais pas finir
Sans connaître la lèpre
Ou les sept maladies
Qu'on attrape là-bas
Le bon ni le mauvais
Ne me feraient de peine
Si si si je savais
Que j'en aurai l'étrenne
Et il y a z aussi
Tout ce que je connais
Tout ce que j'apprécie
Que je sais qui me plaît
Le fond vert de la mer
Où valsent les brins d'algues
Sur le sable ondulé
L'herbe grillée de juin
La terre qui craquelle
L'odeur des conifères
Et les baisers de celle
Que ceci que cela
La belle que voilà
Mon Ourson, l'Ursula
Je voudrais pas crever
Avant d'avoir usé
Sa bouche avec ma bouche
Son corps avec mes mains
Le reste avec mes yeux
J'en dis pas plus faut bien
Rester révérencieux
Je voudrais pas mourir
Sans qu'on ait inventé
Les roses éternelles
La journée de deux heures
La mer à la montagne
La montagne à la mer
La fin de la douleur
Les journaux en couleur
Tous les enfants contents
Et tant de trucs encore
Qui dorment dans les crânes
Des géniaux ingénieurs
Des jardiniers joviaux
Des soucieux socialistes
Des urbains urbanistes
Et des pensifs penseurs
Tant de choses à voir
A voir et à z-entendre
Tant de temps à attendre
A chercher dans le noir
Et moi je vois la fin
Qui grouille et qui s'amène
Avec sa gueule moche
Et qui m'ouvre ses bras
De grenouille bancroche
Je voudrais pas crever
Non monsieur non madame
Avant d'avoir tâté
Le goût qui me tourmente
Le goût qu'est le plus fort
Je voudrais pas crever
Avant d'avoir goûté
La saveur de la mort...

*************************

Ils cassent le monde

Ils cassent le monde
En petits morceaux
Ils cassent le monde
A coups de marteau
Mais ça m'est égal
Ca m'est bien égal
Il en reste assez pour moi
Il en reste assez
Il suffit que j'aime
Une plume bleue
Un chemin de sable
Un oiseau peureux
Il suffit que j'aime
Un brin d'herbe mince
Une goutte de rosée
Un grillon de bois
Ils peuvent casser le monde
En petits morceaux
Il en reste assez pour moi
Il en reste assez
J'aurais toujours un peu d'air
Un petit filet de vie
Dans l'oeil un peu de lumière
Et le vent dans les orties
Et même, et même
S'ils me mettent en prison
Il en reste assez pour moi
Il en reste assez
Il suffit que j'aime
Cette pierre corrodée
Ces crochets de fer
Où s'attarde un peu de sang
Je l'aime, je l'aime
La planche usée de mon lit
La paillasse et le châlit
La poussière de soleil
J'aime le judas qui s'ouvre
Les hommes qui sont entrés
Qui s'avancent, qui m'emmènent
Retrouver la vie du monde
Et retrouver la couleur
J'aime ces deux longs montants
Ce couteau triangulaire
Ces messieurs vêtus de noir
C'est ma fête et je suis fier
Je l'aime, je l'aime
Ce panier rempli de son
Où je vais poser ma tête
Oh, je l'aime pour de bon
Il suffit que j'aime
Un petit brin d'herbe bleue
Une goutte de rosée
Un amour d'oiseau peureux
Ils cassent le monde
Avec leurs marteaux pesants
Il en reste assez pour moi
Il en reste assez, mon cœur
Je ne sais plus où j'en suis
De mes jours et de mes nuits
Aplati dans la poussière
Je balbutie: Terre, ma terre…


Claude Nougaro
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Noxindra
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Poêmes que vous aimez

Message par Noxindra »

Quand j'étais gamine, la poésie était pour moi une corvée de récitation à l'école, jusqu'au jour où en fin de primaire, un de nos professeurs nous a fait lire ce poème :

Les Yeux d'Elsa

Tes yeux sont si profonds qu'en me penchant pour boire
J'ai vu tous les soleils y venir se mirer
S'y jeter à mourir tous les désespérés
Tes yeux sont si profonds que j'y perds la mémoire

À l'ombre des oiseaux c'est l'océan troublé
Puis le beau temps soudain se lève et tes yeux changent
L'été taille la nue au tablier des anges
Le ciel n'est jamais bleu comme il l'est sur les blés

Les vents chassent en vain les chagrins de l'azur
Tes yeux plus clairs que lui lorsqu'une larme y luit
Tes yeux rendent jaloux le ciel d'après la pluie
Le verre n'est jamais si bleu qu'à sa brisure

Mère des Sept douleurs ô lumière mouillée
Sept glaives ont percé le prisme des couleurs
Le jour est plus poignant qui point entre les pleurs
L'iris troué de noir plus bleu d'être endeuillé

Tes yeux dans le malheur ouvrent la double brèche
Par où se reproduit le miracle des Rois
Lorsque le coeur battant ils virent tous les trois
Le manteau de Marie accroché dans la crèche

Une bouche suffit au mois de Mai des mots
Pour toutes les chansons et pour tous les hélas
Trop peu d'un firmament pour des millions d'astres
Il leur fallait tes yeux et leurs secrets gémeaux

L'enfant accaparé par les belles images
Écarquille les siens moins démesurément
Quand tu fais les grands yeux je ne sais si tu mens
On dirait que l'averse ouvre des fleurs sauvages

Cachent-ils des éclairs dans cette lavande où
Des insectes défont leurs amours violentes
Je suis pris au filet des étoiles filantes
Comme un marin qui meurt en mer en plein mois d'août

J'ai retiré ce radium de la pechblende
Et j'ai brûlé mes doigts à ce feu défendu
Ô paradis cent fois retrouvé reperdu
Tes yeux sont mon Pérou ma Golconde mes Indes

Il advint qu'un beau soir l'univers se brisa
Sur des récifs que les naufrageurs enflammèrent
Moi je voyais briller au-dessus de la mer
Les yeux d'Elsa les yeux d'Elsa les yeux d'Elsa

Louis Aragon


Depuis ce jour là, c'est resté mon poème préféré :smile:
She was too tired to feel anything more, she wanted a book to do to her what books did: take away the world, slide it aside for a little bit, and let her please, please just be somewhere and somebody else
― Lev Grossman, The Magician's Land

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Ostinato
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Poêmes que vous aimez

Message par Ostinato »

T'as d'beaux yeux, tu sais.

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l'idiot

Poêmes que vous aimez

Message par l'idiot »

L’étranger - Sully-Prudhomme

Je me dis bien souvent : de quelle race es-tu ?
Ton cœur ne trouve rien qui l’enchaîne ou ravisse,
Ta pensée et tes sens, rien qui les assouvisse :
Il semble qu’un bonheur infini te soit dû.

Pourtant, quel paradis as-tu jamais perdu ?
A quelle auguste cause as-tu rendu service ?
Pour ne voir ici-bas que laideur et que vice,
Quelle est ta beauté propre et ta propre vertu ?

A mes vagues regrets d’un ciel que j’imagine,
A mes dégoûts divins, il faut une origine :
Vainement je la cherche en mon cœur de limon ;

Et, moi-même étonné des douleurs que j’exprime,
J’écoute en moi pleurer un étranger sublime
Qui m’a toujours caché sa patrie et son nom.
Florus
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Poêmes que vous aimez

Message par Florus »

Un poème que j'ai découvert il y a quelques années et que j'ai trouvé magnifique. Je mets en dessous la traduction trouvée sur Wikipédia.

Do not stand at my grave and weep
I am not there; I do not sleep.
I am a thousand winds that blow,
I am the diamond glints on snow,
I am the sun on ripened grain,
I am the gentle autumn rain.
When you awaken in the morning's hush
I am the swift uplifting rush
Of quiet birds in circled flight.
I am the soft stars that shine at night.
Do not stand at my grave and cry,
I am not there; I did not die.

Mary Elizabeth Frye


Ne vous tenez pas devant ma tombe en pleurant.
Je n'y suis pas, je ne dors pas.
Je souffle dans le ciel tel un millier de vents,
Je suis l'éclat du diamant sur la neige,
Je suis la douce pluie d'automne,
Je suis les champs de blé.
Je suis le silence du matin,
Je suis dans la course gracieuse
Des magnifiques oiseaux qui volent,
Je suis l'éclat des étoiles dans la nuit.
Je suis dans chaque fleur qui s’épanouit,
Je suis dans une pièce tranquille.
Je suis dans chaque oiseau qui chante,
Je suis dans chaque belle chose.
Ne vous tenez pas devant ma tombe en pleurant,
Je n'y suis pas. Je vis encore.
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Somebody59
Miss Toutankh
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Enregistré le : dimanche 02 septembre 2018 14:02

Poêmes que vous aimez

Message par Somebody59 »

Très beau.... Florus
"Miss tout-en-carton"
Aragorn
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Enregistré le : vendredi 02 novembre 2018 12:39

Poêmes que vous aimez

Message par Aragorn »

Voici un poème que j'ai écrit en 1986

Un jour s'est couché sans résistance aucune
Une ombre a recouvert en un souffle le ciel
Laissant comme faible espoir la clarté de la lune
Il attend comme moi le retour du soleil

Un arbre en Automne a perdu sa verdeur
Ses feuilles sur le sol le regardent en riant
Son cœur est perdu attaqué en froideur
Il attend comme moi le retour du Printemps

Un oiseau s'est posé sans pouvoir repartir
Les plumes alourdies par de l'eau en torrent
Ses ailes tronquées, ne pouvant se nourrir,
Il attend comme moi le secours du temps

Une pluie sans orage a enseveli un émoi
Des sanglots sur une joue sont tombés dans l'oubli
Car l'amour jusqu'alors a refusé mon toit
Et j'attends sans réserve le retour de la vie

Poème écrit en Mars 1986 à Clermont-Ferrand après que la jeune fille que j'aimais et avec qui j'étais depuis 5 ans m'ait quitté
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Oléane
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Enregistré le : vendredi 20 septembre 2019 10:26

Poêmes que vous aimez

Message par Oléane »

J’ai longtemps marché
Au bord du précipice
Mon foulard s’est envolé
Et des souvenirs en pagaille
Dans ma tête sursautaient.

J’ai longtemps marché…
Le ciel sur moi est tombé
Je ne l’ai pas entendu
Et la lumière s’est éteinte
Les projecteurs se sont tus.

J’ai longtemps marché…
Des flashbacks enchaînés
Sur le fil de la vie
Des cailloux dans les poches
Égratignaient mes envies.

J’ai longtemps marché…
Dans mes paumes de main
J’ai caché la voie lactée
En un claquement de doigts
Les étoiles se sont marrées.

J’ai longtemps marché…
Au bord du précipice
Mon regard s’est fixé
Un pas en avant
Trois pas en arrière
Il n’est pas trop tard
Pour bien faire
Non, il n’est pas trop tard…

J’ai longtemps marché,
J’ai longtemps marché,
J’ai longtemps marché…

Sandrine Davin
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decibella
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Poêmes que vous aimez

Message par decibella »

On dit qu'avant d'entrer dans la mer,
une rivière tremble de peur.
Elle regarde en arrière le chemin
qu'elle a parcouru, depuis les sommets,
les montagnes, la longue route sinueuse
qui traverse des forêts et des villages,
et voit devant elle un océan si vaste
qu’y pénétrer ne parait rien d'autre
que devoir disparaître à jamais.
Mais il n'y a pas d'autre moyen.
La rivière ne peut pas revenir en arrière.
Personne ne peut revenir en arrière.
Revenir en arrière est impossible dans l'existence.
La rivière a besoin de prendre le risque
et d'entrer dans l'océan.
Ce n'est qu'en entrant dans l'océan
que la peur disparaîtra,
parce que c'est alors seulement
que la rivière saura qu'il ne s'agit pas
de disparaître dans l'océan,
mais de devenir océan.

"La peur" Khalil Gibran
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