"mes TCA arborescents", mon témoignage

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Topinambour
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Enregistré le : mercredi 05 décembre 2012 10:51
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"mes TCA arborescents", mon témoignage

Message par Topinambour »

Bonjour à tous et à toutes,

Je tiens à dire que l'expression contenue dans mon titre n'est jamais parvenue à mon oreille de la part de quelqu'un d'autre que de moi-même.

Pourquoi arborescents ?
Parce que je pense à un point de départ et toutes les possibilités de plus en plus nombreuses, tout ce qui découle de "cette origine".


Je ne parle pas en tant que "connaisseuse" des TCA. Je pense que chacun aborde la chose à sa manière, chaque cas est unique.

J'ai souffert de boulimie, une boulimie que je qualifierais de non-vomitive (cela existe-t-il ?). J'ai la phobie de vomir alors cela a du aider à tendre vers cela.

avant mes 2 ans j'étais de poids normal, j'étais en avance physiquement (plus grande que la moyenne, on me donnait 4 ans à 2 ans par exemple). Arrivée à 2 ans, la boulimie s'est installée.

Pourquoi précisément deux ans ? Disons que dès ma naissance j'étais collée à ma mère H24, 7J/7, on faisait des jeux (j'ai commencé les puzzles très jeune par rapport à "en général" etc), j'étais très éveillée, j'ai tout fait en avance ou presque, j'ai eu conscience de "moi" en tant qu'individu à part entière (la chose qui survient généralement à 4 ans je crois ? je ne sais pas la moyenne, je crois ne pas me tromper, enfin bref le moment où l'enfant prend conscience qu'il est un être unique, en dehors de ses parents, qu'il est lui et que les autres ne sont pas lui, qu'il a une identité propre en bref) extrêmement jeune... Je ne me suis jamais comportée comme les autres enfants "en général" mais ça n'inquiétait pas car dans ma famille c'était chose courante que d'être précoce sur les choses intellectuelles (parler, la logique (puzzles) etc) et je demandais une attention hors norme (déjà un "bébé normal" en demande beaucoup, moi c'était décuplé) donc vraiment je n'exagère en rien en disant 7J/7 et H24, je dormais même avec ma mère jusqu'à ma première année car elle avait très très peur de la mort subite du nourrisson ou d'autres choses qui auraient pu survenir.
J'étais très difficile (rebelle, un psy dira même quelques années plus tard que j'ai fait une sorte de crise d'adolescence de 2 à 9 ans). Mais je pouvais aussi être adorable, je réagissais simplement très vivement aux frustrations, aux contraintes etc. (Si je décris autant c'est que j'espère que des gens ont eu des similitudes dans leur passé avec moi, et s'ils ont eu à peu près le même cas de figure que moi, et il n'est pas à démontrer que les TCA sont extrêmement liés à la composante psy d'un être)
A mes 2 ans ma mère a dû reprendre le travail, elle m'a mise chez la nourrice.
ça a été la chose la plus marquante de mon existence, je me souviens avec précision d'avant cette période, de cette période, et du "après".
J'étais partagée entre tellement de sentiments que je ne savais plus qu'extérioriser. J'ai extériorisé la colère, je me sentais trahie, abandonnée. Mais d'un autre côté je savais très bien qu'elle ne pouvait pas rester avec moi, que "c'était comme ça", c'est encore pire que d'avoir conscience de ça et de le comprendre, j'aurais préféré ne pas comprendre pour ne jamais culpabiliser d'être autant en colère et de la haïr à ce point. je détestais aller chez la nourrice, je m'ennuyais, elle me prenait trop pour une véritable enfant de mon vrai âge, or je n'avais jamais été traitée de la sorte, je l'ai vraiment très mal vécu. J'ai tout rejeté en bloc.
L'amour de tout ces gens autour de moi, c'était du toc. De l'illusion. Du plaqué-or. du faux parquet. Pourtant ma mère continuait à me dire qu'elle m'aimait, et je pensais en moi :
"Comment oses-tu prononcer cela ? comment oses-tu dire que tu m'aimes ?"
Ce n'était même plus de la colère, au bout du compte, c'était très froid. Je ne supportais plus cette non-concordance entre les actes et les paroles. Je ne la croyais plus, elle pouvait bien le dire, je m'en fichais.
Tous les gens qui ont dit m'aimer après cela au début je les regardais sans expression, sans considérer ce qu'ils me disaient, voire avec un air un peu méchant. Par la suite, j'en ai ri. Beaucoup ri. Tout ça m'apparaissait comme une vaste blague.
en quelques jours j'avais intégré plusieurs résolutions et grands principes :

-Les autres ne t'aiment pas, les gens disent des choses dont ils ne ressentent pas la grandeur, ça les dépasse, (tiens, pour reprendre une chanson que j'aime bien chantée par Barbara "les mignons" : "Avec des mots plus grands que le coeur")
-Tu ne devras compter que sur toi-même.
-Tu n'as pas à détester les gens, tu peux même vraiment les aimer mais n'attend rien d'eux, n'espère rien d'eux.
-Tu dois aider les autres si tu le peux et que ça ne te nuit pas mais n'accepte pas leur aide.
-Ne dis pas aux gens si tu les apprécies/les adore/les aime, agis en conséquence.
-Tu devras tout subir mais rester droite, debout, sans jamais te trahir ni trahir quiconque.

etc.

Je suis devenue boulimique, ce n'était même pas conscient. C'est arrivé progressivement. Je mangeais beaucoup. Mais je ne vomissais pas.
Je grandissais vite donc je ne devenais pas "grosse". Je ressentais comme un besoin impérieux de "stocker". C'était vraiment très spécial, je l'ai vécu de façon presque extérieure.
C'était un peu comme si mon âme et mon esprit prenaient une distance avec mon corps et que je me commentais moi-même "ah oui elle fait ça" presque des dialogues que j'entendais.

Mes parents n'étaient pas alarmés puisque d'apparence ce n'était pas flagrant. Puis j'étais assez tyrannique, si j'avais décidé quelque chose : c'était comme ça, pas autrement. (depuis tout bébé, ça n'est pas survenu avec le traumatisme de "l'abandon").

A partir de mes 7 ans ça a commencé à se voir, mais je faisais du sport à côté (escrime, tir à l'arc, j'ai fait un peu de tennis à un moment, un peu d'équitation aussi et du golf et j'ai testé d'autres choses mais bref pour dire : je faisais du sport quand même) Donc j'étais "enrobée". Mais toujours cette nécessité de "stocker" de tout prendre en moi. Et ça ne touchait pas que la nourriture ! j'étais devenue boulimique de lecture, aussi. (j'ai appris seule vers mes 3 ans, je dirais qu'à 4 ans je lisais assez bien), je lisais en cachette mais dès mon CP tous les livres qui me passaient sur la main, vu que je n'avais plus à me soucier de dissimuler ou autre : je l'attrapais, je le dévorais. Et j'en cherchais d'autres. J'en ai avalé, dévoré, mâcher tellement. Je voulais tout stocker, je voulais que rien ne m'échappe, tout avoir, tout connaître, pour que rien n'échappe à mon contrôle.

Vers mes 11 ans, anorexie. Cette chose latente en moi s'était déclarée : Le rejet absolu de "tout ce qui extérieur à moi". Je me vomissais, je vomissais les gens, le savoir, la culture, tout.
Je ne voulais plus lire, je ne voulais plus, je ne pouvais plus. J'étais écoeurée, surtout en voyant tout ces gens autour de moi qui, après avoir lu un livre, commençaient à adopter les idées de l'auteur, je trouvais cela cauchemardesque. je voulais me garantir que tout ne vienne que de moi, que le mérite de ce que j'étais me revienne à moi au maximum (j'étais lucide, je sais qu'il y a un minimum qui vient de mes parents etc) mais je voulais le plus possible que cela soit "grâce et uniquement grâce à moi" : le désir de l'absolu.

Puis succession de mes contradictions, boulimie, anorexie, boulimie, anorexie, etc.

Obsession de l'image, aussi, car j'avais toujours eu pour objectif le "perfectionnement spirituel, intellectuel et corporel constant", il me manquait le corporel, donc j'ai commencé à me réguler le plus possible et depuis quelques années j'arrive à me maintenir, je me donne des devoirs, des exigences envers moi-même et je me force à les remplir "parce que c'est comme ça".

Je suis végétarienne depuis quelques années, c'est en accord avec mes principes donc cela m'aide à ne pas trop rejeter la nourriture.
Je respecte mes périodes de beaucoup de sport et mes périodes où je n'en ai pas du tout envie, je ne veux pas trop frustrer mon mental, je veux le laisser libre un maximum.
Donc je m'adapte en conséquence, beaucoup de sport = je vais privilégier les aliments plus caloriques et plus adaptés dans le cadre d'un "beaucoup d'efforts physiques", et peu de sport je vais faire l'inverse.

Voilà voilà... j'aimerais savoir si certains d'entre vous ont vécu des choses similaires, pas forcément dans tout, ne serait-ce qu'un détail.

Ah et aussi ! Je ne ressens pas la faim, je ne l'ai jamais ressentie, mais je ressens la soif ! mais j'ai "besoin" de manger car je vois que si je ne mange plus rien pendant quelques jours je vais tomber dans les pommes donc mon corps en a besoin mais il ne réclame pas ! ce n'est pas dramatique mais j'ai appris il y a quelques années que "tout le monde" ressentait la faim, alors j'aurais voulu savoir si quelqu'un avait la même chose, voir les liens possibles, pourquoi, etc.
Ne pas ressentir la faim fait que je suis très "détachée" face à la nourriture, vu que je "ne la désire pas". Je crois que ça m'aide aussi à me réguler (mais ça me donnerait un penchant vers l'anorexie tout de même mais j'essaie de voir ça comme "une jauge à remplir, un carburant à donner au corps pour pouvoir faire telle et telle chose etc")

Je trouve qu'intellectualiser le rapport à la nourriture de manière à se réguler est une solution efficace, en tout cas pour moi... Bien sûr que parfois il peut y avoir une micro-rechute (comme j'appelle ça)
=une crise de boulimie un soir ou quelques jours sans rien manger en faisant plein de sport...
Mais ça se règle très vite en appelant à la rescousse sa "personnalité la plus lucide, froide et objective". Elle vient secouer un peu tout le beau monde bourré de névroses, phobies etc et hop ça repart.
Prendre du recul, dialoguer avec soi-même (= ça on peut même le transposer en "concret" vous prenez deux chaises, face à face ou côte à côte ça dépend si vous voulez un affrontement ou une simple discussions/interrogations, puis vous prenez une personnalité, vous parlez. Et ensuite vous changez de chaises et vous répondez. ça peut beaucoup aider je trouve mais ça doit vraiment dépendre des gens, pratique aussi quand on veut parler à quelqu'un d'autre qu'à soi-même, à une personne décédée par exemple, en face d'une fleur ou d'une peluche ou tout autre objet sous la main qui fait le plus penser de façon immédiate à la personne et on lui parle, on peut s'énerver, pleurer etc. Mais personnellement le dernier cas je trouve ça presque aussi dur que de parler réellement à la personne concernée)


Quelque chose aussi qui m'a aidée à me réguler vraiment c'est de voir la perte de temps que représente un dysfonctionnement du rapport à la nourriture.
Boulimie = perte de temps sur le moment où on mange + sur le moment on s'en sentira super mal voire les vomissements pour certains, etc.
Anorexie = perte de temps sur le long terme, puis malaises, le regard des gens pesant etc.

Enfin évidemment je ne dis pas que tout le monde va avoir peur de perdre du temps et donc que cela va être "un argument de poids" pour faire arrêter son corps et son mental. Mais je sais que pour moi une perte de temps pour des choses "aussi bassement terrestres" ça me paniquait. Chacun doit pouvoir trouver des arguments choc pour se réguler, je pense, à part la perte de temps il y en a des tonnes :)


Voilà voilà je n'ai pas lu d'autres sujets donc j'espère ne pas avoir fait trop de redondant... !


Bonne journée à tous et à toutes
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Rainbow
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"mes TCA arborescents", mon témoignage

Message par Rainbow »

Bonjour Topinambour et bienvenue sur le forum :chap:

Je n'ai jamais vécu cela, je n'ai même jamais vécu de troubles alimentaires au sens propre c'est vrai.
Mais pour avoir connu de nombreuses personnes dans ce cas là, je commence à en avoir un peu "l'habitude"

Maintenant je me demandais, consultes-tu pour cela? As-tu envisager de voir un psy pour discuter de ces troubles?
De leur origines et de la manière dont tu les traitent?

Quel âge as-tu désormais? Tu entretiens quelle relation avec ta mère?

Je t'embrasse :bisouss:
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Topinambour
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"mes TCA arborescents", mon témoignage

Message par Topinambour »

Bonjour Rainbow et merci :)

Non je ne consulte pas pour cela, je suis suivie depuis mes 4 ans par des psychologues et psychiatres etc, mais ce n'est pas pour ça en particulier, ils ne pouvaient rien pour moi car j'avais toujours un train d'avance sur eux (je suis fervente pratiquante de l'introspection poussée) et puis il y avait plus urgent à "traiter", le seul aspect très positif des psy c'est que cela me fait une personne pour suivre mon monologue et je peux observer ses réactions, ça m'aide à voir ce que "quelqu'un de normal" peut en penser ou réagir vis-à-vis de ça, c'est rassurant parfois je trouve.
Mais c'était assez compliqué car avant je ne canalisais pas mes questionnements et ma "vitesse de pensée" donc ils étaient submergés et ne pouvaient plus me suivre, heureusement en grandissant j'ai canalisé le plus possible et j'aime bien avoir leurs avis sur ce que je pense, ça aide à se confronter un peu.

Avec ma mère nous avons une relation très fusionnelle et "explosive". tout dans les extrêmes, j'aurais du mal à envisager une "véritable relation" autrement, et j'ai dix-huit ans.

:bisouss:
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Rainbow
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"mes TCA arborescents", mon témoignage

Message par Rainbow »

N'est ce pas dur à vivre au quotidien cette sensation d'avoir toujours "un train d'avance" sur les autres?

Moi aussi j'ai une relation très fusionnelle et explosive avec ma mère, je peux comprendre ça :smile:
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"mes TCA arborescents", mon témoignage

Message par Topinambour »

C'est dur à vivre mais je pense que vu que j'ai toujours vécu comme ça ce serait encore plus horrible pour moi de me retrouver dans le cas contraire, chaque chose a ses avantages et ses inconvénients... :)
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