Le 7 mai 2010 à 2 ARTE : "Sainte-Anne, hôpital psychiatrique

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neige-74
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Le 7 mai 2010 à 2 ARTE : "Sainte-Anne, hôpital psychiatrique

Message par neige-74 »

Sainte-Anne, hôpital psychiatrique

Pour la première fois, une immersion en cinéma direct dans les services fermés de l'hôpital Sainte-Anne à Paris, auprès des patients et des soignants. Une vision saisissante.

À l'intérieur de l'enceinte de l'hôpital Sainte-Anne, à Paris, un imposant bâtiment haussmannien abrite un long couloir fermé à clef. Des hommes et des femmes en pyjama bleu déambulent dans cet espace clos. Ils ont été hospitalisés dans ces services fermés de l'hôpital à l'initiative de la police ou bien à la demande d'un proche. Ici, le temps est suspendu, l'attente est longue et les patients ne comprennent pas toujours leur enfermement. Leurs journées sont rythmées par des traitements auxquels ils consentent peu, voire pas du tout. En face d'eux, le personnel soignant, en blouse blanche, assure le déroulement du quotidien. Consultations, neuroleptiques, mais aussi chambres d'isolement et ceintures de contention font partie de la cure...

Le sens du cadre
Ilan Klipper s'est immergé pendant plusieurs mois dans deux unités de soins pour adultes à Sainte-Anne. Avec une distance toujours juste et un véritable sens du cadrage, il en a ramené des images fortes, parfois choquantes, montées sans commentaire. Aux côtés des patients et des médecins, son documentaire sans manichéisme dresse un état des lieux d'un service qui n'est ni une exception, ni un cas extrême. Le manque criant de moyens financiers et humains implique une cadence infernale, un flux permanent de malades, qui ne permettent pas au plus consciencieux des soignants de faire correctement son métier. Dans ce couloir coupé du monde extérieur, chacun essaye de sauver sa peau : le patient, reclus et seul, face au personnel médical pris en tenaille entre des exigences de rendement et sa conscience professionnelle.
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Archaos
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Re: Le 7 mai 2010 à 2 ARTE : "Sainte-Anne, hôpital psychiatr

Message par Archaos »

Merci Neige :smile: j'essayerais de ne pas le rater :god:
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neige-74
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Re: Le 7 mai 2010 à 2 ARTE : "Sainte-Anne, hôpital psychiatr

Message par neige-74 »

A priori, il est plus question de pathologies "lourdes" que de dépression. Mais les méandres du cerveau humain sont toujours passionnants, je trouve. Et nous en apprennent de toute façon beaucoup, y compris sur la dépression.
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Archaos
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Le 7 mai 2010 à 2 ARTE : "Sainte-Anne, hôpital psychiatr

Message par Archaos »

:bye:

Voici le lien :

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neige-74
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Re: Le 7 mai 2010 à 2 ARTE : "Sainte-Anne, hôpital psychiatr

Message par neige-74 »

Un patient dépressif se présente totalement sonné, il a arrêté son traitement. Un docteur lui fait signer une autorisation pour EC. Décision prise librement et en toute lucidité ? Qui pourrait le prétendre ? Comment un tel médecin n'est-il pas poursuivi pour abus de pouvoir ?
Un patient est mis sous contention car il a l'audace de demander une cigarette.
Une jeune fille dit qu'elle a froid : contentions et augmentation des médicaments.
Les psychiatres ont l'air presque plus malades que les malades, étalent leur supériorité, n'écoutent pas leur équipe, sont incapables de regarder leur interlocuteur dans les yeux, mélangent les dossiers.
Un jeune toubib s'inquiète pour "sa crédibilité" tel une vierge effarouchée... Mais où est-on ?
L'absence de débat fait cruellement défaut après un tel reportage, une mise en perspective.
J'ai connu des établissements psy tellement plus humains. Comment les soignants psy ont-ils reçu cet immondice en pleine figure ?
Juste intolérable.
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coeurtriste
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Le 7 mai 2010 à 2 ARTE : "Sainte-Anne, hôpital psychiatr

Message par coeurtriste »

Juste intolérable.
Je suis d'accord.

C'est vraiment pas normal qu'on est cela en France en 2010 quand même !! Je pense a la dame qui a faillit mourir de la péritonite (jsais pas comment on l'écris) elle avait super mal, et on lui proposer rien :dub:

Ah oui les contentions a tout va... ca aussi c'est une honte...
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neige-74
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Re: Le 7 mai 2010 à 2 ARTE : "Sainte-Anne, hôpital psychiatr

Message par neige-74 »

Après le reportage d'Arte, même son de cloches dans la dernière émission "Les Infiltrés" sur un HP. En quelques jours, deux documentaires à charge sur les HP. Je ne peux pas m'empêcher de trouver ça louche.

J'en ai discuté avec mon psychologue, qui est aussi psychanalyste et n'est pas très porté sur les médicaments et traitements de choc, même s'il reconnaît que ça peut être nécessaire et bénéfique. Il a une théorie intéressante. Les établissements publics psy ont de moins en moins de moyens et le nombre de lits supprimés chaque année est impressionnant. Alors il me disait que c'était peut-être une manière de discréditer complètement la psychiatrie publique pour préparer un désengagement massif de l'État. Nous nous dirigerions alors vers un système à deux vitesses (c'est déjà le cas, mais ce serait pire) : des HP sans aucun moyen pour les pauvres, des cliniques privées pour les autres. C'est déjà le cas dans de nombreux pays. Une amie à moi habite au Portugal : les consultations psychiatriques publiques sont assurées par des internes, les psychiatres diplômés exerçant dans le privé au tarif 100 à 150 euros non remboursés.

Quand on veut tuer son chien on dit qu'il a la rage, non ? :mad1:
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Nezumi
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Re: Le 7 mai 2010 à 2 ARTE : "Sainte-Anne, hôpital psychiatr

Message par Nezumi »

Je crois que je l'ai déjà vu. Mais je suis pas sûre...
En tout cas, dans le documentaire, je trouvais très... "froid" comme endroit. Un peu comme si les gens étaient des souris de laboratoire...

Pour les intéressés, il me semble qu'il passe à nouveau ce soir à 3h00, toujours sur Arte.
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Oiseau-de-Pluie
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Le 7 mai 2010 à 2 ARTE : "Sainte-Anne, hôpital psychiatrique

Message par Oiseau-de-Pluie »

"Les infiltrés, HP" ---> C'est l'hôpital de ma ville. C'est là-bas qu'ils m'ont interné, dans un service voisin, en décembre dernier (alors que je n'ai que 18 ans).

Le pire traumatisme de toute ma vie. Je préfère encore mourir plutôt que d'y retourner.
vachette

Le 7 mai 2010 à 2 ARTE : "Sainte-Anne, hôpital psychiatrique

Message par vachette »

j'ai vu ce reportage aussi et il m'a vraiment retournée....

je te comprends Oiseau-de-pluie : essaie de ne pas y penser tout le temps car je suppose qu'oublier est utopique :tourne:

courage
vachette
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Oiseau-de-Pluie
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Le 7 mai 2010 à 2 ARTE : "Sainte-Anne, hôpital psychiatrique

Message par Oiseau-de-Pluie »

Tu as vu, le simple fait de le voir est bouleversant. Alors imagine le fait d'y être internée en vrai... :'(

Malheureusement, un tel traumatisme ne peut s'oublier. Les séquelles me marqueront à vie :'(

Merci de me comprendre tout cas.
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terrefroide
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Le 7 mai 2010 à 2 ARTE : "Sainte-Anne, hôpital psychiatrique

Message par terrefroide »

Je reconnais moi aussi que lorsque j'ai vu le reportage cela m'a glaçé le sang. Je ne comprends pas que l'on reste comme cela sans rien faire. Résultat les malades rechignent à se faire soigner. Ils ont juste besoin d'attention et d'empathie et non de barbarie. Moi j'ai du faire hospitalisé mon père en urgences pour schisophrénie psycho affective car il était en face manique et cela devait ingérable pour moi et nous avons refusé l'hp et il a été transféré dans une unité certes faisant partit de l'hp mais toute neuve et moins glauque. La psy de garde voulait me faire signer une sdt mais j'ai refusé et lui ai dit que mon père se ferait hospitaliser en HL car refus je refusais qu'il aille en service fermé. J'y suis allé tous les jours malgrè la fatigue pour tout vérifier (médicaments pas trop forts, bonne écoute et surtout pour le promener dans le parc car au début il n'avait pas le droit de sortir tout seul). J'avais l'oeil partout. Je lui amené son goûté tous les jours. Je suis secrétaire médicale et pour le langage médical on ne me la fais pas. Mon père étant un malade facile cela s'est bien passé mais bon j'ai été choqué par le mélange des pathologies (autisme, alzeimer, et autres maladies psychiatriques très graves). Il y avait des depressifs qui avaient fait des TS et je trouvais qu'il n'avait rien à faire avec ce genre de pathologie. En sortant tous les soirs j'en étais malade. Ce qui est sûr ce que je n'aurais jamais laissé mon père dans une unité comme celle là. Résultat il faut faire très attention où l'on met les pieds ! .
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chillina
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Le 7 mai 2010 à 2 ARTE : "Sainte-Anne, hôpital psychiatrique

Message par chillina »

J'ai regardé, mais mon ordi beugue, donc pas la totalité, mais ce qui me glace c'est l'infantilisation des patients, le manque total de respect en tant que personne adulte, et surtout cette impression de perte totale de liberté.
J'ai noté le médecin qui précisait que la première patiente du reportage ne protestait que pour la forme. Mais que pouvait-elle faire d'autre ? Il avait décidé, et elle était cernée de personnes autour d'elle. Comment lutter contre ça ? C'est dans ces moment d'impuissance totale ou je sens que moi je pourrais vraiment perdre pied si j'y était confrontée. Cette prise aussi de médicament, ils n'ont apparemment pas le choix, ils doivent les prendre. Et se retrouvent complètement abrutis. Je trouve ça terrible.
Maintenant je ne connais pas leur pathologie, mais le manque d'humanité du personnel est tout simplement glaçante.
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Oiseau-de-Pluie
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Le 7 mai 2010 à 2 ARTE : "Sainte-Anne, hôpital psychiatrique

Message par Oiseau-de-Pluie »

"Il y avait des depressifs qui avaient fait des TS et je trouvais qu'il n'avait rien à faire avec ce genre de pathologie" --> comme moi...

Allez, je vais rédiger les 4 horribles jours que j'ai passé à l'HP, ça va sûrement me soulager.

"
Récit des 4 jours terribles passés à l’hôpital psychiatrique :


Vendredi 21 décembre 2012 :

La personne que j’aime m’a rejetée. C’est une douleur insupportable. Dommage que les Mayas aient aient eu tort, j'aurais tellement aimé que la fin du monde se produise aujourd'hui. J’avale vingt-neuf comprimés de Xanax. Je veux oublier. Ne plus souffrir. Dormir et ne jamais me réveiller. Trouver la paix.
Je suis à moitié dans les vapes. Je ne me souviens de rien.

Plus tard, j’apprends que j’ai été conduite à l’hôpital. Qu’on a voulu me garder, mais que mon père a pu signer une décharge. Mais moi, je vais toujours très mal.

Lundi 24 décembre 2012 :

Je veux mourir. J’ai mal. Je poste mon mal-être sur des forums. Je cherche le moyen le plus sûr de me suicider. Suis-je bête, je n’aurais jamais dû faire une chose pareille.

Je vais me coucher. Il est 15h et je suis en pyjama dans mon lit, le cœur brisé par la souffrance. Soudain, l’interphone sonne. Ma mère décroche. C’est sa période de vacances, elle ne travaille pas. De loin, je l’entends dire « c’est les pompiers » !
Les pompiers ? Pourquoi ? Mon cœur commence à battre à une vitesse inimaginable. C’est un internaute qui a dû les prévenir. Ils ont détecté mon adresse IP. J’ai peur. Tellement peur. Vont-ils m’enfermer ? C’est sûr, ils vont m’embarquer. Au secours !
Je ne peux même pas me sauver, je suis en pyjama. Et puis, même si je n’avais pas été là, n’auraient-ils pas attendu mon retour pour m’enfermer comme une criminelle ?
Ils montent. Il n’y a pas que les pompiers, mais aussi la police. Ils sont au moins dix ! Ils entrent dans ma chambre. Je suis terrifiée. Dans une de mes périodes de crise, alors que j’étais dans un état second, j’ai écrit le mot « suicide » sur le papier peint qui recouvre le mur de mon bureau. Ils l’ont vu. Je ne peux donc même plus nier, je n’ai plus aucune échappatoire. Ils me demandent si je suis l’auteure ! Que répondre ? Je leur dis que j’ai écrit ce mot il y a longtemps. C’est mon seul espoir. Mais ça ne marche pas. Je tremble. Ils me disent qu’ils vont me conduire à l’hôpital. Ils me demandent si je préfère rester en pyjama ou m’habiller. Ils seraient tout à fait capables de m’y emmener en pyjama ! Je dis que je préfère m’habiller. Ils ne veulent même pas me laisser seule, ils ont peur que j’attente à mes jours. Je n’ai plus le droit à aucune intimité. Ma mère doit s’enfermer avec moi dans les toilettes pour que j’enfile mes habits. Heureusement que le fait de m’exposer nue face à elle ne me pose pas de problèmes. Et puis, ils m’embarquent. Je monte dans le camion de pompiers. Mon père nous suit, en voiture. Je tremble de peur. Ils vont m’enfermer, je le sais. Je ne veux pas. Au secours ! Je crie intérieurement. Suis-je bête, pourquoi ai-je parlé de mes foutues envies suicidaires sur un forum. Je n’aurais jamais dû faire une chose pareille. Maintenant, je suis condamnée à souffrir. Je vais être punie, comme si j’avais commis un crime. Je prie le ciel pour qu’un miracle se produire. Pour retourner dans le passé. Effacer ces messages. Mais mon désespoir, aussi intense soit-il, n’a malheureusement pas le pouvoir de modifier les évènements.
Le camion roule. Je demande aux pompiers ce qu’ils vont me faire. Ils répondent qu’ils ne savent pas. Que leur seul travail est celui de me conduire à l’hôpital. Je tremble de peur.
Nous arrivons aux urgences. J’attends environ un quart d’heure avant de voir une infirmière. Elle me pique le doigt. Elle veut voir mon taux de sucre dans le sang. Je ne vois pas à quoi cela sert. Je m’en fiche. Elle me dit de retourner m’asseoir dans la salle d’attente des urgences. M’affirme qu’une psychiatre va venir me chercher. Une psychiatre ? Ce seul et unique mot a le pouvoir de me pétrifier. Pendant trois longues heures, j’attends dans une angoisse épouvantable.
La psychiatre arrive. Je vais dans son bureau. J’ai peur. Elle ne dit rien. Elle est au téléphone, et annonce : « C’est ma deuxième HDT de la journée ».
HDT ?! Qu’est-ce qu’elle raconte ? Hospitalisation à la demande d’un tiers ?! J’en étais sûre, je le savais, elle va m’interner de force. Je ne veux pas. Au secours ! Aidez-moi ! Sortez-moi de là ! Mon père assiste, impuissant, à cette horrible scène. Je crie que je ne veux pas être hospitalisée. Je pleure. La psychiatre, aussi sadique soit-elle, hausse le ton : « On ne vous laisse pas le choix Mademoiselle ! Sinon j’appelle la Préfecture de Police et le Maire ! »

Je pleure de plus belle. Au secours, sortez-moi de ce cauchemar ! Comment peut-elle être aussi cruelle ? Et puis, maintenant que j’ai dix-huit ans, où vont-ils m’enfermer ?
Il y a quelque temps, j’avais regardé un reportage sur le service de psychiatrie adulte de ma ville. Un reportage qui retourne le cœur. J’ai dix-huit ans révolus, alors c’est dans cet asile de fous qu’ils vont m’emmener ? Non ! Plutôt mourir ! Au secours !
Je tente de me sauver. Je passe à travers les lits des malades, dont certains sont branchés de partout avec des tuyaux. Cette simple vue me donne des nausées. Je cours. Il faut que je trouve un chemin. Que je m’enfuis de cet hôpital de malheur. Il y a une gare pas loin. Je vais me jeter sous le métro, et ils ne me retrouveront plus jamais. Ils ne pourront jamais plus m’enfermer. J’entends la psychiatre crier : « On va la contentionner ! On va la contentionner ! »
Me contentionner ?! Je sais ce que ce terrible verbe signifie. Ils veulent m’attacher. Ils sont fous ! Cette sadique de psychiatre appelle des infirmières pour qu’elles me rattrapent. Il est impossible de se frayer un chemin dans cet horrible hôpital. L’une d’entre elles me rattrape et m’allonge sur un lit. Elle me retire le haut de mes vêtements. Mon soutif y compris, elle voit mes seins. Elle me met une espèce de blouse à la place. Et elle m’attache le bras. C’est l’enfer. Je ne peux plus bouger, je ne peux plus m’enfuir, ils m’ont attaché. La psychiatre vient me donner un cachet bleu. Un neuroleptique terrible. Je sais que ces cachets sont affreux, mais je n’ai pas le choix. Si je ne le prends pas, elle me l’injectera de force dans les fesses. Les psychiatres sont sadiques. Certains diraient qu’ils sont « inhumains ». Malheureusement, je ne suis pas sûre que ce soit le terme approprié. Toutes ces horreurs sont justement humaines ! Les animaux, les végétaux, etc. ne feraient jamais ça. J’aime les animaux, je défends leur cause.
Mais là, je ne pense qu’à une seule chose : mourir. Il ne me reste plus qu’une seule chose : mon portable. J’envoie des messages de détresse à tout le monde. Mais ils ne peuvent rien faire. Je suis seule. Terriblement seule. J’éprouve une angoisse épouvantable.
Je pense à Solenn, la fille de Patrick Poivre d’Arvor (plus tôt, j’avais déjà été hospitalisée à la Maison de Solenn). À cet instant, je ressens un sentiment d’immense admiration envers elle. Cette jeune fille a vécu l’isolement : deux mois sans avoir le droit à aucun contact écrit ou téléphonique avec sa famille. Deux mois. Je viens à peine d’entrer à l’hôpital, et je n’en peux déjà plus. Comment as-tu fait, Solenn, pour tenir deux mois ? Tu as eu un admirable courage. Je comprends que tu te sois jetée sous le métro. On va mal, on a besoin d’aide, et au lieu de nous soutenir et de nous apporter ce dont on a besoin, on nous attache, on nous enferme et on nous drogue. Je veux me jeter sous le métro, moi aussi. Tu as de la chance, ils ne peuvent plus t’enfermer. Je pleure. Mes larmes ne peuvent plus s’arrêter de couler. Je n’en peux plus.
Environ vingt minutes plus tard, un monsieur vient me chercher. Il me détache. J’ai de la chance, il a l’air très gentil. Pour une fois. Il me dit qu’il est ambulancier. Je monte dans sa voiture. Il me conduit en enfer, mais il est gentil…comment expliquer ce paradoxe ?
Durant tout le trajet, je lui pose des questions. Je lui demande combien de temps je vais rester, quand est-ce que je vais sortir. Il me rassure.
« Mais non, vous n’allez pas rester des mois. Une semaine tout au plus. Mais il vaut mieux rester, le temps que vous alliez un peu mieux. »

Mais ça ne marche pas. Comment pourrais-je aller mieux s’ils m’enferment avec des fous ? Car je le sais, c’est là qu’ils m’emmènent. Chez les adultes. Même si je n’en suis pas une. Mais ce ne sont pas seulement des adultes : ce sont des fous. Dans le reportage, je sais qu’il y a eu un meurtre dans un service. Ils vont m’enfermer avec des criminels, des violeurs peut-être ?
J’arrive. Nous sortons de la voiture. Et nous entrons dans le bâtiment : « Psychiatrie A ».
C’est bien ce que je pensais. Les lieux sont sinistres. Lugubres. Sales. Aucun entretien. La simple vue d’un tel endroit me donne le cafard et me donne de terribles angoisses. Et ils me mettent là-dedans pour me guérir de mon mal-être ?!
Non, bien sûr que non. Ils s’en fichent bien que j’aille mal. Tout ce qu’ils veulent faire, c’est m’empêcher de me suicider, c’est pour ça qu’ils m’enferment. Mais il est évident que plus je resterai dans un endroit aussi atroce, plus mes envies suicidaires augmenteront. Je viens d’entrer, et je ne supporte déjà plus l’atmosphère. Je veux sortir !
J’entre dans le bureau des infirmières. Je m’assois. Elles doivent faire un inventaire. Ce n’est même pas la peine, je n’ai pas de vêtements. On parle quelques minutes, mais je ne me souviens de rien. Je demande, encore et encore, quand vais-je sortir. Elles me répondent qu’elles ne savent pas. Qu’on doit attendre l’avis des médecins. Ils ne reviennent que mercredi et nous sommes lundi. C’est horrible ! Vous autres, vous allez pensez que deux jours, ce n’est rien. Mais, passez, ne serait-ce qu’une heure dans cet asile de fous, et vous n’en pourrez plus.
Je commence à me sentir mal. Fatiguée. Amorphe. Je reconnais de suite ces symptômes : ce sont ceux du cachet que l’affreuse psychiatre m’a administrés une heure plus tôt.
Les infirmières veulent me conduire à ma chambre. Je me lève. Sensation atroce : je vois floue. J’ai des vertiges. Mes jambes ne tiennent plus debout. Ma vision se trouble. Je me sens mal. Très mal. J’ai du mal à respirer. J’étouffe. Au secours ! Je dis que je me sens mal, que j’ai des vertiges. Elles m’emmènent à ma chambre. Je n’ai pas la force de rester debout pour parvenir jusqu’à celle-ci. Je n’en peux plus, je ne vois plus rien, je ne peux plus tenir debout. Je m’écroule dans les couloirs, je m’évanouis. Les infirmières me retiennent. Me prennent par le bras. Je suis inconsciente, je m’écroule à plusieurs reprises.
Elles parviennent avec difficulté jusqu’à la chambre et me posent sur le lit. Je reste ainsi inconsciente durant plus de deux heures. Je ne me sens mieux (entendez mieux que pour « physiquement ») uniquement lorsque je suis allongée. Si j’essaie de me lever, ne serait-ce que pour aller aux toilettes, mes vertiges reprennent. J’ai essayé, mais je n’ai pas tenu, je me suis écroulée au pied du lit. Pourquoi m’ont-ils drogué ainsi, ces enfoirés. Comment sortir de cet enfer ? Je ne peux même plus penser, je n’ai plus aucune liberté, ils m’ont enfermée, droguée, comme un cobaye de laboratoire.
Je ne peux pas marcher, je ne peux donc pas aller prendre mon repas avec les autres. L’infirmière m’apporte mon plateau sur le lit. Mais je ne peux pas manger. Même si je lève la tête pour en attraper ne serait-ce qu’une bouchée, ma tête tourne et les vertiges reprennent.
Il me faudra attendre plus de trois heures pour que ces horribles effets s’évaporent. Ayant repris mes esprits, je constate que je ne suis pas seule dans ma chambre. Sur le lit d’en face, il y a une fille. Elle est noire, elle parait avoir trente ans. Elle ne parle pas français. Elle est bizarre. Elle me dit de manger. Je n’ai pas faim. Je n’ai plus le goût. Comment pourrait-on avoir goût à quelque chose, quand on se retrouve enfermée ainsi ? Mais si je ne mange pas, ils ne me laisseront pas sortir. Pourtant, je ne suis pas ici pour anorexie, mon poids est dans la norme. Mais ils s’en fichent. Alors, je mange. Par chance, le riz est assez bon. La pomme aussi. Mais avaler ces aliments m’est d’une extrême difficulté. Dans ce genre de situations, on peut même parvenir à haïr ce que l’on adorait, tant l’on est révoltée. J’appelle une amie. Elle aussi a été internée il y a quelques semaines. Je pense à elle. Je vis le même cauchemar qu’elle. Elle est restée trois semaines à l’hôpital et trois jours attachée sur un lit par des sangles. Elle devait faire ses besoins dans un seau. Comment a-t-elle pu supporter une telle torture ? Elle aussi, je la trouve infiniment courageuse. Mais moi, je n’ai pas son courage, ni celui de Solenn. Je ne tiendrai pas, je ne peux pas. Je n’en peux plus.
Elle me dit qu’elle est en Corse avec sa famille. Quelle chance inouïe. Quand on se retrouve enfermée comme je le suis, on se rend compte que le fait de pouvoir être dehors, avec sa famille, est un bonheur extrême. Je voudrais être à sa place.
Mais non. Ma famille est loin. Il n’y a personne. Personne, je suis seule. Elle m’affirme qu’il faut que je me plie à leurs règles si je veux sortir de là. Que c’est ma seule chance. Malheureusement, je le sais. Plus on se révolte, plus ils nous droguent et plus ils nous gardent de force. Je pleure au téléphone. Mais elle ne peut rien faire. C’est terrible.
Je supplie le ciel pour qu’on me sorte de là. Je demande même de l’aide à des personnes décédées. Qui sait, elles auront peut-être plus de pouvoir pour me sortir de là que les personnes vivantes ! (je crois en une vie après la mort).
Mais c’est vraiment ridicule. La nuit est longue, très longue. Je n’ai même pas retiré mes vêtements pour dormir : ce simple geste m’angoissait. Être en pyjama dans un lit d’hôpital, quelle horreur. Ici, au moins, ils ne nous forcent pas au port du pyjama bleu, comme c’est le cas à l’hôpital St Anne. Mais ça ne change rien au calvaire que je vis, ça n’enlève pas le fait que cet endroit est terrifiant.

Mardi 25 décembre 2012 :

C’est Noël. Le pire de toute ma vie. À 8h, j’entends une voix de vieille femme crier : « Les petits-déjeuners ! »
Au secours, sortez-moi de là. Je veux être chez moi. Avec ma famille. Je ne veux pas prendre leurs sales petits-déjeuners pourris, je veux prendre le mien, le vrai. Je me lève. Je vais dans la salle où les repas sont servis. Ils me servent du chocolat chaud dans un bol. Il est dégoûtant, mais je dois le boire. Je dois aussi manger leurs tartines de beurre dégueulasses, s’ils veulent que je sorte. J’ai envie de vomir, mais c’est le seul moyen de sortir de leur cage.
Ce matin-là, je me rends compte que les autres patients sont tous trois fois plus âgés que moi. Ils ont entre vingt-cinq et quatre-vingt-dix ans. Moi, je ne suis qu’une petite fille par rapport à eux.
Mettre l’âge adulte à dix-huit ans, c’est du grand n’importe quoi. J’entends un patient dire : « Elle est trop jeune pour être ici, la pauvre. »
Un des rares patients lucides. J’ai remarqué que tous les autres ont l’air d’avoir des pathologies bien plus lourdes que la mienne. Au-dehors, il y a un handicapé en fauteuil roulant. Il bave. Il tourne des yeux. Il pousse des gémissements. C’est horrible, je ne peux même pas le voir, ils m’ont mis chez les fous…
L’infirmière rétorque au patient : « Jeune ou pas jeune, on ne choisit pas d’être malade ».
J’ai envie de la frapper. Je ne suis pas malade. Je suis juste malheureuse. Je souffre de dépendance affective. Une pathologie qui vient d’une carence affective durant l’enfance. J’ai besoin d’amour et d’affection. Mais dans un hôpital psychiatrique, il n’y en a pas. Il n’y a que le contraire.
Peut-être que la chose la plus atroce est celle d’être impuissante face à toutes ces horreurs. Nous sommes enfermées, mais nous ne pouvons rien faire. Les psychiatres ont le pouvoir, ils peuvent faire de nous ce que bon leur semble. Nous attacher, nous droguer, nous enfermer dans des chambres d’isolements, et j’en passe.

Dans le service, il n’y a qu’une seule jeune fille qui a mon âge. Elle a dix-sept ans. Mais elle va être transférée dans le service des adolescents dès demain. Moi, j’ai dix-huit ans, je reste ici. Remarque, je n’ai pas non plus envie de retourner dans le service des adolescents : j’y ai été hospitalisée il y a quatre ans, et je n’en garde pas de bons souvenirs.
Mais… mais, n’y a-t-il rien de pire qu’ici ?
Cette jeune fille pleure. Elle s’effondre, à table. Elle dit que si elle reste ici, elle va devenir folle. Je la comprends tellement. Elle insulte l’infirmière. Plus tard, celle-ci dira à l’une de ses collègues : « Ces deux filles-là, elles ont quasiment le même âge. Elle, elle m’insulte, elle me dit « ta gueule », alors qu’elle, elle est très polie ».

Parce que tu crois vraiment que tes méthodes me plaisent, conasse ? Tu crois que ça me plait d’être enfermée ici ? J’ai beau ne pas t’insulter de vive voix, je n’en pense pas moins. Je suis exactement comme cette jeune fille qui t’insulte, sauf que je ne dévoile pas mes pensées. J’ai énormément de force pour ne pas me révolter et hurler. Moi-même, je ne sais pas comment je fais. Mais je sais que c’est la seule solution. Si je dis quoi que ce soit, ce sera peut-être l’injection de force ou la chambre d’isolement. Il vaut mieux se taire, et penser en silence. La pensée est dorénavant la seule chose où je peux être libre. Je peux traiter ces enfoirés de tous les noms dans ma tête, ils ne pourront pas m’enfermer ou me droguer pour ça.
Ils me donnent encore un verre de médicaments. Je demande à l’infirmière ce que c’est. Elle me répond: « c’est du Tercian, ça va vous apaiser ».
Oh non ! La même chose qu’hier ! Tout va recommencer, les vertiges, les malaises, etc. Au secours !
Mais je n’ai pas le choix. Il faut que j’avale ces drogues psychiatriques légales. Ces drogues qui détruisent, qui assomment, qui provoquent des malaises. De toute façon, si je ne les avale pas, ils me l’injecteront de force. Dans les fesses. Je l’avale d’une traite. Aussi affreux que cela puisse être, je dois me plier aux règles. Oui, ils appellent mes horribles malaises de l’apaisement…

Je passe la matinée à ne rien faire. Je suis enfermée entre des murs. Comme dans une prison. Quel crime ai-je donc commis ?
Les effets des cachets se font vite ressentir. C’est l’heure d’aller manger, mais ça recommence, je ne tiens plus debout. J’ai d’horribles vertiges.
Au self, je manque de peu de m’écrouler dans les aliments dégueulasses. On doit me ramener à ma chambre. Même cauchemar qu’hier : les infirmières me tiennent par la main, j’ai des vertiges insoutenables, je dois rester sur mon lit.
Je n’en peux plus. Au secours, sortez-moi de là !! J’ai tellement mal. Tellement peur. C’est la première fois de ma vie que je fais des malaises aussi terribles. Je les ai entendus, elles ont osé dire que ces pertes d’inconsciences étaient dues au fait que je ne mangeais pas assez. Elles le font exprès. J’ai déjà jeûné plus de deux jours, sans avoir le moindre malaise. Et aujourd’hui, en plus, j’ai mangé. J’ai entendu dire qu’ils m’avaient donné cinquante gouttes de ce poison… Cinquante, oui, je ne plaisante pas. Les fous, ce sont eux. Ils sont complètement cinglés.

Je dois encore attendre plus de trois heures, écroulée sur mon lit, pour que les vertiges qui m’empêchent de marcher cessent. J’attends la visite de ma famille. Mes parents, ma sœur. C’est la seule et unique chose qui me permet encore de tenir. Je n’ose imaginer ce que doivent endurer ceux à qui l’on interdit tout contact familial. S’ils se suicident une fois dehors, ce n’est pas étonnant. Il vaut mieux mourir plutôt que de subir un tel calvaire.
L’après-midi, mes parents et ma sœur viennent me rendre visite. Dans ma chambre. Je pleure dans les bras de ma sœur. Je dis que je veux sortir. Mais que peuvent-ils y faire ?
Non, je n’ai même pas été hospitalisée à la demande d’un tiers, ce qu’a prétendu la psychiatre est faux. J’ai été hospitalisée d’office. Personne n’a rien demandé à ma famille. Ils m’ont embarqué et m’ont enfermée sans ne rien demander à personne.
Mes parents sont très malheureux de me voir dans cet asile de fous. Mon père m’affirme que même dans les prisons, les détenus sont mieux traités, car ils ont une terrasse. Ils peuvent sortir. Ici, on ne peut pas.
Ma mère me dit que je n’ai rien à faire et que je dois m’ennuyer. Non, je n’ai pas le temps de m’ennuyer, je passe mon temps à souffrir. Je ne m’ennuie pas, je me demande juste sans arrêt quel est le meilleur moyen pour me suicider, puisque c’est la seule façon de m’enfuir. Je préfère mourir plutôt que de rester là. Depuis que je suis dans cet asile, je vais de plus en plus mal. Je n’ai rien à faire ici, je ne suis pas folle. J’ai déjà atrocement mal parce que la personne que j’aime m’a rejetée. Au lieu de m’aider, on me rajoute de la souffrance.
Je suis dépendante affective, je suis obsédée par elle. Je pense à elle nuit et jour. En m’enfermant vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sans aucune activité, mes pensées obsessionnelles ne peuvent que s’accroître. Ma pathologie ne peut que s’amplifier.
Pour m’aider, il faudrait au contraire que je me change les idées. Que je fasse des activités. Que je sois dans une atmosphère chaleureuse. Dans un lieu qui redonne goût à la vie.
Mais non, c’est le contraire. Plus on va mal, plus les psychiatres nous font mal.
Pour les jeunes filles anorexiques contraintes à l’isolement, c’est la même chose : elles qui sont déjà obsédées par leur poids, leur obsession ne cesse d’augmenter. Elles ne peuvent penser à rien d’autre. Une foie sorties, même si elles ont repris du poids, elles rechutent d’ailleurs toutes très rapidement, car l’anorexie est avant tout une maladie de l’âme.
Solenn en est un bel exemple. Elle s’est suicidée. Peut-être que si on l’avait aidée, elle serait toujours en vie, qui sait ?
Son suicide aura au moins permis d’ouvrir une maison des adolescents où l’isolement a été banni. Merci Solenn. Malheureusement, il existe encore énormément d’hôpitaux psychiatriques pratiquant des méthodes barbares.
On a besoin d’aide, d’affection, de soutien, d’amour et de réconfort. Mais on ne nous donne que le contraire : enfermement, contention, camisole chimique, isolement, etc. Électrochocs dans certains cas.
Et on ne peut rien faire. On subit.

Ma mère m’a apporté des magazines et des livres. Pour m’occuper. Mais je m’en fiche. Je n’ai pas la force de lire. Je ne veux pas lire, je veux juste sortir de là. Comment pourrais-je lire alors que je suis enfermée ? Ce n’est pas possible.
Il est 18 h, mes parents doivent partir. Je me retrouve à nouveau seule, je voudrais qu’ils restent avec moi. J’essaie d’aller regarder la télévision. Il n’y a que ça : une salle télé. Mais il n’y a rien. Et même s’il y avait quelque chose qui me plaisait, je n’aurais pas la force de regarder. Je veux sortir, juste sortir !
J’erre dans les sombres couloirs de l’hôpital psychiatrique. Je croise le regard des autres patients, du handicapé qui bave. J’ai envie de vomir. Une vieille femme arrive. Je ne comprends rien à ce qu’elle me raconte. La jeune fille, celle de dix-sept ans, me dit qu’elle veut que je lui enlève ses vêtements. Je suis vraiment dans un asile de tarés.
Cette fille, elle s’en va. Elle va dans le service des adolescents. Je reste un peu avec elle avant son départ. Elle est la seule jeune fille de mon âge. Même si nous ne sommes pas amies, je n’ai pas envie qu’elle s’en aille. Je vais véritablement me retrouver seule !
Mais je ne peux rien faire. Je veux mourir. J’ai envie de me tuer en laissant une lettre :

« J’ai un terrible mal de vivre et au lieu de m’aider, on m’enferme et on m’administre des drogues qui me donnent des malaises. Personne ne supporterait de vivre un tel calvaire. Le suicide est la seconde cause de mortalité chez les jeunes. Si vous aidiez réellement les personnes en mal de vivre au lieu de les traiter d’une façon aussi barbare, ce nombre pourrait grandement diminuer. Je refuse d’être la cible de vos tests, je me refuse à servir de cobaye de laboratoire. Je suis une personne, j’ai des sentiments. Mon corps m’appartient, vous ne pouvez pas choisir son destin. Je suis soulagée, car j’ai libéré mon âme et fuie tous les hôpitaux psychiatriques. Vous ne pouvez plus me torturer. »

Ce serait tellement bien s’ils découvraient cette lettre aux côtés de mon corps inerte. Mais il faudrait d’abord que je trouve un moyen de me suicider. Ma mère m’a apporté le chargeur de mon téléphone portable. Si je touche la prise pendant que je le branche, peut-être m’électrocuterais-je ? Mais cela doit faire très mal ! J’ai un peu peur. Je ne veux pas souffrir. Je veux arrêter de souffrir !

C’est le soir. Au menu, il y a des épinards à la crème et des nuggets. Je ne mange pas de viande, je suis végétarienne. J’essaie d’avaler les épinards à la crème. Ils sont absolument infects. Je vais vomir ! Que faire ?
L’infirmière ose me dire que si je ne mange pas, on ne me laissera pas sortir. Je ne suis pourtant pas anorexique. Les nuggets, j’adorais ça au goût. Actuellement, ils me donnent encore envie. Mais j’ai renoncé à manger des animaux après avoir regardé un documentaire totalement bouleversant, intitulé « Earthlings ».
Malheureusement, si je veux sortir de cet enfer, il va falloir que je me contraigne à avaler cet animal mort, sûrement tué dans d’atroces souffrances. Je mange. Et je culpabilise.
Je vais de plus en plus mal.
La nuit est encore extrêmement longue. J’arrive à peine à dormir. Je me tortille dans tous les sens. Je suis terrifiée. L’angoisse m’envahit. Je veux sortir ! Au secours !
Que quelqu’un vienne me tuer, ça vaudra mieux ainsi.


Mercredi 26 décembre 2012 :

Journée semblable aux autres. Atroce douleur.
Le matin, ils ne peuvent même plus me servir de chocolat dans un bol. Mais dans un verre. Les bols sont tous sales. Déjà que leur chocolat est immonde, mais il faut en plus le boire dans un verre.
Dans l’après-midi, je peux voir mon médecin. Il m’annonce que c’est mon père qui a voulu m’hospitaliser. Pardon ?
Je lui demande quand vais-je pouvoir sortir. Il me répond qu’il ne sait pas. Que cela ne dépend que de moi. Je traduis : « vous ne sortirez que si vous vous pliez aux règles, si vous souriez, si vous allez bien ».
Pour sortir, il faut faire semblant d’aller bien. Plus on exprime ses souffrances, plus on risque de rester longtemps. Et de devenir réellement fou. Alors, je me cache pour pleurer. Parfois, je n’arrive même plus à verser de larmes. Mon visage est sec. Mais mon corps et mon âme ne sont que souffrances. Avant d’être enfermée dans cet asile, je m’étais mutilée sur les bras. Et sur le visage. Ils l’ont vu. Quelle conne je suis. S’ils voient ça, ils ne vont pas me laisser sortir.
Seule chose positive : il me retire le poison m’ayant donné des malaises et m’affirme que le but n’est pas de me droguer. À la place, il me prescrit un antidépresseur et un anxiolytique.
Le jour de l’an approche. Je lui demande si je pourrais le passer chez moi. Il me répond que cela risque d’être difficile. Et j’ai envie de m’effondrer. Je n’en peux plus d’être enfermée. Trois jours, et je n’en peux plus. Comment font ceux qui tiennent plusieurs mois ? J’admire leur courage.
Il voit mon portable. Malheur ! Il me retire la seule et unique chose qui pouvait encore me procurer ne serait-ce qu’un tout petit peu de joie.
« Elle est hospitalisée sous contraintes, elle n’a pas le droit ».
Je n’en peux plus. Cet après-midi-là, mes parents reviennent me voir. Mon cousin aussi. Quand j’annonce à mon père que le médecin m’a dit que c’est lui qui a voulu me faire hospitaliser, mon père reste outré. Tout le monde m’affirme le contraire : personne n’a jamais voulu m’enfermer dans cet asile. Ils veulent tout faire pour que j’en sorte, oui. Ils savent que si j’y reste, je risque de devenir réellement folle. Il parait que mes parents sont très mal. Ma mère me dit que mon père pleure tous les soirs et qu’il ne supporte pas de me voir enfermée dans un endroit aussi barbare. Il va s’entretenir avec le médecin.
Et moi, j’attends. Je souffre.
Il faut que j’aille prendre ma douche. Mes cheveux sont gras. Dans la salle de bains, il n’y a même pas de cabine de douche. L’eau coule comme ça, sans cabine. C’est horrifiant. La seule chose qui me fait du bien, c’est l’eau chaude. Je pourrais y rester des heures. Ma souffrance est si grande que j’arrive à peine à me laver. Le fait d’être enfermée est une douleur abominable dont personne ne peut avoir idée. Seuls ceux qui l’ont vécu peuvent comprendre. Une douleur si intense que le moindre geste est une angoisse. Mettre du shampooing sur ma tête, un geste pourtant très courant est très simple, est devenu une angoisse.
Je ne peux même plus décrire ce que je ressens. Tout est toujours pareil. Dans cet asile de fous, ma souffrance a atteint son paroxysme.




Jeudi 27 décembre 2012 :


Comme chaque jour, ma souffrance est terrible. Je ne supporte plus cet enfermement. Je ne pense plus qu’au suicide.
Mes parents reviennent. Mon père m’annonce qu’il a pu s’entretenir avec le médecin. Il est parvenu à le convaincre de me laisser sortir vendredi matin. Il parait que ce médecin a reconnu qu’ici, ce n’était pas un endroit pour moi. Mon père me met néanmoins en garde. Il me fait peur. Il m’annonce qu’il a réussi à pouvoir me faire sortir, mais que la prochaine fois, il ne pourrait pas. Je suis majeure, alors il n’a plus aucun pouvoir. S’il y a récidive, ce sera au juge d’en décider. Mon père me parle d’internement à vie. Est-ce qu’il me dit ça pour me faire peur ? Parce que si c’est le cas, ça marche. J’ai peur. Très peur.
Je vais mal. Au lieu de m’aider, on me terrorise et on m’enfonce dans ce terrible mal de vivre.


Vendredi 28 décembre 2012 :


L’infirmière vient me voir et me propose d’aller regarder un film dans un autre service de l'hôpital. Est-ce vrai ? C’est la première fois que je vais pouvoir sortir depuis deux jours. J’accepte. Je peux enfin respirer l’air frais, cela fait un bien fou. Mais je me sens encore tellement mal. Un mal indescriptible.
Le film est triste. Je ne me souviens plus du titre, cela parle d’une jeune danseuse qui a perdu sa mère. J’ai la phobie du deuil, j’ai sans cesse peur de perdre des êtres chers. Regarder un film pareil n’arrange rien.

Lorsque les lumières se rallument, un jeune homme noir me regarde. Il me fixe. Je me demande : « que me veut-il ? » !
Il me dit : « T’es grave belle. T’es super mignonne ! »
Je suis sous le choc. Personne ne m’avait encore fait de tels compliments. Au contraire : petite, j’étais une souffre-douleur.
« Dommage que je t’ai rencontré à l’hôpital, sinon je t’aurais dragué ! T’as quel âge ? »
« Dix-huit ans ».
Il semble choqué. Il me croyait plus âgé. Logique, je suis dans le service des adultes. Les adultes n’ont généralement pas dix-huit ans… Moi, je suis une adolescente.
C’est bizarre qu’il m’ait cru plus âgée. D’habitude, les gens me donnent trois ans de moins que mon âge. Bref, je m’en fiche.
Maintenant, il faut retourner dans l’asile de fous !
Heureusement, c’est mon jour de sortie. Je vais quitter ces horribles murs. Mais le médecin m’a laissé sortir sous contraintes. Je dois aller voir une psychiatre, et prendre mon traitement. Il m’annonce : « j’espère que ce séjour vous a servi de leçon ».
C’est bien ce que je pensais. Aller mal est un crime ! D’habitude, on dit ce genre de phrases à un môme qui fait une connerie. Il m’affirme que si je récidive, je passerai plus d’un mois dans cet asile de fous. Merci du soutien ! "




J'en ferai peut-être un livre.
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terrefroide
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Le 7 mai 2010 à 2 ARTE : "Sainte-Anne, hôpital psychiatrique

Message par terrefroide »

Oiseau de pluie, je crois pour les soins sous contraintes en ambulatoire la loi va peut être être revue. Tu devrais aller voir un psy en libéral spécialisé dans l'adolescence et le jeune adulte. Les prescriptions ne sont pas les mêmes et il me semble qu'il ne faut pas prescrire n'importe quel antidépresseur aux adolescents ainsi qu'aux enfants (effets secondaires comme les ts etc). Ce qui est sûr ce que cet HP mérite un procès pour maltraitance. Moi si j'avais vu cela cela n'aurait pas fait un plis ! Il faut maintenant essayer de te reconstruire avec l'aide des tiens et d'un psy que tu auras choisi et avec lequel tu te sentiras en confiance. C'est bien pour cela qu'il ne faut pas aller ni en consultation à l'hp ni en CMP car là bas tu ne choisis rien, et pour le coup tu tombes un incompétent. Dans le libéral, si il te convient pas et bien tu changes et basta. Pour mon père, que j'ai fait soigner dans ma région quand durant son hospitalisation il me disait qu'il n'avait pas vu de psy au bout de deux jours et bien moi je suis allé le trouver le psy et je peux te dire que les entretiens ont eu lieu. Je n'aurais pas toléré les 1/10ème de ce que je viens de lire. Moi il m'avait sur le dos tous les après midi lorsque je rendais visite à mon père et ma première question était : comme cela ce passe et si ils étaient sympas avec lui. Puis j'allais faire le point au bureau des infirmiers. J'ai obtenu des sorties accompagnées au center commercial (c'était moi qui l'accompagné). C'était pas facile parfois car il avait encore des symptômes de de paranoïa mais bon!!!!. C'est pas en enfermant les gens que les choses s'arrangent. Il faut les faire soigner certes mais pas n'importe où et pas n'importe comment. Dans tous les cas, j'espère que ce service n'existe plus !!!!
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Oiseau-de-Pluie
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Le 7 mai 2010 à 2 ARTE : "Sainte-Anne, hôpital psychiatrique

Message par Oiseau-de-Pluie »

Merci de me comprendre !

Je vois une sophrologue/hypnothérapeute, je m'entends très bien avec elle. Elle est très gentille. Le seul hic, c'est que c'est cher et pas remboursé, mais le plus important, c'est de se sentir en confiance, comme tu dis...

Malheureusement, ce service existe encore :'( (j'ai posté le reportage plus haut... et il doit en exister d'autres comme ça :/ )
Et je vis dans une angoisse permanente... :/

Puisqu'ils m'ont laissé sortir sous contraintes de l'hôpital psychiatrique (prendre le traitement et aller voir une psychiatre au CMP), j'y suis allée deux fois. Mais... Celle-ci travaille pour cet asile de dingues où ils m'ont enfermé. Elle a osé me dire : "ils vous ont laissé sortir contre avis médical, on a pas eu le temps de vous soigner."
De me soigner ?! Pas eu le temps de me rendre folle, oui. Si j'étais restée plus longtemps, je serai devenue folle ! Cette psychiatre, je ne peux même plus la voir en peinture ! Le simple fait d'aller la voir me rappelle l'enfer de mon internement. Du coup, j'y suis allée deux fois et après j'ai arrêté...
Mais s'ils m'ont laissé sortir sous contraintes, peuvent-ils m'interner à nouveau car je ne vais pas la voir ?! Je suis morte de trouille, mais je ne peux pas la voir... ma sophrologue (bien plus gentille) me suffit amplement...

Mais je crois que toute ma vie, j'aurai cette affreuse peur...
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ti-caribou
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Le 7 mai 2010 à 2 ARTE : "Sainte-Anne, hôpital psychiatrique

Message par ti-caribou »

oiseau de pluie, j'ai vécu la "meme" chose et j'ai essayé de lire ce que tu avais ecris.
cela m'a beaucoup touché, secouée, et je n'ai pu finir la lecture.
je m'en excuse, parce que je voudrais que tout le mnde sache ce qu'on ressent.
tu decris un vécu que j'ai eprouve et qui me hante.
excuse moi je suis sous le choc, mais s'il te plait fais attention a toi, ne leur donne plus les moyens de te faire souffrir
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Oiseau-de-Pluie
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Le 7 mai 2010 à 2 ARTE : "Sainte-Anne, hôpital psychiatrique

Message par Oiseau-de-Pluie »

Je comprends que tu n'ais pas pu finir. Moi-même, j'ai eu du mal à écrire tout ça, ça m'a replongé dans ces horribles souvenirs. Mais il fallait que je l'écrive, pour me soulager. Comme j'adore écrire, j'envisage d'en faire un livre. Une autobiographie. Ce sera une sorte de thérapie.

Je fais attention, mais je suis toujours morte d'angoisse. Parce que je n'ai aucun pouvoir. Ce sont eux les plus forts, ils peuvent nous interner comme bon leur semble...
Je suis désolée que tu aies vécu la même chose :(
Si tu veux en parler, n'hésite pas.
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chillina
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Le 7 mai 2010 à 2 ARTE : "Sainte-Anne, hôpital psychiatrique

Message par chillina »

Mais quelle horreur.
Et en plus tu dois vivre sous la menace d'y retourner si tu ne comportes pas comme "une gentille fille", c'est infâme, vraiment horrible.
Je comprend ton traumatisme.
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Oiseau-de-Pluie
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Le 7 mai 2010 à 2 ARTE : "Sainte-Anne, hôpital psychiatrique

Message par Oiseau-de-Pluie »

Oui, c'est horrible :'(
Je pleure en y repensant.

Même une personne qui va très bien deviendrait folle ou très déprimée si elle était contrainte à rester dans un endroit pareil. Alors pour une personne qui va déjà mal !!
Mon cousin m'a dit qu'il ne supporterait même pas d'y travailler, que les lieux étaient déprimants, horribles...

Et moi, je me demande comment les psychiatres et les infirmières font pour faire ce boulot. N'ont-ils pas honte d'enfermer et de droguer une adolescente en souffrance ?
Non, ils s'en fichent complètement !

Beaucoup de personnes croient que toutes ces méthodes datent du Moyen-âge. Pourtant, elles sont bel et bien toujours d'actualité :'(

Merci pour ton soutien, ça me fait du bien.

Tiré du site MACSF

---> "- L'hospitalisation d'office qui s'applique aux cas de force majeure pour des malades dont les troubles mentaux remettent en cause l'ordre public ou la sûreté des personnes."


J'ai été hospitalisée d'office. Pourtant, je n'ai jamais fait de mal à personne, je ne ferai pas même de mal à une fourmi. Je ne trouble pas l'ordre public. Je n'avais même pas fait de tentative de suicide. Ils m'ont embarqué de force et hospitalisée d'office, parce que j'avais écrit "je veux mourir" sur un forum et qu'un internaute les avait prévenu. C'est tout. Peut-être était-ce aussi car le vendredi précédent, je m'étais déjà retrouvée à l'hôpital après avoir avalé vingt-deux comprimés de xanax...
Mais ce n'est même pas une raison suffisante pour moi.

On peut vraiment enfermer n'importe qui et n'importe comment !
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