Anachroniques des Pénates et des Lares, extraits.

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Sthéno
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Anachroniques des Pénates et des Lares, extraits.

Message par Sthéno »

Je vis pour ces livres.
Oui parce qu'il s'agit bien de plusieurs volumes que j'entasse en notes désordonnées.
Voici un premier extrait.

"Le sein obscur que je tends à la mort pour la nourrir. Je m'apprête à franchir la limite du nommable. Là où je veux aller, les mots n'ont plus de sens, seuls les gestes comptent. Qu'est le geste d'écrire? Celui de transfigurer la mort avec la poussière de vie.

Nous sommes tous mariés à notre propre cadavre, chaque bouchée est une bouchée cannibale; nous mangeons ce qui fut nous, nôtre, notre pensée. Ce qui il y a un instant encore était plein de vie et dont nous avons le souvenir nous l'ingérons, de l'épi de blé au garenne qui court.

J'ai compris ce qu'était la mort le jour où j'ai commencé à palper la vie. Je danse entre l'une et l'autre, dans un seul but; chanceler sans choir. Je veux ce no man's land des existants et des mourants.
Je veux qu'on lise dans mes yeux la lueur de l'enfant naissant et celle du vieillard agonisant. Je veux être l'infante enfance. La femme à tête de femme. Je veux engendrer le cri inhumain.

Lorsque la mort aura bu, elle éructera. Ce rot sera l'écho du non langage; il couvrira ma fuite, il dissimulera ma folie bestiale et violente.
Vivre comme si je ne faisais plus partie des mortels, tel que le font les dieux infinis. Emmagasiner pour restituer indéfiniment. La sagesse, enseignée par la folie. Le savoir dirigé par la passion.

À l'instant où je la nomme, la chose meurt. Lorsque j'écris le mot, il expire en pensée, car le mot suivant prends sa place. Je vis dans l'angle du monde, celui des lecteurs, et celui des écrivains. Je ne suis que le continuant. Tout ce que je dis fut sans aucun doute déjà formulé par d'autres. Je suis mensonge car je ne suis que mythe, conte, et roman. La gorgone au regard sidérant, au regard gelant, l'emprise de mon désir sur le monde y est comparable. Telle la cornée luisante des volontés d'une gorgone je pétrifie tout ce que je désire posséder. Je le fige dans une éternité atemporelle, le Perdu.

Le Perdu n'est pas étanche, il arrive que les statues s'animent dans l'esprit, il arrive que les pierres parlent. La Perte n'est que le procédé qui permet aux choses de se figer dans le temps. Le souvenir d'une créature aimée reste dans les yeux intact et indélébile, il ne se déforme plus. C'est le premier Perdu, la perte du confort utérin, de la bulle fœtale; qui fait que le manque est figé dans le temps.

Le manque est défaillance. Il est chute. L'origine manquante choit dans le devenir. C'est ainsi que les vies se perpétuent, durent et s'éteignent. "
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BenJsaisPas
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Anachroniques des Pénates et des Lares, extraits.

Message par BenJsaisPas »

Je ne sais quoi répondre pour l'instant, ça à l'air de me plaire mais en même temps je sens que c'est le genre de littérature que je ne devrais pas lire... (comme Édouard Levé, Fantaisie Littéraire, Frère Animal etc...)

Sinon, moi qui aime les nouveaux mots, j'ai de quoi m'amuser pour les prochaines heures/jours à venir :rotfl:

gorgone ; le Perdu ;

En fait il n'y en pas tant que ça, je confondais avec ce que tu as écrit dans ta galerie, alors je n'en parlerais pas ici :wink2:
BenJsaisPas vous remercie de faire vivre mon salon

Ma galerie MAJ le 29-12-2013

Est t on ce qu'on hait... Ou
Hait t on ce qu'on est...
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Sthéno
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Anachroniques des Pénates et des Lares, extraits.

Message par Sthéno »

Et encore celui là est plutôt accessible... J'ai fait bien pire :rire1:
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Coâld Mâhl
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Anachroniques des Pénates et des Lares, extraits.

Message par Coâld Mâhl »

Tu as une belle plume. C'en est presque déconcertant de lucidité.

J'écris un peu aussi, mais je n'ai pas cette certitude qui émane de tes mots. On sent que tu as vécu beaucoup de choses, et surtout que tu y penses sans arrêt (peut-être trop), que tu t'es forgé ta propre vision de ta vie en prenant le recul et le temps qu'il faut pour y parvenir, sans forcément le vouloir.

Le style est très efficace, les images fonctionnent et retranscrivent très bien de vrais sentiments. Je sais comme il peut être difficile de trouver les mots pour exprimer un ressenti, mais ici ça marche.
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Sthéno
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Message par Sthéno »

Merci. Cela me touche.
J'écris viscéralement. Il n'y a pas de recherche, réelle, je n'efface presque jamais pour corriger quelque chose en fait.
Je pense au passé, oui, toujours, j'y suis enchaînée, je n'arrive pas à basculer pour m'enfuir.
J'avais écrit un petit quelque chose qui s’appelait Nécrogamie en Février. Mais pour comprendre certains pans de ma vie, il vaut mieux lire Le Sourire des Mânes, mon roman, et aussi Nervz, ce dernier est une sorte d'O.V.N.I littéraire, fait de contes noirs. Si cela t’intéresse, les voici. Pour Nervz je n'ai mis que le début.
Je dessine et peint aussi lorsque je ne parviens pas à écrire.


Necrogamie :
"La trachée tronquée. Le corps sec. Le sein métallique et incurvé. Les mains inextricablement serrées. Le sexe muet. La bouche mordue. Tu séjournais dans l'été des oubliés.
Moi j'étais en hiver. La poignante morsure du gel matinal.
Tu avais le visage comme la peau d'un fruit pourri. Liquide, et abrasé par endroit.
Je t'avais déterré, un soir que la lune brillait fort. Je m'étais assise sur tes cuisses filées comme des collants de soie. Je portais cette robe grise que nous avions choisis ensemble ce jour de Mai si particulier. Je me dévêtis. Mon sein se heurta à ton corps craquelé. Je pris ta main délicatement et la fit courir sur les nervures de corail rouge qui couvraient mes hanches et mon ventre enceint. Je glissais la bague à l'autre main sur l'annulaire gauche, je fis de même pour moi. J'embrassais ta bouche avec délicatesse. Les gaz de ton corps me brûlaient les lèvres. Nous disparurent dans la nuit du monde. "

Nervz:

Introduction
"Le corps éventré aphone, l'enfant de l'homme se réveille dans sa tombe. Sa peau est hiver son regard automne. Ses mains n'ont plus la majesté d'autre fois, nécroses. Son visage n'est pas épargné.
Il revient rampant en silence vers la lumière... Il revient écrire une autre page sanglante. Il revient répandre les larmes de Nervia.

Nervia est l'enfant-Vie, il est l'enfant-Mort. Son corps serpente entre les siècles il appelle la nuit à revenir sur le monde. Il hurle la peine, il souffle la rage, il expire la haine.

Nervz n'a plus d'espoir depuis longtemps, il n'existe plus, il a vécu à peine deux ans, au sein d'un groupe où il était bassiste. Il a cessé d'exister au profit de cet autre, sans nécroses et sans tâches qui séjourne parmi les vivants dans l'énergie.
Nervz le vit bien. Il s'en fou, c'est un cadavre vivant.

Voici les contes de Nervz, zombie aphone, erreur de la créativité d'une pauvre âme qui s'enchaîne à ses souvenirs. "

Commencement

"Nervz autrefois fut aimé de Nervia, cette dernière avait pour lui un amour ductile et tenace qu'il n'éprouvait pas. Avec tendresse il voulu lui faire comprendre que non, cela lui était impossible. Mais elle s'obstina.

Un jour alors qu'il était à cheval sur son toit à admirer les étoiles, Nervz fut surpris par le vol délicat et doux d'une chouette, elle se posa devant lui, et le contempla longuement de ses grands yeux d'or. Il resta un moment à la regarder en silence. L'effraie ne le fuyait nullement, elle s'approcha de lui. Il étendit sa main, qu'elle pinça dans son bec doucement et affectueusement, il se mit à caresser le plumage de l'oiseau. Elle se blotti contre lui tendrement. Le silence de leurs caresses résonna dans la nuit.
"-La vie est faite d'apparences mon ami..."
Nervz recula. La chouette avait parlé d'une voix aiguë.
"- N'aie crainte je ne suis que ton épouse...
- Je n'ai pas d'épouse. Je n'en désire pas...
- Est ce là dire que tu ne seras jamais à moi..?
Nervia avait quitté la forme du rapace et se tenait désormais penchée sur Nervz.
- Va t'en ! laisse moi ! Il n'y aura jamais rien entre nous t'ai je dis...
- Jamais rien de rien..?
Dit elle en soupirant.
- Non jamais rien.
- Fort bien."
Nervia redevint une effraie, et disparut dans la nuit.
Son corps pleura tout ce qui resta de temps jusqu'à l'aurore. Elle invoqua la terre, le ciel et la mer dans ses pleurs, elle ourdit contre lui une lourde malédiction, elle se battit le torse, s'arracha les cheveux, elle dansa avec les astres durant des mois, les suppliant de la venger avec toute leur puissance. Les jours et les nuits passèrent. Lorsque Nervia eut accomplit tous les rites qu'elle avait connu, Nervz fut pris d'une violente fièvre douloureuse. Aussitôt Nervia se rendit à l'hôpital au chevet de son aimé.
" - Nervz, je sais tes souffrances, je les dessine et je les peint jour et nuit. Je peux les arrêter. Donne moi en gages ton amour et je te libérerai de cette fièvre contre laquelle la médecine ne peut rien."
D'une voix faible et roque Nervz répondit avec colère qu'il s'y refusait, qu'il voulait qu'elle s'en aille et qu'elle ne revienne plus jamais.
Nervia de désespoir voulut se jeter du haut d'un pont, mais le vent la retint de son souffle habile. Elle rentra chez elle et se rependit en libations au morts et aux esprits. Trois jours plus tard Nervz décédât dans les maux et les larmes.
Elle le pleura, et vint à son enterrement. Lorsque le cortège de la famille fut parti elle ourdit une énième malédiction sur son corps , elle promit qu'il se réveilla chaque nuit que le monde ferait, que sa peau brûlerait de nécroses sous la lune, que son corps tituberait en marchant, qu'il aurait besoin de tuer comme les fauves pour survivre, qu'il ne pourrait être aimé d'aucune créature qui lui survive, qu'il n'y aurait qu'elle qui pourrait le toucher sans qu'il souffrit. Cela fait elle disparut et parti séjourner parmi les soeurs dans un couvent. "

Première Partie
"Nervz errait dans les nuits les plus sombres, son corps se nécrosait au fil de ses pas, sa peau était de plus en plus ténue, ses os de plus en plus fragile, pour survivre dans sa fuite il devait dévorer du vivant, de l'humain de préférence. Nervz n'avait plus beaucoup de volontés tant sa souffrance était grande... Ses mains se cabraient sur les insectes les soirs de disettes et il en dévorait quantités pour atténuer la faim immense qui résidait en son ventre. Des larmes coulaient sur ses joues, elles étaient contiguës et malodorantes.

Un jour qu'il entra dans une maison, après en avoir dévoré le gardien canidé, il dévora parents et enfants, mais il resta prostré devant le regard d'une enfant de sept ans qui ne l'avait pas fuit. Il n'osa pas la dévorer. Il voulu partir mais elle le suivit. Jusqu'à sa tombe elle marcha. Et toute la journée elle l'attendit dans sa chemise de nuit, serrant contre elle son nounours. Le soir il ressorti. L'enfant s'appelait Mélanie, et avait faim, Nervz la nourrit avec ce qu'il trouva dans une maison qu'il dévasta. Il la porta dans ses bras et sur son dos, pour soulager ses petits pieds fatigués. L'enfant lui faisait des bisous de temps à autre, et cela lui faisait du bien. Le temps passa, ils furent presque heureux. Mais la terre ourdissait contre eux sa colère. Nervia au fond de son couvent se vit rapporter par des oiseaux et des papillons de nuits le bonheur que vivait son aimé avec une autre créature qu'elle. Sa colère fut grande, et se cachant des soeurs durant quelques heures elle ensorcela des corbeaux, les oiseaux devinrent cruels, et partirent en chasse de l'enfant. Lorsqu'ils la trouvèrent endormie sur la tombe, ils fondirent sur elle et la dévorèrent ils rongèrent ses membres de leur bec acérés, Nervz entendit les cris mais il sorti trop tard. L'enfant n'était plus que charpie d'os et de chair. Il hurla de douleur. Et son cri glaça l'âme des habitants des alentours.

Les corbeaux disparurent et vinrent jacasser aux oreilles de Nervia le récit de la mort de l'enfant et la souffrance de Nervz. Nervia ne s'en réjouit pas, mais se dit que sa volonté était faite, elle retourna prier.
C'est alors que Nervz entreprit de retrouver Nervia, pour pouvoir enfin mourir en paix..."

Seconde Partie

"Nervia portait des masques d'argile pour préserver sa jeunesse. Son corps se portait dans des bains glacés, et sous des vapeurs brûlantes. Elle conserva un visage jeune. Sa peau au contact des saints mots restait lisse et pâle.
Nervz vivait sous ses nécroses, se lavait de la pluie et de la rosée du matin comme les chats sauvages et les petits oiseaux. Il avait le corps rompu par la mort, le visage ridé, les lèvres déchirées. Il conserva un semblant d'apparence humaine. Mais n'avait plus rien d'humain.

Sur son chemin il ne laissa que des cadavres pourrissants. Il progressa vers le Nord. Il suivait les oiseaux, et particulièrement les corbeaux. Il précédait les lynx dans leur éveil, il pourchassait les daims. Son corps se hissait au rang des animés avec des efforts considérables. Il désirait la retrouver, afin qu'elle lui accorda le pardon dans la mort, et qu'elle le guérisse de ce mal. Pour autant il ne pouvait lui promettre son amour, car il n'éprouvait rien de semblable. Son cerveau devenait de plus en plus faible de jour en jour, son intelligence se limitait, il le savait mais continuait de poursuivre son but.
Un jour de Mai avant que le soleil se leva, il atteignit le couvent.
Il se cacha dans la terre, il s'enterra comme le fond les poissons dans la vase douce. Nervia fut avertie par les insectes de la présence de Nervz. Elle se rendit au couchant au lieu décrit par les vermines qui la servaient. Nervz sorti de terre. Nervia se pencha sur le cadavre.
" - Mon tendre ami qui séjourne parmi les vers et les larves de hannetons, parmi les mange-cadavres que viens tu faire ici parmi les purs et les saintes? Toi qui n'es que vermine, sang et os.
- Nervia... Rends moi la liberté... Laisse moi... Mourir comme un homme...
- Je t'ai laissé mourir, tu as refusé mon amour. Je n'ai plus rien à t'offrir, que ses mains et ce corps qui sont les miens.
- Je ne puis t'aimer...
- Retourne ramper parmi les souillures de ce monde, va te nourrir des poisons des cadavres, va errer, va tuer. Tel est ton destin. Comme le mien est de rester recluse ici pour l'éternité.
- Libère moi... Je t'en supplie...
- Pauvre moitié d'homme, tu ne pourras bientôt plus penser... Je ne puis te libérer, il est trop tard. Va !"
Elle le quitta, alors Nervz décida qu'il ne se nourrirait plus, qu'il vivrait dans le puis du couvent. Il en déplaça la dalle et plongea dans l'eau obscure et sale. Là son esprit perdit ce qui lui resta de raison, il conta à l'invisible pour ne pas se laisser envahir par le néant mille histoires."
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Coâld Mâhl
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Message par Coâld Mâhl »

Je ne réponds que maintenant car je voulais prendre le temps de bien lire tes textes. Je les ai trouvé très lugubres, très froids et assez désespérés. Mais c'est une bonne chose que tu sois capable de l'écrire et, qui plus est, de partager ces écrits.
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Sthéno
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Message par Sthéno »

Coâld Mâhl a écrit :
Je ne réponds que maintenant car je voulais prendre le temps de bien lire tes textes. Je les ai trouvé très lugubres, très froids et assez désespérés. Mais c'est une bonne chose que tu sois capable de l'écrire et, qui plus est, de partager ces écrits.
Et moi je vois ton message tard ^^.
C'est gentil de m'avoir lue.

Les choses évoluent. Mais j'aime le noir donc ça reste. J'ai écris tellement de choses en un an, si tu savais...
Mais la lumière revient dans mes écris, ou plutôt elle apparaît. :)
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