Quel rôle a la dépression dans l'évolution ?

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Lacroix
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Enregistré le : lundi 23 novembre 2020 20:30

Quel rôle a la dépression dans l'évolution ?

Message par Lacroix »

Bonjour,

je me demandais quel avait été le rôle de la dépression au cours de l'évolution ? Pourquoi est ce qu'elle n'a pas été effacée, voir réduite jusqu'à devenir une exception ?

J'ai lu quelques papiers un peu nuls sur le sujet qui expliquaient que la dépression avait été sauvegardée durant la sélection naturelle, tout en avouant quelques lignes plus tard qu'on ne savait pas vraiment pourquoi.
D'autres articles sont en revanche beaucoup trop académiques et me perdent dès le premier paragraphe.

Ça fait quand même assez peu sens non ? En ce moment je pense activement au suicide par ex, la méthode, la date etc etc, pourquoi est ce que le cerveau n'essaie pas de censurer ce développement ? Il le fait pour des trucs sans importance comme pour le mouvement des yeux, pourquoi pas ici ?
On nous dit parfois qu'il n'est pas fait pour être heureux mais pour survivre. Or ici il ne semble faire ni l'un ni l'autre.

Aussi pourquoi le cerveau qui n'est pas fait pour être heureux recherche t'il le plaisir en permanence ?

Dans l'inconscient collectif la dépression est perçue comme étant un mal de nos sociétés modernes. En fait on sait qu'elle existait déjà durant l'Antiquité, comme nous le montre Lucrèce un demi siècle avant JC:

« Si seulement les hommes, qui ont bien, semble-t-il, le sentiment du poids qui pèse sur leur esprit et les accable de sa pesanteur, pouvaient aussi comprendre l’origine de ce sentiment, d’où vient cette énorme masse de malheur qui oppresse le cœur, ils ne mèneraient plus cette vie dans laquelle, le plus souvent, nous le voyons, personne aujourd’hui ne sait vraiment ce qu’il veut, où chacun cherche toujours à changer de place comme s’il était possible par là de déposer le fardeau qui pèse sur nous ! »

Deux mille ans à l'échelle humaine c'est pas mal non ? Pas suffisamment pour dissoudre la dépression ? Dîtes moi qui a sauvegardé ça.
Ah... but i'm still a milksop craven.
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bandit
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Enregistré le : samedi 29 août 2015 15:16

Quel rôle a la dépression dans l'évolution ?

Message par bandit »

Très bonne question, je vais suivre le fil en espérant lire des choses intéressantes. (@Ictavia a peut-être des choses à raconter =) )
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J-Chris
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Quel rôle a la dépression dans l'évolution ?

Message par J-Chris »

Coucou, je n'ai pas la réponse à ta question, je ne vois en effet pas d'avantage évolutif à la dépression. Je distinguerais juste entre recherche du bonheur et recherche du plaisir. Le premier me semble un état plutôt durable, le second l'objet d'instants plus ou moins fugaces. On peut, à mon sens, rechercher le plaisir sans jamais être heureux. Le cerveau cherche en général à reproduire les sensations liés au plaisir immédiat même si ce qui provoque le plaisir peut parfois être nuisible mais il cherche sans doute moins un état durable de bonheur. Du coup, le bonheur me semble plus rattaché à ce qu'on appelle eudémonisme qui est plus une quête philosophique qui se cultive alors que le plaisir est une gratification immédiate. Par ailleurs, certaines personnes n'éprouvent même plus de plaisir dans leur vie, c'est ce qu'on appelle anhédonisme, il me semble, pour quelles raisons ? Je ne saurais dire. Je ne sais pas si l'évolution favorise toujours ce qui nous fait du bien, je n'en suis pas sûr au vu des nombreuses "anomalies" que l'on peut trouver dans le vivant, peut-être qu'elle y tend mais c'est quand même un "joyeux" bazar.
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Ictavia
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Enregistré le : mercredi 15 février 2017 22:44

Quel rôle a la dépression dans l'évolution ?

Message par Ictavia »

Avec @bandit qui m'a tagué, c'est plus comme si j'avais le choix de répondre. La procrastination ne semble plus une option respectable :mrvert:

Tout d'abord, la première chose à faire c'est de définir ce qu'est clairement la dépression. Y a eu d'autres sujets sur lesquels se sujet a été discuté et on se rend compte que tous ne s'entendent pas sur le sujet. Cela peut prêté à confusion.

Pour faire court, je vais y aller avec une définition tirée d'un exemple dans le premier post. La dépression est un état dans lequel on a envie de se tuer alors que notre intégrité physique n'est momentanément pas en jeu (parce que penser au suicide plutôt que d'être envoyé au Goulag ou pour éviter les souffrances d'une maladie mortelle, ce n'est pas la même chose) et que l'on ne vit pas dans une culture glorifiant cet acte comme au Japon féodal. C'est loin d'être parfait comme définition, mais je vais m'y tenir.

Ça, c'est un état ou un symptôme, mais qu'est-ce qui l'a causé ? La recherche tant à démontrer qu'il y aurait des prédispositions génétiques à divers troubles mentaux qui peuvent s'activer ou pas en fonction de facteurs environnementaux. Un traumatisme passé peut mettre une personne dans un état d'anxiété constante qui facilitera l'instauration de la dépression. Le mécanisme à l'origine de la chose, c'est qu'en tant qu'animal, nous devons rester marqué par les situations qui nous ont été dangereuse afin d'être aux aguets et d'éviter qu'elles ne se reproduisent. Dans un tel cas, c'est le "système" pour nous protéger qui nous as finalement piégé dans une boucle d'une manière similaire à une réaction auto-immune.

Je pense aussi qu'évolutivement, l'ennui a comme avantage de pousser l'individu à faire autre chose s'il ne se sent pas assez stimulé par son environnement. C'est un moteur d'innovation qui a été utile à notre espèce. Certaines dépressions peuvent être associés à ce système qui serait en mode loop. L'ennui y serait devenu un état permanent duquel l'individu ne pourrait plus sortir. Encore une fois, c'est un mécanisme utile qui peut dérailler.

Après cela, il faut voir dans quelle mesure une prédisposition à la dépression nuit à la reproduction et à quels autre traits de personnalité cette prédisposition peut être associée qui peuvent également avoir des avantages pour se reproduire ou mener sa descendance à l'âge adulte. Par exemple, si une personne donnée a 50 % plus de chances de faire une dépression que l'individu moyen à cause de sa génétique, mais qu'en même temps, elle donne plus de soutien émotionnel à sa communauté, le gain de ces caractéristiques associés peut être plus important pour la communauté que le risque de dépression qui mènerait à un suicide avant de s'être reproduit.

Il est rare qu'en génétique, tout soit noir ou blanc. J'ai lu que dans des climats tropicaux, la majorité de la population était porteuse d'un gêne qui a été identifié comme prédisposant à certains cancers. Des études en labos ont démontrées que si on retirait ce gêne de la génétique de souris, celles-ci étaient en effet moins sujettes à certains cancers à un âge avancé, mais elles devenaient du même coup beaucoup moins résistante contre la malaria qui sévit particulièrement dans ces régions du monde. En comptant les plus et les moins, la malaria a bien plus de chances de nous empêcher de nous reproduire et c'est pour cela que l'évolution a pris ce chemin. On peut facilement imaginer qu'il puisse en être de même des prédispositions à la dépression.

Tant qu'à ce qui est des romains, les hautes classes sociales de l’époque étaient plutôt modernes dans leur mentalité et lorsqu'on les lis, il est assez facile de se les imaginer discuter avec eux dans notre salon. Ça fait donc totalement du sens qu'ils pouvaient eux aussi souffrir de dépression. De toute façon, 2000 ans à l'échelle de l'évolution, c'est pratiquement rien.

Edit: Je tient à ajouter que l’instinct d'auto-préservation est quelque chose d'extrêmement fort chez l'humain. L'évolution ne "veut" pas que l'on se tue et la dépression aura beau nous faire fantasmer comme de quoi ce serait cool de se tirer une balle, le faire est autre choses. Ça ne doit pas être rare que des gens qui auront passé leur vie à rêver de se tuer s'éteignent centenaires.
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bandit
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Quel rôle a la dépression dans l'évolution ?

Message par bandit »

Aahh, voilà du grand art d'Ictavia,
Merci pour ta contribution !
Je me disais aussi que 2000 ans ça pesait pas grand chose dans l'évolution.
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Ictavia
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Quel rôle a la dépression dans l'évolution ?

Message par Ictavia »

@bandit

Puisqu'il est question de romains, je ne peux m'empêcher d'y aller de cette réponse
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Plus sérieusement par contre, même si 2000 ans, ce n'est pas beaucoup, y a quand même eu des pressions évolutives qui ont pu être fortes pendant ce laps de temps. Pour les européens et leurs descendants dont je fais parti, la peste noire qui a probablement abaissé la population du continent de 40 % d'un coup a certainement dû avoir une influence, sans compter que les grandes famines qui ont touchées le continent ont certainement favorisés ceux qui stockaient plus effectivement la matière grasse dans les moments de non-famine.
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