Première promenade au bord de la mer.

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Résistant
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Enregistré le : jeudi 28 janvier 2010 22:55

Première promenade au bord de la mer.

Message par Résistant »

Odieux bruits de voiture...un seul but: fuir, fuir, courir, ne plus rien entendre d'autre que le bruit des vagues sur la plage et contre les roches...rien d'autre que cri des goëlands...rien d'autre que le cri silencieux de mes pensées en bataille...
ça y est. Enfin tranquille. Les cailloux sous les pieds ne me faisaient même pas mal. Je n'y pensais pas. Mais à quoi donc je songeais, ce jour-là? ...Je ne me souviens plus...je sais juste que...je fuyais. Je fuyais quoi?? Moi-même, peut-être.
Si j'avais pu empêcher mes pieds de coller au sol, d'être collés à cette terre, esclaves de cette terre...et m'envoler dans les airs comme ces goélands...faire de longs et beaux voyages dans des espaces infinis...petit grain de poussière dans le ciel comme dans la pupille des gens en contemplation...fini de rêver. Je n'étais qu'un jeune homme en train de marcher sur la plage. A la recherche de quelque chose d'impalpable, d'insaisissable, et...mais en fait, qu'étais-je à cette époque? Une sorte de vagabond dans l'âme. J'ai toujours aimé l'eau. L'eau raconte toujours une histoire. L'eau apaise. L'eau fait beaucoup de choses, en somme...jusqu'au jour où il n'y en aura peut-être plus, mais ça c'est une autre histoire. L'eau attire, aussi. Tiens, ce jour-là, je n'étais pas seul sur la page. ça y est, je me souviens...il y avait une fille. Comment l'oublier, celle-là...cette étrange personne...

Je me rappelle, je marchais et j'ai voulu contourner un pin. A ce moment-là, au bout de la jetée, j'ai eu une apparition. Non...je plaisante. Il y avait réellement une fille en train d'écrire. Je n'ai pas osé l'approcher, en plus je ne voulais voir personne, mais...j'étais quand-même intrigué.

Si j'avais avancé sur la jetée, j'aurais tout de suite été repéré...non, j'avais décidé de faire autrement. Je me suis assis sur la plage, juste à côté de la jetée. Et j'ai écrit, en jetant de temps en temps un oeil sur la fille au cahier. Elle me tournait le dos.
Au bout d'une demi-heure...la voilà enfin qui s'approche. Je ne m'y attendais pas, vraiment pas. Je l'avais presque oubliée, et j'étais plongé dans ma réflexion...mon poème n'avançait pas.
Elle m'a dit bonjour, j'ai répondu. Elle restait là à me regarder, ou plutôt, elle regardait ce que j'étais en train d'écrire...j'avais honte...vraiment honte...j'aimais écrire mais je n'étais pas perfectionniste en matière de poésie...Que quelqu'un lise mes vers et j'y trouvais tout de suite une quantité de fautes et de défauts...mais bref, j'étais sûr qu'elle avait lu mon poème. C'est alors qu'elle ma dit:
- Vous aussi vous rêvez...

J'ai tout de suite pris un air inspiré...
- Oui,...comme tout le monde, j'imagine. Mais le lieu est propice pour ça.

- c'est vrai, a-t-elle répondu.

Ce qui me gênait, c'est qu'elle restait debout...elle ne s'asseyait pas, et malgré mon désir de rester seul, tout à coup je sentis que...son départ me ferait sentir encore plus le froid de la solitude...mais elle restait.

- Je m'appelle Floriane. Et vous?
- François.
- Vous m'observiez quand j'écrivais. Je l'ai ressenti.
- C'est vrai. Je suis peu habitué à voir quelqu'un écrire sur la plage, en solitaire.
- Votre poème est très beau.
- Merci...mais je crois qu'il est juste beau pour celui qui l'a écrit. D'ailleurs, je crains qu'un poème ne puisse être réellement compris que par celui qui l'a produit. Les mots se vivent de l'intérieur. Leur sens est différent pour chacun selon son vécu, sa vision des choses, sa façon d'être...
- C'est sûr...je suis désolée. Dans ce cas, je dirai que votre poème reflète quelque chose de vous-même.
- Ce qui est logique.
- Oui.
- Dites-moi, qu'avez-vous écrit, vous?
- Eh bien...ce n'est pas intéressant...en quelque sorte j'ai renversé un encrier sur une page, après une dispute à la maison...j'avais besoin de me défouler.
- Je comprends. Puis-je voir ce que vous avez écrit? Ou...est-ce trop personnel?
- eh bien...non...vous pouvez lire mais ne donnez aucun jugement sur ce que vous lisez. Je n'ai pas besoin de ça. Je ne suis pas écrivain, loin de là.
- Pas besoin d'attendre d'être écrivain pour coucher ses impressions sur le papier.
- Merci...

--edit--

Jai lu ce qu'elle avait écrit, cette fille. Je n'en revenais pas. Ses mots reflétaient les miens, ce qui gisait dans les fonds de caves, dans le labyrinthe de mes pensées...
Elle avait écrit:

" Je me fiche de ce que tu peux penser de moi. Mon coeur bouillonne comme les flots de la mer. Ici, l'eau cogne contre la jetée, et au fond de moi, mes pensées se heurtent à ce que tu as osé dire...elles ne passent pas au-dessus. Elles n'y arrivent pas. Je sais que je suis une sauvage, parfois. Mais tu mériterais une méduse en pleine figure. Tu ne sais pas ce que tu dis ni le mal que ça peut faire pour ceux qui entendent. Je voudrais être un goéland, et m'envoler loin! loin! très loin. Ne plus jamais revoir cette affreuse maison avec ces affreux rideaux. Ne plus jamais te revoir.

Si je suis maladroite, eh bien saches que j'ai combattue pour ne plus l'être. Je me suis acharnée...et même, j'ai essayé de retrouver l'estime de moi nécessaire pour voir la vie sous de meilleures couleurs...et en un instant tu as tout détruit...Je me suis sentie misérable. Et tous ces gens qui pendant des années ont essayé de m'aider en me faisant plus de mal que de bien...oui, je voudrais être un goéland, celui qui vole là-haut, tout là-haut...et ne plus te revoir.

Je sais, tout est de ma faute. Je n'étais pas à la hauteur de ce que tu attendais de moi...mais tu vois mes traces sur la plage? non, tu ne les vois pas, tu t'en fiches...qu'est-ce que ça peut signifier, mes traces sur la plage...eh bien ce chemin que j'ai parcouru sans faire de bruit, dans le noir, dans le secret et le silence, tu ne l'a pas vu.
Tu ne sais pas ce que je peux me reprocher, ni les efforts que je fais pour changer...mais une chose est sûre: je ressens tout. Je sens tout de suite de quelle humeur sont les gens. Quand je les sens froids, je prends mes distances. Je n'ai pas toujours la force de "réchauffer" les gens tristes ou glaciaux. Parfois je fuis ou je réagis sauvagement...

Tu ne liras jamais cette lettre. Je l'écris à moi-même, pour m'encourager. Je veux être seul. Personne ne peut comprendre."

- Ecoutez...vous écrivez à la fin que personne ne peut vous comprendre...mais...je peux vous assurer que je comprends.
- Peut-être...je ne suis pas le seul être humain sur terre.

--edit--

- C'est sûr...je pense que...beaucoup de gens dans ce monde sont froids, vous savez. Non pas froids dans le sens de..."distants, secs, dédaigneux"...mais je dirais plutôt "égoistes", "individualistes".
- Je pense la même chose. Et le pire, c'est qu'au bout d'un moment, on finit par se convaincre que les gens sont comme ça de nature. On n'est plus déçus par eux, parce qu'on apprend à ne pas s'y attacher. On les côtoie, mais il n'y a pas de confiance réelle, tout simplement parce que...on ne sent pas à l'aise avec eux, au fond.
- Vous avez raison...très raison. Vous savez, je cherche quelque chose dans la vie. Je ne sais pas quoi. Parfois, j'espère le trouver chez les autres. Mais...j'ai appris à regarder plus loin que les mots des gens, plus loin que leur attitude. Je regarde derrière tout ça...et je ne fais pas confiance.
- Alors nous nous ressemblons.
- ...

Notre discours s'est arrêté là. Deux heures étaient passées...le soleil allait bientôt se coucher. nous avons échangé nos adresses, et nous nous sommes séparés.

ça me fait tout drôle d'écrire ça. Je me souviens d'elle, comme si c'était hier. Et en effet, nous nous sommes revus hier, ou du moins...j'ai entendu sa voix au téléphone. Ma femme est partie à Chicago et elle rentre ce soir. Les mots sont capables de beaucoup de choses, même d'unir deux personnes."
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claudine
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Message par claudine »

Merci pour ce partage, Résistant :fleur:
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