Ils s'en servent pour communiquer avec les administrations, ou pour le travail entre collègues, la transmissions (étudiants, mais aussi pour la "passe" des infos des patients hospitalisés, ou des dossiers entre structures de soins "ouverts"), pour savoir à peu près de quoi ils parlent et pour débloquer des droits genre AAH tout ça, pour formuler un protocole de soins (qui nécessite d'y inscrire le patient et donc une justification, il y a une économie derrière...).
Mais en réalité, la psychiatrie c'est un domaine très flou encore. Actuellement, ils en sont à suivre le modèle bio-psycho-social dans leur "politique" de recherche. Actuellement, donc, on ne dit plus "maniaco-depression" ni "trouble schizo-affectif", quoique ça s'utilise encore, en pratique. Les différentes classifications statistiques (DSM, CIM - ça sert à mesurer les impacts sur la société, sur son économie, évaluer, mesurer les pratique et les protocoles de soins et de recherche pour les organiser à un niveau national et/ou même mondial et influencer les politiques de santé, administrer des fonds de recherche...) ont décidé d'éliminer ça et de parler de "troubles de l'humeur" et de "bipolarité" quand il y a des phases de up. Et dans certains cas de dépressions "résistantes" (résistantes à quoi? ben au médoc tout simplement, car il y a une pensée psychiatrique qui réfléchit comme ça aussi, on aurait le diagnostique qui correspond au médoc qui soulage les symptômes observables ).
C'est assez anxiogènes effectivement pour la population de patients,mais pourquoi ça l'était moins il y a, je sais pas, quarante ans? Parce qu'on vit dans le monde dans lequel on vit avec sa culture, son histoire (y compris de la psychiatrie et de la médecine) et son organisation sociale.
Il se trouve qu'on vit dans un monde où nous devenons très informés sur la santé, c'est une demande croissante de la population générale (je suis loin de comprendre exactement ce qui a initié cela), on devient des "patients experts". Les médecins - et les psychiatres, et les acteurs du social le constatent.
Une confiance en la médecine ou en la personne en sa qualité d'expert (le médecin) qui s'effrite ? Je ne sais pas trop. Un ras-le-bol de la posture "supérieure" du médecin "grand sachant", qui ne semble jamais nous parler de nous, savoir mieux que nous ce que nous avons. Et nous, du coup, cherchant toujours une meilleure réponse, paradoxalement, chez des "super"-experts qui semblent nous apporter des réponses claires ou qui nous conviennent, dans notre façon de percevoir nos troubles, dans notre façon de les vivre et dans la façon dont ceux-ci sont accueillis (ou pas) dans notre environnement familial, professionnel, social, culturel ?
Il y a en tout cas une demande des patients, de réponse, un quête d'identité là dedans, de vérité sur soi, et une recherche d'être soulagé de la dimension culpabilisante des troubles psychiques qui restent très stigmatisés et stigmatisant. Une recherche, ailleurs qu'en soi, de réponse à la question essentielle, qui est "pourquoi moi", pourquoi je fous ma vie en l'air, pourquoi je coule alors que d'autres arrivent à nager?
Après, concrètement, il y a des maladies mentales dont la gravité se mesure assez facilement, au sens où elles impliquent une rupture avec la réalité, des dysfonctionnements cognitifs mesurables, et qui se retrouvent de patient à patient. Les schizophrénies, et ce qu'on appelle bipolarité aujourd'hui.
Oui parce qu'on ne dit plus psychose maniaco-dépressive, pour des raisons de stigmatisations, mais aussi parce que la dimension psychotique ne serait pas toujours présente.
Je ne sais pas quoi penser de cela.
Même dans les dépressions, certaines dépressions graves, et notamment dans les dépressions bipolaires (dépression dites "mélancoliques" avec négation d'organe "je n'ai plus de cœur", délire d'être "mort-vivant", qui dépasse le "ressenti" donc dans sa conviction, les idées paranos...) et dans les phases maniaques, il y a des îlots psychotiques, voir parfois un vrai délire et des hallus. Bref, c'est très complexe tout cela.
Ca aboutit à des trucs genre "schizophrène avec troubles affectifs et une composante psychopathique" par exemple

Après, cela a peut être quelque chose de rassurant, de résumer tout ce qu'on vit dans un seul mot.
Vas comprendre pourquoi.
Et peut être, comme tu l'exprimes un peu si j'ai bien compris, qu'on a plus besoin aujourd'hui qu'autrefois de se sentir acteurs de sa guérison. Comme si on était ramené à une responsabilité individuelle de son propre état? Ce qui est étrange, c'est qu'on ait l'impression que cela nécessite qu'on cherche en-dehors de nous, en-dehors même de notre environnement, en-dehors de nos construction sociales immédiates ou de nos constructions identitaires, et plutôt dans le savoir psychiatrique, ce qui peut nous aider. Et bon, si je sais tout ce que je dis ci-dessus, c'est bien que j'ai fait exactement cela et j'y ai passé des heures et des mois et je continue. Bon pour ma part pas dans la bipolarité. Mais par extension maintenant je m'intéresse à tout ça.
Enfin bref, tout ça pour te dire ami1, je comprends ta quête, j'espère que tu trouveras ce qui te soulagera. Mais j'espère aussi que tu n'es pas bipolaire parce que c'est une médicalisation bien contraignante. Enfin sinon, bon, au moins si c'est ça, tu seras sûrement pris en charge plus adéquatement. J'espère que ton psychiatre sera en mesure de te donner des réponses. Et ne désespère pas, ça peut prendre un certain temps, mais il y aura toujours des périodes d'accalmie, d'amélioration