oui c'est sûr, entièrement d'accord avec vous sur le regard des autres...
j'ai été fine, j'ai été ronde, puis fine de nouveau, bref, en fait je sais pas trop, j'ai un souci quand je me regarde dans la glace, d'un instant à l'autre je me vois enfler ou dégonfler, ou tordu ou je sais pas quoi...enfin je n'arrive pas à me voir. Comme si j'étais en morceau.
Mais mon poids reste relativement bas quoiqu'il arrive.
A l'adolescence j'avais pas envie d'en faire un drame, ma mère faisait suffisamment un drame de son poids à elle, je voulais me sentir bien dans ma peau, j'en faisais presque une mission ; mais finalement, les remarques, les comparaisons, et puis d'autres soucis relationnels, m'ont eues. Et je suis devenue extrêmement complexée.
Mais pour mes soeurs je suis "celle qui est mince" et pour certaines copines aussi, on m'a souvent fait des remarques faussement inquiètes sur mon poids "tu as encore perdu du poids" - "tu es trop maigre" - "tu serais pas un peu anorexique ?"
Ou alors, quand j'ai osé parler du fait que j'étais mal dans ma peau, juste des onomatopées exaspérées, ou des "oui oui" méprisant, voir des fou-rires moqueurs.
J'ai passé la plus grande partie de ma vie en pantalon long et chemises à manches longues, ou gros pulls. Je n'allais jamais à la piscine, jamais à la plage, jamais dans un vestiaire, jamais au sport. Je me sentais immonde et répugnante.
Puis vers les 22 ans j'ai eu une période plus libre, ou je me suis sentie suffisament jolie pour me mettre en valeur. J'ai mis des minis-robes, des décolletés, j'ai été nager, j'ai profité, je faisais du shopping, je plaisais aux messieurs.
C'est juste que j'avais découvert dans un pays chaud, toute la multitude de corps différents qui pouvait exister, largement exhibés vu la chaleur et la culture "plage", et j'avais trouvé cela beau, cette diversité... alors tout d'un coup j'avais trouvé comme une place, la mienne, ni plus ni moins que personne, juste moi, avec mes défauts et mes qualités puis voilà... ça n'a pas réglé mes soucis avec le miroir, mais au moins j'osais me montrer.
Je crois qu'on me pardonne pas ces 3-4 années environ où je me suis sentie à peu près bien dans mon corps, ni dans ma famille, ni ma "meilleure" amie (qui soit dit en passant n'a
vraiment rien d'un monstre). Je n'ai pas le droit de me plaindre, parce que j'ai osé me montrer. En presque 34 ans de vie, j'ai osé 3 ou 4 ans. C'est donc si grave ?
Maintenant que j'ai passé la trentaine, forcément c'est plus pareil, le physique suit pas. Je sais pas si j'étais bien avant, mais je suis sûre que je suis moins bien maintenant. Et je crois que tout le monde est bien content, comme si j'avais la monnaie de ma pièce...
J'ai toujours pas le droit de parler du fait que je me sente pas bien dans mon corps, on me rabat le caquet, ou alors on me dit "ah oui c'était facile avant" en souriant méchamment. Ca veut dire quoi ? Et puis pourquoi on me dit ça ? C'est si difficile à comprendre que je n'arrive pas à me voir, que je n'arrive pas à m'aimer ?
Pourquoi ?

Qu'est-ce que je leur ai fait ?
Le poids le poids... je trouve que le poids n'a aucune valeur, ce qui a de la valeur, c'est ce qu'on voit, et ce qu'on ose montrer, qu'un regard se pose sur nous et aime ce qu'il voit. Un corps voluptueux, ou maigre, peut être merveilleusement beau quand il est aimé et
utilisé. Dans le sens "exploiter ses capacités".
Ce qui est laid, ce sont les vêtements qui cachent, les postures censées effacer hanches et seins, la rigidité qui s'installe dans les membres recourbés sur notre crainte d'être jugés.
Je voudrais voir tous ces corps différents se mouvoir, danser, librement. Les corps sont tellement beaux en mouvement.
Mais la chair en mouvement, ça ne plaît pas à tout le monde, malheureusement, pour être libre, il faut être fort, ou alors entourés de gens aimant.