Ces textes qui vous collent à la peau.

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DemandeAlaPoussiere
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Ces textes qui vous collent à la peau.

Message par DemandeAlaPoussiere »

Ce premier texte d'Henry Miller Tropique du Cancerqui est un de mes coups de coeur et qui peut résumer ce que je vis.



Grands Dieux ! Que suis-je devenu ? Quel droit avez-vous, vous tous, d'encombrer ma vie, de me voler mon temps, de sonder mon âme, de sucer mes pensées, de m'avoir pour compagnon, pour confident, pour bureau d'information ? Pour quoi me prenez-vous ? Suis-je un amuseur stipendié, dont on exige tous les soirs qu'il joue une farce intellectuelle sous vos nez imbéciles ? Suis-je un esclave, acheté et dûment payé, pour ramper sur le ventre devant ces fainéants que vous êtes, et étendre à vos pieds tout ce que je fais et tout ce que je sais ? Suis-je une fille dans un bordel que l'on somme de rtrousser ses jupes ou d'ôter sa chemise devant le premier homme en veston qui se présente ?Je suis un homme qui voudrait vivre une vie héroïque et rendre le monde plus supportable à ses propres yeux. Si, dans quelque moment de faiblesse, de détente, de besoin, je lâche de la vapeur - un peu de colère brûlante dont la chaleur tombe avec les mots - rêve passionné, enveloppé des langes de l'image - eh! bien, prenez ou laissez... mais ne m'embêtez pas !



Je suis un homme libre - et j'ai besoin de ma liberté. J'ai besoin d'être seul. J'ai besoin de méditer ma honte et mon désespoir dans la retraite; j'ai besoin du soleil et du pavé des rues, sans compagnons, sans conversation, face à face avec moi-même, avec la musique de mon coeur pour toute compagnie... Que voulez-vous de moi ? Quand j'ai quelque chose à dire, je l'imprime. Quand j'ai quelque chose à donner, je le donne. Votre curiosité qui fourre son nez partout me fait lever le coeur. Vos compliments m'humilient. Votre thé m'empoisonne. Je ne dois rien à personne. Je veux être responsable devant Dieu seul... s'il existe

Je poste aussi celui-ci qui est en accord avec mon ressenti:

Recueillement

Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille.
Tu réclamais le Soir; il descend; le voici:
Une atmosphère obscure enveloppe la ville,
Aux uns portant la paix, aux autres le souci.
Pendant que des mortels la multitude vile,
Sous le fouet du Plaisir, ce bourreau sans merci,
Va cueillir des remords dans la fête servile,
Ma Douleur, donne-moi la main; viens par ici,

Loin d'eux. Vois se pencher les défuntes Années,
Sur les balcons du ciel, en robes surannées;
Surgir du fond des eaux le Regret souriant;

Le Soleil moribond s'endormir sous une arche,
Et, comme un long linceul traînant à l'Orient,
Entends, ma chère, entends la douce Nuit qui marche.



Charles Baudelaire, Les fleurs du mal CLIX
Le dernier jour du reste de ta vie.
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Aspartame
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Ces textes qui vous collent à la peau.

Message par Aspartame »

Ma citation préférée :
"Je reviendrai." McArthur (Un type bien McArthur,si Truman ne l'avait pas démis de ses fonctions en 1951, ils auraient utilisé l'arme nucléaire en Corée et en Chine, comme quoi Dr.Strangelove, on a beau rigolé en le regardant c'est pas forcément passé loin :zinzin: )

Une journée tuante, la Résurrection


La terre ouvre son sein; du ventre des tombeaux
Naissent des enterrés les visages nouveaux :
Du pré, du bois, du champ, presque de toutes places
Sortent les corps nouveaux et les nouvelles faces.
Ici les fondements des châteaux rehaussés
Par les ressuscitants promptement sont percés;
Ici un arbre sent des bras de sa racine
Grouiller un chef vivant, sortir une poitrine;
Là l'eau trouble bouillonnne, et puis s'éparpillant
Sent en soi des cheveux et un chef s'éveillant.
Comme un nageur venant du profond de son plonge,
Tous sortent de la mort comme l'on sort d'un songe.
Les corps par les tyrans autrefois déchirés
Se sont en un moment en leurs corps asserrés,
Bien q'un bras ait vogué par la mer écumeuse
De l'Afrique brûlée en Thulé froiduleuse.
Les cendres des brûlés volent de toutes parts;
Les brins plutôt unis qu'ils ne furent épars
Viennent à leur poteau, en cette heureuse place,
Riant au ciel riant d'une agréable audace.



Agrippa d'Aubigné, Les Tragiques, chant VII, vers 665-684 [1].
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DemandeAlaPoussiere
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Ces textes qui vous collent à la peau.

Message par DemandeAlaPoussiere »

Très beau, Aspartame! Je vais d'ailleurs mettre ce texte, en lieu sûr dans mon ordinnateurG--
D'ailleurs, çà me fait penser lorsque tu parles de l'utilisation de l'arme atomique, que quand j'étudiais la seconde g-m et plus particulièrement: Hiroshima & Nagasaki, j'avais lu: " De mettez pas dans votre copie, que Nagasaki et Hiroshima sont deux événements qui ont permit de mettre fin à la seconde guerre mondiale, en gros qu'elle était nécéssaire. Les deux villes japonaises ont été un test, une façon de voir quelles étaient les conséquences, la porté de l'arme nucléaire." Et, là Froid dans le dos...


CARPE DIEM, même si pas le titre de ce sonnet:

Quand vous serez bien vieille, au soir, à la chandelle,
Assise auprès du feu, dévidant et filant,
Direz, chantant mes vers, en vous émerveillant :
« Ronsard me célébrait du temps que j’étais belle ! »

Lors, vous n’aurez servante oyant telle nouvelle,
Déjà sous le labeur à demi sommeillant,
Qui au bruit de Ronsard ne s’aille réveillant,
Bénissant votre nom de louange immortelle.

Je serais sous la terre, et, fantôme sans os,
Par les ombres myrteux je prendrai mon repos ;
Vous serez au foyer une vieille accroupie,

Regrettant mon amour et votre fier dédain.
Vivez, si m’en croyez, n’attendez à demain :
Cueillez dès aujourd’hui les roses de la vie.

Pierre de Ronsard, Sonnets pour Hélène, 1587
Le dernier jour du reste de ta vie.
primer
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Ces textes qui vous collent à la peau.

Message par primer »

your life is your life
don’t let it be clubbed into dank submission.
be on the watch.
there are ways out.
there is a light somewhere.
it may not be much light but
it beats the darkness.
be on the watch.
the gods will offer you chances.
know them.
take them.
you can’t beat death but
you can beat death in life, sometimes.
and the more often you learn to do it,
the more light there will be.
your life is your life.
know it while you have it.
you are marvelous
the gods wait to delight
in you.

--“The Laughing Heart”, Charles Bukowski
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Delisaa
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Ces textes qui vous collent à la peau.

Message par Delisaa »

CHACUN A CHIMERE:

Sous un grand ciel gris, dans une grande plaine poudreuse, sans chemins, sans gazon, sans un chardon, sans une ortie, je rencontrai plusieurs hommes qui marchaient courbés.

Chacun d'eux portait sur son dos une énorme Chimère, aussi lourde qu'un sac de farine ou de charbon, ou le fourniment d'un fantassin romain.

Mais la monstrueuse bête n'était pas un poids inerte; au contraire, elle enveloppait et opprimait l'homme de ses muscles élastiques et puissants; elle s'agrafait avec ses deux vastes griffes à la poitrine de sa monture; et sa tête fabuleuse surmontait le front de l'homme, comme un de ces casques horribles par lesquels les anciens guerriers espéraient ajouter à la terreur de l'ennemi.

Je questionnai l'un de ces hommes, et je lui demandai où ils allaient ainsi. Il me répondit qu'il n'en savait rien, ni lui, ni les autres; mais qu'évidemment ils allaient quelque part, puisqu'ils étaient poussés par un invincible besoin de marcher.

Chose curieuse à noter: aucun de ces voyageurs n'avait l'air irrité contre la bête féroce suspendue à son cou et collée à son dos; on eût dit qu'il la considérait comme faisant partie de lui-même. Tous ces visages fatigués et sérieux ne témoignaient d'aucun désespoir; sous la coupole spleenétique du ciel, les pieds plongés dans la poussière d'un sol aussi désolé que ce ciel, ils cheminaient avec la physionomie résignée de ceux qui sont condamnés à espérer toujours.

Et le cortège passa à côté de moi et s'enfonça dans l'atmosphère de l'horizon, à l'endroit où la surface arrondie de la planète se dérobe à la curiosité du regard humain.

Et pendant quelques instants je m'obstinai à vouloir comprendre ce mystère; mais bientôt l'irrésistible Indifférence s'abattit sur moi, et j'en fus plus lourdement accablé qu'ils ne l'étaient eux-mêmes par leurs écrasantes Chimères.

C. Baudelaire
"Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle sur l' esprit gémissant en proie aux longs ennuis..... etc"

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ToutePetiteMimi
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Ces textes qui vous collent à la peau.

Message par ToutePetiteMimi »

Voic quelques extraits de La nuit des Temps de René Barjavel, un livre que j'adore et que je relis réguliérement...

***

Je suis entré, et je t'ai vue.
Et j'ai été saisi aussitôt par l'envie furieuse, mortelle, de chasser, de détruire tous ceux qui, là, derrière moi, derrière la porte, dans la sphère, sur la glace, devant leurs écrans du monde entier, attendaient de savoir et de voir. Et qui allaient TE voir, comme je te voyais.
Et pourtant, je voulais aussi qu'ils te voient. Je voulais que le monde entier sût combien tu étais merveilleusement, incroyablement, inimaginablement belle. Te montrer à l'univers, le temps d'un éclair, puis m'enfermer avec toi, seul, et te regarder pendant l'éternité.

***

Je le savais. Je regardais tes lèvres. Je les ai vues trembler d'amour au passage de son nom. Alors j'ai voulu te séparer de lui, tout de suite, brutalement, que tu saches que c'était fini, depuis le fond des temps, qu'il ne restait rien de lui, pas même un grain de poussière quelque part mille fois emporté par les marées et les vents, plus rien de lui et plus rien du reste, plus rien de rien... Que tes souvenirs étaient tirés du vide. Du néant. Que derrière toi il n'y avait plus que le noir, et que la lumière, l'espoir, la vie étaient ici dans notre présent, avec nous. J'ai tranché derrière toi avec une hache. Je t'ai fait mal. Mais toi, la première, en prononçant son nom, tu m'avais broyé le cœur.

***

Vivre les malheurs d'avances, c'est les subir deux fois.
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Iris.
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Ces textes qui vous collent à la peau.

Message par Iris. »

Il ne me colle pas à la peau , mais ce texte est très beau.

"J'avais toujours cru jusqu'alors que la pire souffrance était celle de l'amour non partagé. Je me rendais compte maintenant qu'il en existait une plus terrible encore : être aimé contre sa volonté et ne pas pouvoir se défendre contre cette passion qui vous harcèle ; voir à côté de soi un être humain se consumer au feu de son désir et assister impuissant à ses tourments, ne pas avoir le pouvoir, la force, la possibilité de l'arracher aux flammes qui le dévorent. Celui qui aime d'un amour malheureux peut arriver à dompter sa passion, parce qu'il n'est pas seulement celui qui souffre, il est aussi le créateur de sa souffrance. S'il n'y parvient pas il souffre du moins par sa propre faute. Mais perdu sans recours celui qui souffre d'un amour auquel il ne peut pas répondre ; car ce n'est pas en lui qu'est la mesure et la limite de la passion, mais en dehors de lui et de sa volonté. Le tragique de cette situation, seul un homme peut vraiment le sentir, car c'est seulement pour lui que la nécessité de la résistance imposée est à la fois un martyre et une faute. Quand une femme se défend contre un amour qu'elle ne partage pas elle ne fait qu'obéir à la loi de son sexe, le geste du refus lui est tout à fait naturel, et même quand elle se dérobe au désir le plus ardent on ne peut la taxer de cruauté. Il en est, hélas ! tout autrement dans le cas inverse, quand une femme a vaincu sa pudeur jusqu'à manifester à un homme son amour, à le lui offrir, sans être certaine de trouver la réciproque, et que lui se cabre et reste froid ! Celui qui se refuse à une femme qui le désire l'offense toujours dans ses sentiments les plus nobles. Vaine, donc, la délicatesse avec laquelle on se dérobe, absurdes les excuses les plus raffinées, insultante l'offre de simple amitié, quand une femme vous a dévoilé sa passion ! Immanquablement la résistance d'un homme devient alors cruauté et il est coupable, sans le vouloir. Situation effroyable, insoluble. L'instant d'avant encore on se sentait libre, on s'appartenait et on ne devait rien à personne, et soudain on est poursuivi et assiégé, but et proie d'un désir étranger. Troublé jusqu'au plus profond de l'âme on sait que jour et nuit une femme pense à vous, languit et soupire après vous. Elle vous veut, vous désire, exige que vous soyez à elle de toutes les fibres de son être, de toutes les forces de son corps et de son sang. Vos mains, vos cheveux, vos lèvres, votre corps, elle les veut, vos nuits et vos jours, vos sentiments, votre sexe et tous vos rêves et pensées. Elle veut s'associer à votre vie, vous prendre et vous aspirer avec son souffle. Toujours, que vous soyez éveillé ou que vous dormiez, il y a désormais dans le monde un être qui vit avec vous et pour vous, qui vous attend, qui veille et rêve en pensant à vous. C'est inutile que vous vous efforciez de ne pas penser à elle, qui sans cesse pense à vous, que vous cherchiez à fuir : vous n'êtes plus en vous, mais en elle. Comme un miroir ambulant un être étranger vous porte en lui, et encore un miroir ne saisit votre image que quand vous vous offrez volontairement à lui. Elle, la femme, l'étrangère, qui vous aime, elle vous a déjà absorbé dans son sang. Elle vous a en elle, vous porte avec elle, où que vous fuyiez. Vous êtes le prisonnier d'un autre, vous n'êtes plus jamais vous-même, plus jamais libre et sans soucis, toujours vous êtes traqué, poursuivi, tenu à des devoirs. Cette pensée d'autrui, vous la sentez sur vous comme une succion brûlante et constante. Il vous faut endurer ce désir de quelqu'un qui souffre à cause de vous. La torture la plus affreuse qu'un homme puisse éprouver, à présent je le sais, c'est d'être aimé malgré soi."

Stefan Zweig, La Pitié dangereuse, 1939
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