Le travail peut-il provoquer une dépression ?

[sourifleur]

Je me demande si le travail peut provoquer une dépression à long terme. En tout cas, chez moi, il l'aggrave!
Je suis fonctionnaire dans la fonction publique et tout le monde affirme que c'est peinard et sécurisant. J'avoue que ce n'est pas entièrement faux MAIS cela n'empêche pas de me sentir complètement isolée, manipulée et inutile dans cette fonction.

30 ans déjà que je travaille là comme agent définitif et avec les nouvelles lois gouvernementales je n'ai droit à la pension que dans 9 ans. 9 ans de plus, ce n'est rien me dit-on, ça passe, oui, mais vivre 9 ans de plus dans ces conditions, il y a de quoi se flinguer! Ce n'est plus la sécurité, c'est l'emprisonnement. Même les criminels les plus dangereux peuvent retrouver la liberté avant le délai qui nous est imposé.

Bien sûr qu'il faut gagner sa vie mais si c'est pour la perdre un peu plus chaque semaine à quoi bon?

Faut vous dire que notre boulot est entièrement automatisé. Chaque matin, une application sur mon ordi me signale exactement le nombre de dossiers à traiter ainsi que leurs référence! Quel luxe! Bravo pour la communication inter-collègues et ne parlons pas de nos supérieurs hiérarchiques. Aucun conseil, aucune suggestion ne passe plus dans un sens ni dans un autre. La technologie a tout remplacé. On est tous des numéros, personne n'a de considération pour personne. On n'existe même plus. J'ai déjà au cours de ma carrière, parlé à deux trois reprises avec des professionnels pour motif de harcèlement moral (différentes personnes étaient chaque fois impliquées) et ça a été un peu mieux. Jusque quand devrai-je me battre encore? Contre l'absurdité d'un système, je ne peux rien..

J'avais oublié de signaler que le travail que nous faisons pour le moment est complètement inutile et répétitif ad nauséam!

Bref c'est l'enfer tous les jours un peu, et personne ne m'entend. Mon mari se moque de moi quand je parle de changer de boulot (à ton âge) ou de reprendre des études (j'ai des économies). Il panique à l'idée que je me retrouve sans revenus, parce que bien entendu, les études prennent 3 à 5 ans et l'interrruption de carrière risque de ne plus être acceptée que pour un an.

Le plus rigolo (je ris jaune!) c'est que je gagne relativement bien ma vie. Je peux donc savourer le luxe de me payer une thérapie avec un psychiatre qui me demande 75 euros la séance (en partie remboursables, ouf) et que je vois tous les quinze jours. Et tout ce qu'il a trouvé à me dire c'est que le problème que je vis avec mon boulot n'est pas très important! Si un jour, ça va vraiment mal, il me croira peut-être.

Grâce à ce cher monsieur, je me sens finalement encore plus mal mais je culpabilise en me disant que même lui ne me croit pas. Je le vois mardi prochain et je lui dirai ce que je pense de son attitude!!

Que dois-je faire, sinon, me mettre en incapacité de travail (bonjour la culpabilité, car physiquement je n'ai rien et mon médecin de contrôle n'est pas un rigolo)? Tout abandonner (suis tentée) et tout laisser derrière moi ? Je voudrais pouvoir mettre fin à cette existence de M.... (et ce n'est pas la première fois), mais le suicide me paraît un peu radical. Ou tout ravaler et me taire?? En tout cas, j'en ai marre et si ça continuer ainsi, ça va péter. Je ne veux plus continuer ainsi. D'ailleurs je souffre d'une oesophagite chronique et ma gorge brûle! (somatisation?).

[unlui]

bonjour Sourifleur
je suis désolé des souffrances que tu ressents
je ne crois pas que le travail ou l'on passe tant de temps soit innocent dans ce qu'on ressent
mais pour autant, je ne sais pas si c'est a cause du travail effectué qu'on a un type de ressentit, ou a cause de la manière dont on se positionne par rapport a son travail.
en fait, c'est je crois, autant la relation a soi même que la tache accomplie qui importe
de tout évidence, tu n'a pas l'impression de te réaliser par rapport a ton travail, et cela te pèse.
sais tu quel sont tes vrais besoin pour te réaliser ?
si oui, comme tu ne sembles pas pouvoir y répondre dans ton travail, quel sont les moyens pour les réaliser en dehors ?
Je cois qu'il est important que tu décline ce dont tu as besoin, de façon a voir comment le trouver dans ta vie.
courage

[sourifleur]

Merci pour ta réponse, Unlui et en te lisant je sens que ce que tu me dis est très juste.
Depuis que j'ai écrit ce post, j'ai passé beaucoup d'heures à réfléchir sur mes besoins réels (sans t'avoir lu!). C'est important de pouvoir dire ce qui ne va pas, mais c'est plus important encore (et plus difficile) de savoir ce dont j'ai réellement besoin.

Je ne parviens donc pas à me positionner ni à me faire entendre par mes proches, pour la simple raison que j'ignore à ce jour le message que j'ai envie de faire passer.

Demain, je vois mon thérapeute : je ferai un premier pas en lui disant que j'ai besoin de me sentir soutenue pendant un moment pour m'accompagner dans cette période de burnout et de réfléchir avec lui sur les choses que je pourrais changer et je lui demanderai aussi de passer à un rhytme d'une séance/semaine au lieu d'une séance toutes les deux, trois semaines.

C'est un premier pas tout petit, mais au moins j'exprime un besoin positif.

Merci en tout cas!

[lodiz]

je pense que la dépression est multi-cause, mais se sentir mal dans son travail est un déclencheur puissant: hiérarchie autoritaire ou peu humaine, charge de travail trop élevée permanente et collègues "agressifs" sont un cocktail qui quand on y est un peu prédisposé peut vite menez à la catastrophe complète pour une vie.

Ce qui pour certains est supportable ne l'est pas nécessairement pour un autre (mon psy dit :" les douleurs ne sont pas comparables"). De plus la peur de perdre un emploi que d'autres considèrent comme une bénédiction (salaire décent, licenciements rares, horaires pratiques,...) crée une pression qui empêche de fuir ce qui vous détruit à petit feu.

[unlui]

C'est un premier pas tout petit, mais au moins j'exprime un besoin positif.

je crois que prendre conscience de ses propres besoin et de leur légitimité est plus qu'un petit pas.
cela me parait le grand pas vers prendre soin de soi, sans égoïsme mais avec conviction.
si tu ne prends pas soin de toi, si tu n'es pas attentive a toi même qui le sera ?
il y a pleins de dictons qui nous emménent sur cette voix, d'équilibre avec nous même
charité bien ordonnée commence par soit même.
on ne peut donner que ce que l'on a.
donc si tu veux pouvoir donner et être reconnue je crois qu'il est important que tu commences par prendre soin de toi, ne serait-ce que parce que lorsque qu'on est mieux avec soit même, on est plus a même d'être bien avec les autres.
prend soin de toi, il est temps que tu soigne tes blessures et redeviennent l'être d'amour et de générosité dont tu rêve surement

[sourifleur]

Merci pour votre réponse et votre compréhension, Lodiz et Unlui!

J'ai fait ce pas, j'ai parlé avec mon psy, j'ai même répété mes propres paroles pour m'assurer qu'elles étaient claires et qu'il m'avait entendue.

En plus, je l'ai rassuré parce que manifestement, il était en pétard à cause du retard d'un patient précédent. Je lui ai dit que je n'avais pas trouvé ça grave d'attendre 20 minutes et que s'il devait un peu raccourcir la séance, je l'acceptais, du moment qu'il m'écoute.

Malheureusement, il s'est contenté de parler, parler de lui en ignorant quasiment ma présence. Malgré mes manifestations de frustration.

Cela s'est passé hier.

Ce matin, lasse de me sentir frustrée à cause du manquement de mon ex-thérapeute (ce n'était pas la première fois qu'il m'avait déçu!), j'ai pesé le pour et le contre de nos échanges et j'ai envoyé un mail disant que j'arrêtais, que c"était mieux pour moi. Il n'a eu droit qu'à une seule phrase.

Je suis triste oui (j'étais en plein transfert affectif et il était au courant!) mais je préfère souffrir un peu maintenant que de ruminer.

Et pourtant, quelque part, je suis contente d'avoir pris cette décision, seule. Je n'ai pas de regrets.

Au contraire, j'ai plus confiance en moi et le travail me semble un peu moins pénible. Deux de mes collègues m'ont même soutenue.

Je retiendrai quand même les bonnes choses que j'ai vécues avec lui (en quatre séances seulement), les côtés positifs de ces entretiens.

[unlui]

bonjour
je ne sais pas si je dois me réjouir pour toi ou pas que tu ai quitté ton psy
je sais par contre qu'un psy est la pour te faire bosser.
peut-être peux tu envisager d'en trouver un qui te pousse un peu.
en tout cas, n'abandonne pas tes soins.
tu as le droit de te sentir heureuse, donc de chercher les moyens pour cela
courage

[lodiz]

Tu devrais essayer d'en trouver un autre qui te conviendra mieux. Cà aide beaucoup de parler pour ceux qui y arrive.

Bonne journée, le soleil semble un peu présent après les énormes averses d'hier après-midi, très bon pour le moral.

[Jezabel]

Je me demande si le travail peut provoquer une dépression à long terme. En tout cas, chez moi, il l'aggrave!
Bien sûr qu'il faut gagner sa vie mais si c'est pour la perdre un peu plus chaque semaine à quoi bon?
Que dois-je faire, sinon, me mettre en incapacité de travail (bonjour la culpabilité, car physiquement je n'ai rien et mon médecin de contrôle n'est pas un rigolo)? Tout abandonner (suis tentée) et tout laisser derrière moi ?

Je comprend tout à fait ce que tu ressent chère Sourifleur. J'étais dans le même cas que toi, même si dans un domaine professionnel différent (commerce).
Après une longue période d’Arrêt maladie (2ans), je suis passée en invalidité depuis le début d'année.
Alors, oui, il y a de la culpabilité à ne pas travailler alors que tant de gens triment dur pour gagner leur vie et d'autres qui n'en peuvent plus de pourrir au chômage. Mais quel soulagement de ne plus subir l'ambiance et les gens dans ce travail où j'étais dans la détresse.
Et puis, ce mot "invalidité", c'est un peu lourd de sens. Perso, je ne le vis pas très bien quand je dois expliquer mon statut à quelqu'un. Le sentiments d'être une handicapée (dans un sens péjoratif), un parasite, qui profite du système. Mais c'est le regard que la plupart des gens portent sur les dépressifs, de toutes façons
Malgré tout, je me sens libérée d'un (gros) poids.

une thérapie avec un psychiatre qui me demande 75 euros la séance [...] Et tout ce qu'il a trouvé à me dire c'est que le problème que je vis avec mon boulot n'est pas très important!
Grâce à ce cher monsieur, je me sens finalement encore plus mal mais je culpabilise en me disant que même lui ne me croit pas.
Malheureusement, il s'est contenté de parler, parler de lui en ignorant quasiment ma présence. Malgré mes manifestations de frustration.
Ce matin, lasse de me sentir frustrée [...] j'ai envoyé un mail disant que j'arrêtais, que c"était mieux pour moi.
Et pourtant, quelque part, je suis contente d'avoir pris cette décision, seule. Je n'ai pas de regrets.

Il me semble que tu as fait le bon choix.
Ce psy ne m'a pas l'air très en mesure de t'apporter quelque chose de vraiment positif et constructif.

j'ai passé beaucoup d'heures à réfléchir sur mes besoins réels [...]. C'est important de pouvoir dire ce qui ne va pas, mais c'est plus important encore (et plus difficile) de savoir ce dont j'ai réellement besoin.
Je ne parviens donc pas à me positionner ni à me faire entendre par mes proches, pour la simple raison que j'ignore à ce jour le message que j'ai envie de faire passer.

Je suis totalement dans le même cas que toi...
Un peu perdue...

par unlui »

sourifleur a écrit:
C'est un premier pas tout petit, mais au moins j'exprime un besoin positif.

je crois que prendre conscience de ses propres besoin et de leur légitimité est plus qu'un petit pas.
cela me parait le grand pas vers prendre soin de soi

Rien à dire de plus

Il me semble que tu es sur la bonne voix!

Bon courage pour la suite!

(et désolée pour le pavé :/ )

[doloplus]

Pouir répondre à la question de départ : Oui, le travail peut causer une dépression. Le Dr Hirigoyen l'explique trés bien dans ces travaux sur le harcèlement moral en entreprise :
"Bien que le harcèlement au travail soit un phénomène aussi vieux que le travail lui-même, c'est seulement au début de cette décennie qu'il a vraiment été identifié comme un phénomène détruisant l'ambiance au travail, diminuant la productivité, mais aussi favorisant l'absentéisme par les dégats psychologiques qu'il entraine."

"Le harcèlement nait de façon anodine et se propage insidieusement. Dans un premier temps, les personnes concernées ne veulent pas se formaliser et prennent à la légère piques et brimades. Puis ces attaques se multiplient et la victime est régulièrement acculée, mise en état d'infériorité, soumise à des manoeuvres hostiles et dégradantes pendant une longue période. De toutes ces aggressions on ne meurt pas directement, mais on perd une partie de soi-même. On revient chaque soir ,usé, humilié, abîmé. Il est difficile de s'en remettre."

"Contrairement à ce que leurs aggresseurs essaient de faire croire, les victimes ne sont pas au départ des personnes atteintes d'une quelconque pathologie ou particulièrement faibles.""

Pour ceux qui voudraient approfondir cette question je recommande la lecture de cet ouvrage : "Le harcèlement moral dans la vie profesionnelle, démêler le vrai du faux" de Marie-France Hirigoyen, 2001.