- L'incidence des TOC est plus grande qu'on le pensait. Les TOC sont plus souvent diagnostiqués que la schizophrénie ou les troubles bipolaires. D'après les statistiques, parmi les 100 personnes que vous croisez en vous rendant au travail, au moins deux combattent tous les jours des obsessions.
Dr Gilbert Pinard et Dr Debbie Sookman
Il est 8 h 50 et le bureau est à 20 minutes de marche. C'est votre première semaine de travail à votre nouvel emploi et vous serez en retard, comme toujours. Mais vous vous arrêtez au moment de franchir le seuil. Avez-vous bien fermé la cuisinière après avoir fait cuire les oeufs? Vous l'avez fait, vous en êtes sûr. Mais si vous aviez oublié? Si un incendie se déclenche, le gaz se répandra dans la maison... Voyons, c'est ridicule! Pourtant, vous refermez la porte et vous revenez à la cuisine. La cuisinière est bien fermée. En un sens, vous n'êtes pas surpris, mais quand même bien soulagé d'avoir vérifié. Une fois rendu, aussi bien vérifier si le four est éteint. Vous avez l'impression de devenir fou, c'est absurde. Mais vous ne pouvez pas vous maîtriser.
Voilà un exemple des rituels épuisants qui caractérisent les troubles obsessifs compulsifs (TOC). La personne atteinte de TOC élabore un rituel, appelé compulsion, en réponse à des pensées non voulues, qui s'imposent et qui reviennent, les obsessions. Elle adopte le rituel pour se soulager de l'anxiété qu'engendre l'obsession, mais le soulagement est généralement éphémère et l'obsession réapparaît. La vie de bon nombre de personnes qui souffrent de TOC est radicalement bouleversée par la maladie.
« Les TOC se classent parmi les troubles anxieux, qui sont le type le plus courant de troubles psychiques », affirme le Dr Debbie Sookman, psychologue clinicienne qui dirige le programme des troubles obsessifs compulsifs à l'Hôpital Royal Victoria du Centre universitaire de santé McGill. L'un de ses domaines de spécialité est l'étude et le soulagement des personnes affligées de comportements compulsifs.
« Un grand nombre d'obsessions ont tendance à se fixer sur les blessures, les risques ou les dangers », dit-elle. « Parmi les plus courantes, mentionnons la peur de la saleté, de la contamination ou des catastrophes. Les rituels créés par les malades peuvent prendre la forme d'activités physiques, comme se laver sans cesse ou laver avec excès des objets, vérifier la cuisinière ou d'autres appareils ménagers. Les rituels de nature mentale peuvent impliquer de compter ou de prononcer des formules de manière répétitive pour atténuer le danger. »
Selon le Dr Sookman, comme le soulagement ne dure pas, l'intensité et la durée des gestes compulsifs s'aggravent, souvent au point de placer la personne en état d'incapacité. Phénomène intéressant, la personne aux prises dans la vie avec des obsessions et des rituels est souvent consciente que ses peurs et ses comportements sont déraisonnables et excessifs.
Le programme des TOC se distingue notamment par l'intégration de services cliniques avancés, entre autres la thérapie cognitivo-comportementale (TCC), développée par le Dr Sookman en collaboration avec le Dr Gilbert Pinard. Le Dr Pinard, psychiatre à l'HRV et professeur à l'Université McGill, mène des recherches et des travaux cliniques sur les TOC. Il décrit une patiente dont l'obsession est fixée sur la viande de boucherie : « Elle n'en mange pas. Si elle pense que l'employé qui a garni le rayon du surgelé pourrait avoir touché aussi au poulet, alors elle ne peut pas acheter de poulet. Elle rentre chez elle avec ses peurs. Les membres de la famille, qui pourraient avoir été en contact avec un paquet de viande « contaminée », ont probablement contaminé le réfrigérateur, ce qui la force à le nettoyer. La personne contaminée, en plus, doit prendre son bain. Puis le bain doit être nettoyé. La patiente passe littéralement des heures à nettoyer toute la maison jusqu'à ce qu'elle ait la sensation que la maison est propre.
« Cette sensation et ce comportement attribuables aux perceptions de la personne constituent la cible des cliniciens dans le traitement des patients atteints de TOC », déclare le Dr Pinard. « Dans le traitement basé sur la TCC, le clinicien évalue les croyances irréelles du patient et leurs relations avec l'anxiété et les symptômes. La thérapie cognitive est axée sur l'identification et la modification des perceptions et des sensations issues des situations anxiogènes.
« Apprendre à mieux gérer les émotions intenses liées aux TOC », dit le Dr Sookman, « peut être le premier pas qui mène progressivement à faire face à la situation sans accomplir le rituel. »
La technique d'exposition aux situations et aux pensées redoutées et de prévention de rituels, qui consiste à faire face à la situation redoutée sans accomplir le rituel associé, est au coeur de la thérapie comportementale des TOC. Par ailleurs, la thérapie cognitivo-comportementale intégrée au programme des TOC traite également un ensemble de difficultés connexes, de relations interpersonnelles et d'estime de soi, par exemple.
D'autres formes de thérapie sont offertes aux patients atteints de TOC, mais la thérapie cognitivo-comportementale est actuellement le traitement psychothérapeutique de prédilection. Certains patients ont aussi besoin de traitements pharmacologiques, mais le taux de rechute des patients qui interrompent une médication efficace est très élevé quand ils ne sont pas également traités par la TCC.
Le programme des TOC fait appel aux étudiants au doctorat en psychologie et aux résidents en psychiatrie de l'Université McGill qui peuvent se former par le contact avec les patients de l'HRV atteints de TOC. La recherche compte également pour une large partie du programme. L'un des axes est la recherche de moyens pour perfectionner le suivi du traitement et les améliorations à long terme des patients qui éprouvent des symptômes graves, récurrents et résistants. Une étude financée par le FRSQ-CQRS et dirigée par le Dr Chawki Benkelfat, psychiatre et co-leader de l'axe de recherche Maladie mentale et Toxicomanie de l'Institut de recherche du CUSM, vise actuellement, à l'aide des techniques de neuroimagerie, à étudier les mécanismes cérébraux qui aident à améliorer l'état des patients. Le Dr Benkelfat mène cette étude de manière à pouvoir comparer les résultats avant et après le recours aux thérapies cognitivo-comportementales et aux pharmacothérapies. Le Dr Sookman agit comme co-chercheur principal de l'étude.
En fin de compte, un grand nombre de questions demeurent sans réponse. Notamment, quelle est la cause des TOC? Les experts du domaine n'ont pas encore la réponse, mais ils pensent qu'il s'agit d'un ensemble complexe d'éléments physiologiques et psychologiques. Le Dr Sookman et le Dr Pinard sont aussi membres d'un groupe international de cliniciens et de chercheurs experts, le Obsessive Compulsive Cognitions Working Group, qui réalise des études en collaboration à divers endroits en vue d'améliorer l'évaluation et le traitement de cette maladie problématique.
En lisant cet article on trouve tout de même des mots comme troubles bipolaires, ensemble complexe d'éléments physiologiques et psychologiques la dépression ne me semble pas loin...