Je vais te dire ce que j'en pense pour le moment.
Je n’ai dit nulle part que Mr. Raoult n’était pas un expert et le fait qu’il le soit m’autorise d’attribuer du crédit à ses travaux.
En tant que non experte, je le fais : je le lis sérieusement, mais ce n'est pas un titre qui va me faire dire qu'il a raison.
Pour autant, cela n’est pas justifié d’admettre qu’il a trouvé un remède, de l’ériger en héros (d'ailleurs, agir comme cela a des effets délétères, visiblement, sur les personnes concernées) et que l’on décide de suspendre le confinement (je ne te prête pas ces propos, mais beaucoup raisonnent comme cela).
Honnêtement, un expert qui falsifie, t’en penses quoi ? Ben moi je suis sceptique, désolée, quand bien même le reste du consensus scientifique lui donnerait finalement raison, je me méfierai à chaque nouvelle sortie.
S'il nous dit que la chloroquine est efficace, blouse blanche ou pas, le type est spécialisé dans le domaine. Il ne mettrait pas sa réputation en danger sous prétexte qu'il aurait feint d'ignorer les "tableaux et les graphiques" qui prouvent que l'étude serait manipulée (dans quel but ?).
J’aimerais bien qu’elle le soit, Antonio, mais ce que je veux, on s’en fout et on n’en sait rien pour le moment. Autrement, pour le reste, je n’ai pas la réponse et je doute avoir autant d’imagination. Je préfère considérer que c’est de la précipitation de sa part suite à la crise actuelle plutôt qu’autre chose.
J’ai regardé sa « nouvelle étude », mais ça ne remet pas en question le fait qu’il se prononce beaucoup trop vite pour la prescription d’une molécule à index thérapeutique étroit (tu as pris connaissance de cette problématique, je suppose ?).
Concernant ladite étude (et pour ce qui est de Mr. Seitz, ses reproches peuvent être adressés aux deux études), as-tu lu attentivement cette nouvelle étude ?
1. Pas de groupe contrôle (j’ai appris ce concept en quatrième, au collège, pas besoin d’être un expert pour comprendre).
2. L'âge médian = 52 ans - donc ;
a priori - pas les tranches d'âge très touchées par la mortalité.
On obtient environ 98% de guérison, ce qui correspond au taux de guérison global sans rien faire. Aucun moyen de vérifier si ces molécules ont été effectives concernant la diminution de la charge virale ou si cette diminution est l’oeuvre du temps (je précise qu’on a pas encore prouvé le lien entre charge virale et gravité du virus, ce n'est pas faute d'essayer).
Pas d'essais cliniques en double aveugle, pas de groupe témoin, pas de combinaisons de dosage entre les deux médicaments, mais 80 cas avec le traitement similaire, un taux semblable de mise sous oxygène puis un taux de mortalité similaire et en plus, pas de relectures indépendantes de l’étude.
Je peux te retourner la question : si ces travaux étaient valides, pourquoi l’OMS ne soutiendrait pas les travaux de Mr. Raoult ?
Désolée, mais quand je lis l’étude, je pense que ça ne sert à rien de refaire les mêmes bêtises avec 80 personnes pour que ça paraisse plus convainquant, ça ne rend rien plus valide. La présence d’un groupe contrôle est la base et sans cela, l’étude ne veut rien dire.
Autre détail qui me gêne :

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il affirme que c’est une étude observationnelle, ce qui est faux : elle est interventionnelle car les moyens mis en oeuvre sont expérimentaux. Le code de santé publique exige beaucoup plus d’une étude interventionnelle parce que ça comporte plus de risques et il faut - au minimum - une :
- Assurance en cas d'incident
- Méthodologie CNIL à suivi plus drastique
- Autorisation d'un comité d'éthique
- Autorisation de l’agence du médicament
- Enregistrement de l'étude sur EudraCT
Ce qui n’a pas été fait de toute évidence, alors la notion d’éthique est également discutable.
Une attitude déontologique aurait été d’écrire : « Je n’ai pas conduit une étude à un niveau de preuve suffisant, mais, au vu du contexte, et engageant mon expertise, je propose ce traitement en admettant un risque non négligeable à fort d’erreur » et d’accepter de participer à un processus de décision collégiale (c’est lui qui s’isole alors que ses connaissances pourraient être précieuses, outre la méthodologie bancale).
Le problème, c’est que c’est une urgence et l’ironie, c’est qu’on ait besoin de temps. Je comprends l’urgence tant que le fait que l’on doit prendre le temps minimal d’apprécier une balance bénéfices-risques.
Mais faute de solutions concrètes, le meilleur moyen d’éviter la surcharge des hôpitaux, c’est d’essayer de limiter la propagation, soit, le respect strict des règles de confinement ; confinement, que Mr. Raoult jugeait inutile (la Chine a même passé le point d'inflexion il y a un bon moment plusieurs semaines maintenant ils doivent se préparer à l'effet de rebond, j'espère qu'il n'y en aura qu'un de point d'inflexion).
Je comprends qu’il y a urgence mais il faut considérer que cette molécule est à index thérapeutique étroit et que l’engouement pour son emploi nécessite une surveillance clinique puisque ça n’est pas anodin du tout. Ce qui mobilise un accompagnement médical idoine pour ne pas risquer un énième scandale sanitaire. Ce traitement sert pour le paludisme et pour la mucoviscidose qui sont létaux.
Encore un fois, il faut attendre les résultats sur des cohortes plus élargies avant de se prononcer. C’est clair que c’est chiant mais on ne peut pas faire autrement.