Je me suis inscrite sur ce forum, car j'avais besoin de parler, mais je ne sais pas trop par où commencer… Je m'excuse à l'avance si c'est un peu brouillon et que je pars dans tous les sens, ça va être long.
Pour me présenter, je suis une femme de 27 ans en dernière année de thèse en chimie (organométallique pour les connaisseurs). Le problème est que je suis vachement déprimé, anxieuse, au bord de la crise de nerfs et que je ne sais pas quoi faire… Enfin si, mais je semble restée dans un déni de moins en moins confortable (la technique de l'autruche, une de mes spécialités). Alors voici mon histoire :
Depuis mon enfance, comme beaucoup de gamins, j'ai adoré la science et ai très vite voulu y faire carrière. Après un bac S, deux ans de classe prépa CPGE, un an de licence, je me retrouve en master chimie inorganique dans lequel je dois faire un stage de 6 mois en dernière année. Je commence donc mon stage dans un laboratoire dans le sud (je pars de Lyon). Au début du stage tout se passe bien, je m'intègre assez vite dans l'équipe, m'entend bien avec mon maître de stage que l'on appellera ALEX, le sujet me plait beaucoup.
Niveau expérimental, je me fais vite la main. C'est une chimie assez difficile, mais je maîtrise, mon maître de stage me dira même être impressionné, car en une semaine, je me débrouille toute seule quand il pensait devoir me former pendant un mois. Tout allait pour le mieux, pendant 2 mois, je vis ma best life, et tout bascule lorsque au détour d'une expérience, on découvre un truc intéressant et mon sujet est changé vers l'étude de ce truc "intéressant". Je me retrouve avec un sujet totalement différent, aucune bibliographie dessus, il faut tout construire, les manipulations ne sont plus les mêmes, le sujet ne me plaît pas, mais je n'ose pas le dire. Psychologiquement, je commence à aller mal, j'ai beaucoup de pression, mon maître de stage me met beaucoup de pression, je fais des horaires interminables. J'arrive au labo à 8h pour partir à 22h voir minuit, je travaille même les week-ends. Je me sens de plus en plus mal, mais je me dis que ce n'est pas grave, c'est juste le sujet qui ne me plait pas, les collègues restent quand même sympa et malgré la charge de travail, je m'accroche.
Deux mois avant la fin de mon stage, je cherche une thèse, j'en discute avec Alex pour avoir des pistes et il me dit qu'il m'aurait bien pris en thèse dans l'équipe sur le sujet original de mon stage, mais il n'a pas eu les financements pour une thèse. Je me dis que c'est dommage mais je passe à autre chose. Un mois plus tard, je commence à rédiger mon rapport de stage et je cherche donc de la bibliographie sur mon sujet de départ et je tombe par hasard sur une offre de thèse dans mon équipe sur le sujet de départ de mon stage, celui dont Alex m'avait dit qu'il n'avait pas eu les financements et l'offre date de 6 semaines plus tôt. Il m'avait menti et n'avait pas eu le courage de me dire qu'il ne me voulait simplement pas de moi en thèse ! Je me sens profondément blessée et j'en discute avec mes collègues doctorants. Et, là, second coup de massue, ils étaient tous au courant de cette offre de thèse et faisaient également semblant de se sentir désolée pour moi qu'Alex n'ait pas eu les financements pour me prendre en thèse. Tout ce beau monde m'a menti pendant des semaines, je me sens trahie, je remets tout en question, je pleure tous les soirs en rentrant chez moi, je vomis tous les matins avant d'aller au labo. J'ai l'impression d'être entourée d'hypocrites, mais je garde tout pour moi. Je n'en parle à personne aussi bien au labo que dans mon entourage.
Quand je demande à Alex une lettre de recommandations pour une autre offre de thèse (elle était requise pour la candidature), il refuse et me dit qu'il préfèrerait que je donne son numéro de téléphone pour qu'il discute directement avec le directeur de thèse, car c'est son nom et sa réputation. Il ne veut pas risquer de "salir sa réputation" avec une fausse lettre de recommandation. Je comprends à ce moment-là qu'il doit vraiment avoir un problème avec moi, avec mon travail, mais il ne m'en parle jamais, dit toujours être content de moi, de mes résultats, etc. Le coup de la thèse m'avait déjà blessé et le couteau ne fait que de s'enfoncer. J'en arrive au stade de ne plus postuler pour des thèses, car j'ai peur qu'il parle mal de moi auprès de potentiels futurs encadrant.
On a enfin fini par discuter quelques jours avant la fin de mon stage, il m'a expliqué qu'il me trouvait démotivée les dernières semaines, que je n'étais plus passionnée par la chimie, que je ne m'emballais pas quand on avait de bons résultats, etc. Mais mec, je travaille 12 heures par jour, les week-ends, tout le monde me ment dans cette équipe, toi le premier, le sujet est super difficile, j'ai une pression énorme, mais je dois garder le sourire H24 ? Ce stage était tellement toxique que lorsque j'ai demandé à prendre mon dernier jour, car je devais quitter l'appartement dans lequel je vivais et que j'avais un train 60 euros mois cher si je partais le mardi et pas le mercredi, Alex m'a dit non parce qu'il fallait travailler jusqu'au dernier jour (pour info, il a fini par changer d'avis).
À la fin de ce stage, j'étais lessivée, dégoutée de la chimie, j'avais perdu toute confiance en moi, mais je minimisais les dégâts psychologiques de cette expérience sur moi…
J'ai fini par rentrer chez mes parents, j'ai réussi à discuter de cette expérience avec des amis proches tout en minimisant son impact sur moi, Alex était juste une mauvaise personne, le stage ne s'était pas bien passé, mais j'avais acquis de nombreuses compétences en manipulation et eu une bonne note au final. Je m'étais dit que je prendrais l'été pour me reposer et comme j'avais loupé le coche des offres de thèses (mai-juin-juillet), j'attendrai de voir dans l'année des offres intéressantes notamment à l'étranger pour postuler.
Là où j'aurais dû m'apercevoir à l'époque combien ce stage m'avait détruit la santé mentale est que durant l'année qui a suivi, même lorsque je trouvais des offres de thèses attrayantes, je ne postulais pas, je remettais toujours ma candidature à plus tard et "hop c'est dommage, la date limite, c'était hier, je n'avais pas vu". Ensuite, quand mes amis me demandaient où j'en étais dans ma recherche de thèse, c'était toujours "oh, il n'y a rien d'intéressant" ou "j'ai postulé, mais on ne m'a pas répondu (je n'avais postulé pour aucune offre)".

J'ai fini par trouver du travail dans un restaurant, et j'ai été serveuse en attendant de trouver la bonne thèse. Puis la COVID et le confinement sont arrivés. Ça a été, je dois le dire, malgré l'horreur de la Covid, les meilleurs mois de ma vie. J'étais à la campagne, chez mon père, avec ma sœur, la forêt à côté, les promenades avec mon père, les barbecues avec mon beau-frère, le calme. Je me suis ressourcé pendant ces mois, fais un gros travail sur moi, la chimie me manquait et j'ai enfin fait ce qu'il fallait pour trouver une thèse. J'ai postulé à deux offres qui me plaisaient beaucoup, sur un sujet semblable au premier de mon stage dont une dans la ville du sud ou j'avais fait mon stage. J'ai rapidement eu une réponse, l'entretien a duré 2 heures, on s'est très bien entendu avec le directeur et j'ai été accepté pour la thèse.
Je commence ma thèse en novembre 2020, je m'intègre rapidement dans l'équipe, le sujet est vraiment top, mon directeur top, tout va bien. J'apprends même par une doctorante, que j'avais été sélectionnée parmi 8 candidats (ça boost bien mon égo) et que mon directeur de thèse connait bien Alex et que ce dernier lui avait dépeint un portrait peu flatteur de moi. Bien que je m'en doutais, avoir cette information m'a autant fait de bien que de mal, car j'ai commencé à me mettre une pression de folie dans le sens où je voulais prouver à Alex qu'il avait tort, mais surtout à mon directeur de thèse qu'il ne s'était pas trompé en me choisissant. J'avais tellement peur de le décevoir et cette peur ne m'a jamais quitté. Un mois et demi après le début de ma thèse, j'ai perdu mon père mi-décembre 2020. Il est parti soudainement, il avait toujours été en bonne santé, on ne s'y attendait pas.
Après le décès de mon père, j'ai commencé à sombrer progressivement, je travaillais comme une acharnée en recommençant à faire des horaires impossibles, mais mon sujet n'avançait pas (c'est la recherche, ce n'est pas grave en soi). En février 2022, je suis au fond du trou, ça se passe mal dans mon appartement où des problèmes d'humidité mon exilé à dormir sur mon canapé depuis un an, j'ai perdu toute motivation, j'erre au labo comme un zombie, faisant le minimum. Mon directeur (toujours au top) s'en aperçoit, on en discute, je lui dis simplement que je suis fatiguée, mais que je vais me reprendre en main. J'y arrive, et les mois passent, je déménage, je me sens mieux dans mon nouvel appartement en coloc cette fois, je suis moins seule.
On arrive à septembre 2022 et je dois faire une mi-thèse avec un rapport et une présentation devant le laboratoire entier. Je rentre de 3 semaines de vacances en août très malade, je suis en arrêt pendant 2 semaines avec 40° C pendant 10 jours. Il me reste une semaine pour rédiger mon rapport, je travaille jours et nuits. Le jour de la date limite pour le remettre, il me reste des corrections à faire, j'ai dormi en tout 4 heures en 7 jours, je suis tétanisée devant mon ordinateur. Je fais une sorte de crise de panique où je reste livide devant mon ordi sans bouger, toute la journée, jusqu'à ce que ma colocataire rentre du travail à 17h. Mon directeur a essayé de me contacter toute la journée, mes collègues également. Le lendemain, je rends mon rapport et décide de tout expliqué à mon directeur : ce deuil que je n'arrive pas à faire, cette succession difficile où en étant l'ainée, je me retrouve à batailler avec le notaire à plusieurs centaines de km de distance, cette pression familiale où je ne peux pas craquer, car je dois rester forte pour mes petits frères et sœurs, cette thèse où je me mets une pression de malade de peur de le décevoir, où j'ai l'impression que rien n'avance, que je tourne en rond dans ma recherche. Je suis au bord du burn-out. On discute longtemps, il me rassure sur mon travail, il me dit que mes résultats sont bons et que je ne dois pas avoir peur, du moins pour ma thèse. On voit ensemble comment faire pour, que j'aille mieux, du moins au travail, il appelle pour moi l'école doctorale pour voir quelles solutions seraient adaptées dans mon cas, il souhaiterait par exemple, que je ne travaille qu'à mi-temps pour que je puisse avoir du temps pour moi. L'école doctorale nous explique que c'est impossible dans mon cas, car j'ai un financement européen pour 35h et qu'une prolongation de la thèse n'est donc pas envisageable. J'ai tout de même plusieurs rendez-vous avec la médecine du travail qui me conseille de voir un psychiatre car j'ai tous les symptômes d'une dépression et que je dois être sous traitement.
Je contacte mon généraliste qui me donne une ordonnance pour des séances de psy, et me prescrit des somnifères comme j'ai de gros soucis d'insomnie due au stress.
Aujourd'hui, je suis au bord du gouffre. Je ne vois plus la psy après deux séances, car je n'avais pas l'impression que ça m'aidait puisque je me sentais mieux après avoir discuté avec mon directeur. Mais, à 7 mois de la fin de ma thèse, alors que je dois commencer la rédaction dans quelques semaines, je ne m'en sens pas capable. Je suis tellement anxieuse que je n'en dors pas la nuit, j'enchaine les soucis de santé (migraines, douleurs thoraciques comme si je faisais une crise cardiaque, difficulté à respirer), j'ai le cœur qui bat à mille à l'heure, je fume comme un pompier pour me calmer (de 3 clopes par jours, je fume un paquet de 30 en 2 jours). J'ai l'impression d'être un imposteur, de n'avoir rien fait pendant ma thèse, que je rendrais un manuscrit de 10 pages tellement mes résultats n'ont pas été concluants. Je suis très déçu de moi, j'ai l'impression d'avoir gâché près de 3 ans de ma vie, je suis déçue pour mon directeur, je me dis que s'il avait pris quelqu'un d'autre, peut-être aurait-il eu de meilleurs résultats. Je ne sais pas où je vais avec ma vie. Je me compare sans cesse à mes collègues, je me déteste de ne pas avoir eu des résultats comme eux. Je me sens comme une M...., Alex avait raison je ne suis pas quelqu'un de bien, vraiment une M..... J'ai envie de tout arrêter, mais je sais que je regretterai dans de ne pas avoir soutenu ma thèse à 7 mois de la fin. Je n'ai toujours pas fait le deuil de mon père et je n'accepte toujours pas son départ, physiquement, j'ai pris 30 kg depuis son décès.
Enfin, voilà mon histoire, je pourrais encore écrire pendant des heures, mais je vais m'arrêter là ... Merci à ceux qui m'auront lu.